Sur le bateau, je n'ai longtemps pu que contempler l'infinité de la mer, ou bien l'obscurité des couchages. A choisir, je préférais encore l'eau à perte de vue, même si elle me laissait également tout le loisir de me remémorer l'immensité de ma peine.
Tout du long, j'ai pensé à mes enfants. J'ai prié pour que rien de mal ne leur arrive. L'idée ne m'a pas traversé l'esprit avant mon départ, parce que j'ai eu si peu de temps pour réfléchir, mais et si les soupçons portés à mon égard avaient des répercussions sur eux ?
Pourtant, mes enfants vieillissent, ils grandissent, ils se développent. Ils ne sont pas comme moi. Mon départ leur aura-t-il été bénéfique ou bien les aurais-je condamnés à la méfiance des autres, ou pire encore...
Je me suis longtemps dis que j'aurais du les emmener avec moi, après avoir envisagé cette possibilité là. Pourtant, il était trop tard et le bateau sur lequel je me trouvais voguait inlassablement sur les flots, sans retour en arrière possible, tout droit en direction de l'Irlande.
Sur le bateau, je m'étais aussi fait la promesse d'écrire une lettre à mes enfants et de la leur envoyer dès que j'en aurais la possibilité. C'est donc ce que j'ai fais, sans avoir la moindre certitude qu'elle leur parviendra. Dans cette optique là, j'ai même utilisé un pseudonyme, et écris sans en dire trop. Parce que si jamais la lettre tombait entre de mauvaises mains, quel effet cela aurait-il ?
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Dans l'attente d'une potentielle réponse des enfants, je n'ai pas osé m'éloigner trop du village côtier dans lequel j'ai débarqué. J'ai réussi à louer une chambre dans une petite auberge un peu miteuse, mais cela me permet au moins d'avoir un toit sur la tête.
Je suis même parvenue à un accord : occuper cette chambre minuscule sans payer, en m'engageant à effectuer toutes les tâches disgracieuses que l'on voudrait bien me confier. Ayant la chance d'être facilement appréciée des gens, on a finit par conclure un accord.
Je sais que je ne resterais pas trop longtemps ici, mais cet accord me permettra au moins de demeurer sur place le temps de voir si je reçois une réponse des enfants.
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Je n'ai pas voulu croire ma chance quand une lettre est arrivée pour moi, mais cette missive était pourtant bien réelle. Les enfants ont bien reçu ma lettre et m'ont transmis une réponse. J'ai tout de suite su que c'était eux parce que j'ai reconnu l'écriture d'Ellen.
Dans cette lettre, les enfants m'annoncent qu'ils ont été interrogés suite à ma disparition. Car oui, les villageois sachant que j'étais leur sœur, ou du moins le pensaient-ils, ils ont naturellement eu des soupçons. Mais, mes enfants étant si bien intégrés dans la communauté, à ma différence, ils ont été très vite défendus. Quoi que je puisse être, on ne les associait pas à ma « sorcellerie ».
Cela m'a rassurée : je ne serais toujours pas en mesure de les retrouver de sitôt, mais je les sais au moins en sécurité.
Au travers de leurs mots, mes enfants m'ont témoigné tout leur amour et leur soutien, et cela m'a ému aux larmes. Leur capacité même à accepter mon éloignement, à le comprendre... Non sans qu'ils ne s'en attristent, bien évidemment, mais...
Voilà bien longtemps qu'ils ont pris conscience de l'impact de ma condition, et ils devaient s'attendre à ce que cela se passe comme cela un jour. Comme moi, même si je me suis efforcée de ne pas y songer.
J'ai longtemps cru que ce seraient mes enfants qui refuseraient de me suivre un jour. A juste titre. Je n'avais simplement jamais envisagé que ce soit moi qui sois un jour obligée de fuir en les laissant derrière moi. Je n'aurais jamais rien pu imaginer de si brutal, de si soudain. Et pourtant... Le destin est parvenu à me surprendre de la pire des façons.
Et aujourd'hui, je vais devoir laisser mes enfants voler de leurs propres ailes, pour leur assurer toute la sécurité dont ils ont besoin. Aujourd'hui, je dois être altruiste et penser à leur bien être avant le mien. Aujourd'hui, je dois accepter d'entamer une vie de solitude.
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J'ai pris la décision de finalement quitter ce village que je m'interdisais d'abandonner, parce que l'abandonner, c'était comme abandonner mes enfants une nouvelle fois.
Mais il a bien fallu que je me rende à l'évidence : il n'y a plus rien ici pour moi. Rien de plus que des regrets et un amas de désarroi qu'il me faut enterrer puis laisser derrière moi.
Je ne sais pas où je vais me rendre. Je ne sais pas ce que je vais y faire. Je ne sais rien de l'avenir qui m'attend, et ça m'effraie plus que tout.
J'ai cette impression de m'apprêter à plonger dans des eaux sombres. Image qui me ramène inévitablement à Jørgen, Jørgen qui a abandonné son dernier souffle à des eaux sombres et froides. Il est parti seul, sans personne pour le réconforter dans ses derniers instants.
Que se serait-il passé s'il n'avait pas péri lors de ce tragique jour ? Les enfants auraient peut-être pu avoir leur père à leurs côtés, ou bien mon mari m'aurait-il accompagnée dans cette vie de vagabonde que je m'apprête à entamer ?
J'ignore tout de la décision qu'il aurait prise. Il aurait certainement été déchiré. Pourtant, le choix que j'aurais souhaité le voir prendre m'est évident : je l'aurais voulu aux côtés de nos enfants.
Si je ne peux moi-même pas m'y trouver, j'aurais voulu qu'ils aient au moins Jørgen. Ce choix, nous ne l'avons jamais eu de toute façon. Le destin a réglé les choses à sa façon. Tragique, comme il sait si bien le faire.
Ainsi, j'espère que mes enfants trouveront du réconfort l'un auprès de l'autre, qu'ils se construiront une vie heureuse, comme celle que j'ai eu pendant quelques années.
Je me sens si affligée à l'idée de ne pas être en mesure de les voir s'épanouir de la sorte. Néanmoins, je dois me réjouir qu'ils soient ensemble, qu'ils seront toujours une famille, quoi qu'il advienne. Je sais que Søren protègera sa petite sœur, de la même façon qu'Ellen veillera toujours sur son grand frère.
Voilà mon réconfort ultime avant que j'entre dans l'inconnu qu'est la prochaine étape de ma vie. J'ai beau ne rien savoir de ce que je vais vivre, ou même affronter, je sais au moins ça : mes enfants seront heureux, ils doivent être heureux.
Sinon, à quoi bon cette éternité de solitude qui semble m'attendre ? A quoi bon tout ça si ça n'aboutit pas au moins sur le bonheur des deux êtres qui comptent le plus au monde pour moi ?
***
Voilà donc pour l'extrait de carnet de cette semaine !
On entre dans une nouvelle période de vie pour Aina... Qu'est-ce qui peut bien l'attendre ?
Sinon, je voulais vous tenir au courant de mon avancée dans l'écriture de cette histoire : j'ai beaucoup avancé ces derniers jours et je vais pouvoir reprendre un rythme régulier d'un chapitre par semaine. J'adorerais pouvoir poster de façon encore plus fréquente (deux fois par semaine par exemple) mais je risquerais alors très vite de me trouver surmenée et je n'aime pas trop écrire sous la pression... Donc on verra, j'aviserais selon les semaines je pense !
Cependant, j'admets avoir hâte de vous poster certains chapitres un peu plus lointains...
En attendant tout ça, ne reste plus qu'à être patients !
Je voulais aussi vous remercier pour toutes vos lectures, vos votes et vos commentaires. Je ne m'attendais pas à en avoir tant sur cette histoire ! Mais ça me touche beaucoup !
Bonne semaine à tout le monde :)
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Aina [Embry Call]
FanfictionAina arrive à Forks un peu par hasard et s'attend à trouver une bourgade totalement dénuée d'intérêt. Elle comprend son erreur en posant son regard sur les Cullen pour la première fois. De son côté, Edward ne tarde pas à comprendre qu'Aina n'est pas...