32. Cadeau empoisonné

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Les jours suivants passent dans une atmosphère pesante. Sans m'en rendre compte, je me suis mise à vivre dans l'attente de l'inconnue. Parfois, je me fige, les yeux fixés sur un point aléatoire, comme si elle allait soudain y surgir. Embry ne dit rien, mais cela lui pèse plus qu'il ne concéderait me l'admettre.

Quant à moi, je n'y peux rien. C'est véritablement plus fort que moi et je ne peux faire d'autre qu'attendre. Je ne peux pas faire comme si rien d'important n'était en train de se jouer, parce que ce n'est pas le cas. C'est même tout le contraire !

Mon humeur s'en ressent et j'en ai également conscience. Ces derniers jours, je ne suis pas cette jeune femme souriante et dynamique que tous connaissent. Je suis plutôt devenu le reflet de celle que je suis au plus profond de moi : cette vieille femme courbée sous le poids de son passé.

Je suis devenue taciturne. Mon sommeil est plus léger que jamais et je sursaute parfois au moindre son dans la nuit. Les cauchemars sont plus vivaces que jamais et ils me laissent chaque fois pantelante au réveil.

— Aina, tu ne peux pas continuer comme ça... soupire Embry quand je me réveille à nouveau en nage cette nuit là.

Je ne sais que lui répondre. Bien évidemment que je ne peux pas continuer comme ça, mais je ne peux rien faire non plus pour changer les choses.

— Je m'inquiète tellement pour toi, Aina, insiste Embry face à mon mutisme.

— Moi aussi, Embry. Il n'y a cependant rien à faire, tu le sais aussi bien que moi. Elle a réveillé quelque chose en moi et il m'est devenu vitale de la revoir.

— J'aurais préféré qu'elle ne rentre jamais dans ta vie. Qui sait si elle reviendra jamais te voir ? Comment peux-tu en être aussi certaine ?

— Elle le fera, rétorqué-je avec obstination. Je le sais. Et moi, je ne regrette pas son entrée dans ma vie. Ces réponses, je les ai attendues toute ma vie.

— Mais valent-elles de te mettre dans des états pareil ?

Je me mure à nouveau dans le silence. La vérité, c'est que j'essaie de me convaincre moi-même. Dans le fond, je ne sais pas du tout ce qui aurait été le mieux pour moi. Mais maintenant que les réponses sont là, à portée de main, je ne peux plus faire qu'aspirer à les connaître. Ce n'est plus comme auparavant, lorsque je ne pouvais même pas en apercevoir ne serait-ce que l'ombre. Quand c'était le cas, j'acceptais l'ignorance. Désormais, je ne peux plus le faire.

Au matin, Embry me quitte avec un dernier regard rongé d'inquiétude. Plus tard, quand quelqu'un sonne à ma porte, je vois déjà Edward m'adresser un regard de reproche parce que je torture Embry et toute la meute avec lui. Je ne doute pas qu'il soit lui aussi empoisonné par les pensées d'Embry au travers de Jacob ou Seth.

Je suis néanmoins prise de cours et sidérée quand mon regard tombe sur la silhouette androgyne de mon inconnue, celle qui m'a hantée pendant plusieurs semaines et que j'attendais tant de voir surgir, mais qui s'est décidée à se présenter à moi au moment où je m'y attendais le moins. D'une façon presque trop normale aussi.

— Tu ne me proposes pas d'entrer, Aina ? me demande finalement la femme de sa voix grave et saisissante, un sourire au coin des lèvres.

— Avez-vous vraiment besoin de mon autorisation, vous qui êtes capables de vous dissiper dans les airs comme un fantôme ?

— Je préfère tout de même avoir ta bénédiction.

— Alors entrez, dis-je avec l'impression de vivre une scène très lointaine.

La femme se dirige vers mon unique fauteuil et s'y installe. Elle me regarde ensuite, l'air d'attendre que je m'installe dans le canapé, mais je reste debout, les bras ballants, à l'observer.

Aina [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant