38. Humaine

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Tout a changé. Du moins, c'est censé être le cas. Je ne parviens pourtant pas à me sentir différente. Je crois que je refuse toujours partiellement de croire à la réalité de la situation. Tout le monde est pourtant ravi pour moi, parce que j'ai obtenu ce que j'ai toujours souhaité, parce que j'ai tout pour être heureuse désormais.

C'est une sensation étrange que me dire que je ne suis plus tout à fait comme eux, plus vraiment exceptionnelle (si on ne tient pas compte de mon passé particulier et anormalement long). Aujourd'hui, je suis normale, oui. C'est ce que je m'efforce encore d'intégrer.

La vérité, c'est que j'ai peur que tout ça soit une erreur, un malentendu. C'est le problème majeur qui m'empêche d'être véritablement heureuse de ce qui m'arrive. J'ai peur de me réjouir pour finalement me retrouver immensément déçue. J'ai trop souffert pour supporter une déception de cette ampleur.

Alors, pour me protéger, je fais comme si rien n'avait changé. Ce qui est stupide, j'en ai conscience. C'est simplement plus fort que moi. Je voudrais une preuve ultime, celle devant laquelle il me serait impossible de prétendre que je suis toujours la même, que je suis toujours immortelle.

J'en veux beaucoup à mon inconnue à ce sujet. Parce qu'elle m'a quittée sans même me dire au revoir en personne, sans même m'expliquer qu'elle avait exaucé mon souhait. Je ne comprends pas son comportement, en réalité. Néanmoins, elle m'a fait un cadeau immense, pour peu que je veuille bien y croire, et je ne suis pas en position d'avoir la moindre exigence à son égard. Je dois tout simplement passer à autre chose, me concentrer sur ma vie et sur ses nouvelles perspectives.

Après avoir passé l'après-midi en compagnie d'Angela et de Ben, pour évoquer leurs préparatifs de mariage, je suis d'ailleurs conviée ce soir à une soirée chez les Cullen. Si j'en crois ce qu'a bien voulu me dire Edward, Alice a eu l'idée d'organiser une fête pour célébrer mon humanité. L'idée me paraît très étrange mais je ne suis pas sans me rappeler qu'Alice cherche perpétuellement des raisons pour exercer ses talents d'organisatrice d'événements.

A mon retour de chez Angela, je m'autorise un instant de repos en m'allongeant sur mon lit. Je suis fortement tentée de m'excuser auprès d'Alice et de ne pas me rendre à sa soirée, mais ce serait terriblement impoli de ma part, d'autant plus en sachant qu'elle l'organise pour moi, et je ne peux pas me résoudre à la décevoir. De toute façon, je suis persuadée qu'elle serait capable de venir me chercher elle-même par la peau du cou. Il est d'ailleurs probable qu'elle ait eu vent dans une vision de mon intention de lui faire faux bond. Non, je vais vraiment devoir me résoudre à aller à cette soirée, notamment pour éviter que la soirée de l'humanité se transforme en une soirée funérailles.

— Tu n'es pas prête ? me demande Embry.

Ne l'ayant pas entendu arriver chez moi, je sursaute en le découvrant soudain si près. Un peu pour me faire plaindre, je soupire et m'avoue complètement épuisée.

— Tu veux annuler ? s'enquit Embry.

— N'évoque pas cette possibilité, m'amusé-je. Alice me tuerait.

Avec résignation, je me décide à m'activer et commence à me préparer. Se faisant, je m'oblige à faire un peu d'auto-persuasion mentale afin de me motiver. Je sais en effet que la soirée a toutes les chances d'être agréable. Je serais bien entourée, qu'est-ce qui pourrait donc mal tourner ? Je fais preuve de mauvaise foi et j'en ai conscience.

Quand je suis finalement prête, Embry propose de prendre le volant. Je le lui laisse volontiers, sachant que ça lui fait plaisir de conduire.

Sur le chemin jusqu'à la demeure des Cullen, je laisse mes pensées se dérouler toutes seules, autour d'un million de sujets sans rapport les uns avec les autres. Au final, c'est néanmoins le sujet de mon humanité qui finit toujours par revenir au centre du tableau.

Aina [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant