Aina [Embry Call]

Carnet 1 : Partie 3

Mme Christiansen ne s'était pas trompée. Je suis bien enceinte et mon ventre me semble gonfler à une allure effrénée. Jørgen est aux petits soins avec moi et je crois bien ne l'avoir jamais vu aussi heureux.

Je me prépare progressivement à devenir mère. Plus je sens le petit être grandir en moi, moins je suis certaine d'être prête à passer cette grande étape. Le serais-je le moment venu ? Tout le monde m'assure que oui, mais qu'en savent-ils au fond ?

Je ne me souviens pas de ma mère. Peut-être est-ce la raison pour laquelle j'ai si peur. Comment saurais-je adopter les bons gestes sans les avoir moi-même observés auparavant ? Mme Christiansen me rassure souvent en me rappelant qu'elle sera là pour moi. Je m'estime tellement chanceuse de l'avoir. Elle est comme une mère pour moi.

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L'enfant est finalement né. C'est un petit garçon qu'on a choisi de nommer Søren. Lui donner naissance a été plus douloureux encore que je l'avais imaginé. Pourtant, le jeu en valait la chandelle. En tenant le petit être dans mes bras, j'ai senti une connexion si profonde entre nos deux cœurs. J'ignore toujours si je serais une bonne mère pour cet enfant, mais je sais que je l'aimerais à jamais, de tout mon cœur et plus que quiconque.

J'ai vu dans les prunelles de Jørgen tout l'amour que lui aussi éprouve pour notre fils depuis qu'il a posé ses yeux sur lui pour la première fois. Sur le moment, j'ai presque trouvé qu'il y avait trop d'amour dans l'air pour que ce soit réel. Je me suis dis qu'il était impossible qu'on puisse en ressentir autant ! Pourtant, c'est ce que nous avons bel et bien ressenti au moment de la rencontre avec notre bébé. Nous étions comme enveloppés dans une aura de bonheur, un avant gout de paradis.

Et puis, inévitablement, la fatigue de mon accouchement a fini par prendre le dessus sur moi et il m'était soudain difficile de garder les yeux ouverts, quand bien même je voulais continuer à contempler ce magnifique bébé qui était le mien. Je me suis assoupie pendant que Mme Christiansen et Jørgen prenaient le relais pour s'occuper de lui. Mes songes n'ont abrité que l'image du petit Søren, ce jour là.

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Chaque jour qui passe, je vois mon fils grandir à une vitesse fulgurante qui me parait inconcevable. Il parait que toutes les mères ont la hantise de voir leur bébé devenir grand. J'ai beau savoir que c'est inévitable, ça n'en est pas moins terrifiant.

Un jour, mon petit garçon deviendra un adulte et il n'aura plus besoin de moi. Quand je dis ça à Jørgen, il m'assure que je me trompe, que lui-même a encore besoin de voir sa mère régulièrement et que le lien entre une mère et son enfant ne s'efface jamais.

Dans tous les cas, j'espère que la petite famille que nous allons tous les deux construire sera au moins moitié aussi heureuse et soudée que celle de M. et Mme Christiansen. Ce serait déjà un merveilleux accomplissement que de pouvoir offrir un tel foyer rempli d'amour à mes enfants.

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Quand Jørgen s'en va en mer, Karen et Hanne viennent très souvent me tenir compagnie. Elles semblent attirées comme des aimants par mon fils. Elles sont très instinctives dans leur façon de s'occuper de lui, à tel point que je les trouve souvent plus adroites que moi. Quand je les vois avec Søren, je ne peux que me dire qu'elles seront de très bonnes mères, et elles-mêmes me confient régulièrement qu'elles ont hâte de se trouver à ma place.

Elles commencent de plus en plus à s'intéresser aux garçons, et les garçons en font autant. J'essaie de leur donner des conseils, parce qu'elles me demandent souvent de le faire, mais je ne connais pas grand-chose en termes de séduction. Avec Jørgen, cela ne s'est pas vraiment passé comme ça. Et avant tout ça, je n'ai plus aucuns souvenirs.

Hanne est la plus âgée et je pressens qu'elle sera très bientôt engagée. Elle n'a pas un physique transcendant, tout comme moi, mais elle est très gracieuse et a un charme indéniable, il est certain qu'elle plait aux garçons. Le problème, c'est que c'est une jeune fille très indécise et qu'elle a du mal à savoir ce qu'elle veut. J'espère qu'elle fera le bon choix car l'imaginer coincée dans un mariage malheureux me terrifie. Même si nous ne sommes pas liées par le sang, elle est ma petite sœur et je veux le meilleur pour elle.

Aujourd'hui, Hanne était seule à la maison pour garder Søren tandis que je m'occupais du jardin à l'extérieur. Karen était elle partie au marché avec Mme Christiansen pour acheter des provisions. Alors que je rentrais à la maison, j'ai surpris la conversation que Hanne avait avec mon fils. C'était plutôt un monologue puisque Søren ne parle pas mais mon fils semble toujours tellement attentif quand on lui parle. En nous plongeant dans ses yeux, on pourrait lui confier nos secrets les plus profonds sans même y réfléchir.

Hanne lui parlait donc et j'ai compris qu'elle parlait de moi. Elle lui expliquait comme elle m'admirait. Je n'ai pas osé me manifester en entendant tous ces compliments dont elle me couvrait alors. Bien malgré moi, mes yeux se sont emplis de larmes et j'ai du sortir pour me remettre de mes émotions. A mon retour, j'ai serré Hanne dans mes bras et je lui ai dis que je l'aimais. Elle n'a pas compris pourquoi mais elle a semblé ravie de cette marque d'affection si soudaine.

Ce soir, en couchant Søren, j'ai moi aussi couvert Hanne de compliments pendant que mon fils m'écoutait attentivement, les yeux emplis de curiosité. Après lui avoir chanté sa berceuse, il s'est ensuite endormi dans mes bras. Je l'ai contemplé pendant très longtemps.

Entourée de tous ces membres de ma famille que j'aime tant, je me dis parfois qu'il faudrait que jamais rien ne change. Ma vie me semble tellement parfaite, tellement heureuse. Je suis comblée comme jamais je n'aurais pensé l'être. Je me dis pourtant que tout avait mal commencé pour moi. Peut-être était-ce le destin que je tombe sur les Christiansen ? J'aime bien croire que ce soit ça. C'est le destin qui m'a mené où je suis parce que c'est là que je devais être, avec ces gens là en particulier. Ma famille, la seule qui compte vraiment.