Carnet 4 : Partie 1

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Pour la première fois de notre vie, James et moi avons posé pied sur le territoire français. Au départ, j'ai eu du mal à réaliser que nous avions changé de pays, mais en entendant les gens parler autour de nous, il est vite devenu évident que James et moi étions des étrangers ici. Et me sentir étrangère au pays, ça m'a fait me sentir étonnamment bien. Ici, plus rien ne semble me rattacher à quoi que ce soit, comme une nouvelle page – même si cette idée là n'est pas sans être associée à énormément de culpabilité.

Nous ne savons pas encore ce que nous allons faire dans ce nouveau pays, comment nous allons y vivre, mais James est plein de ressources et je suis persuadée qu'avec lui, tout ira bien.

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Si tout nous avait semblé si beau à notre arrivée dans le nord de la France, nous avons vite déchanté. Assez rapidement, nous avons pris connaissance par d'autres immigrés que, tout récemment, une épidémie avait commencé à frapper la région. Une épidémie de choléra. Et plus James et moi descendions dans les terres, plus la misère à laquelle nous assistions était pire.

Nous avons rapidement décidé de nous orienter vers l'ouest tant qu'il en était encore temps, avant que l'épidémie nous frappe à notre tour.

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C'est alors que James se mettait en spectacle dans la rue, faisant la démonstration de ses talents d'acrobates et de théâtre pour nous faire gagner un peu d'argent, que nous avons croisés la route d'autres itinérants. A la façon dont ils se sont intéressés à lui, j'ai eu une impression de déjà-vu. J'ai été transportée en arrière, jusqu'à ma rencontre avec « la vieille ».

Quand le numéro a été terminé, un barbu est venu à la rencontre de James. Il lui a d'abord parlé en français, sans que James puisse le comprendre, puis, en constatant le barrage langagier, il a appelé un jeune homme aux cheveux flamboyants, bien plus que les miens, qui frisottaient en tous sens autour de sa tête.

Méfiante de leurs intentions, je me suis rapprochée de mon ami pour faire front à ses côtés, au cas où ces gens étaient malintentionnés. Quand je suis arrivée, le jeune homme aux cheveux roux parlait de l'intérêt du barbu pour les compétences de James, qu'il aimerait beaucoup le compter parmi les talents de sa caravane itinérante.

A ce moment là, j'ai échangé un regard hésitant avec James. Nous avions quitté notre précédente caravane, était-ce vraiment pour en retrouver une nouvelle dans un pays étranger ?

James a dit au jeune homme qu'il nous fallait réfléchir un instant, seuls, et nous nous sommes donc isolés. Mon ami m'a immédiatement demandé ce que j'en pensais, il m'a dit qu'il se plierait à mon jugement, quel qu'il soit. Je lui ai néanmoins demandé son avis à lui, et il m'a avoué que notre situation serait plus confortable aux côtés de ces gens, vu la faiblesse de nos moyens financiers actuels. Ainsi, en dépit de mes réticences à l'idée de retrouver une vie en communauté, j'ai tranché que nous devions le faire. Au moins temporairement, le temps de retomber sur nos pieds.

James a acquiescé, et même s'il ne l'a pas montré, je savais qu'il était très heureux de retrouver une nouvelle troupe. Il avait beau avoir une âme de vagabond, il n'était pas solitaire pour autant, et cette communauté nous permettra certainement d'encore beaucoup voyager.

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Si nous avons repris une vie de route aux côtés de nouveaux compagnons, je prends un soin tout particulier à ne pas me lier aux autres. Je ne veux pas que la situation devienne trop difficile au moment où nous devrons les quitter. Ou du moins, quand je devrais les quitter, parce que je n'obligerais jamais James à me suivre où que ce soit, quand bien même sa présence à mes côtés est rassurante.

Aina [Embry Call]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant