Le Canada, m'y voici donc. Me trouver sur un nouveau continent est une sensation étrange. J'ai beau avoir beaucoup bougé, beaucoup voyagé, je ne m'étais jamais éloignée de mes terres d'origine à ce point. Sur ce nouveau territoire, j'ai la sensation de pouvoir vraiment recommencer à zéro.
Mon objectif premier a été de trouver du travail et, avec mes compétences d'infirmière, je n'ai pas éprouvé la moindre difficulté. J'ai pu très vite me consacrer à nouveau à soigner les blessés, me permettant de me sentir à nouveau utile. J'ai été très bien accueillie par tout le monde et, même si je sais encore une fois que tout ça n'est qu'éphémère, j'en profite tant que ça dure.
Ce n'est que dans un second temps que j'ai pu aller admirer les magnifiques paysages du Canada, différents de ce que j'avais jusqu'ici connu, mais magnifiques. Une partie de moi semble néanmoins incapable d'apprécier cette beauté à sa juste valeur, comme si les années avaient anesthésié mon intérêt pour toutes choses, comme si j'étais devenue trop indifférente pour apprécier les choses simples de la vie.
Finalement, il n'y a vraiment que mon travail pour lequel j'arrive à me passionner un tant soit peu. Si je le pouvais, je ne ferais que ça. Aider tous ces gens, c'est mon moteur, un peu la contrepartie que je m'impose pour survivre ainsi aux années qui passent sans l'avoir vraiment mérité, sans même l'avoir choisi d'ailleurs. Une vie de travail est la pénitence à laquelle je m'estime dû. Une pénitence qui me rend néanmoins heureuse et m'emplit d'un sentiment gratifiant.
Ainsi, je continuerais de cette façon tant que je serais en vie, ce qui ne parait pas prêt de s'arrêter, ce qui ne me désespère pratiquement plus à ce stade. Je suis résignée à cette existence. A quoi bon continuer à m'en plaindre si je ne peux rien y changer de toute façon ?
J'ai passé trop de temps à me lamenter. Il me faut véritablement aller de l'avant. Et peut-être sombrerais-je à nouveau dans quelques jours, quelques mois, quelques années, voire quelques décennies, mais aujourd'hui, je suis prête à employer le temps qui est le mien à bon escient. Puisse cette bonne résolution perdurer dans le temps.
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La convivialité des canadiens déteint progressivement sur moi et je concède chaque jour un peu plus à m'intégrer au groupe. Je demeure toujours émotionnellement lointaine pour des raisons évidentes, toujours un peu froide malgré moi, mais cela me fait plaisir de me sentir comme une humaine normale, au-delà de mes fonctions d'infirmières qui sont habituellement tout ce par quoi je me définis.
Je suis donc humaine, avec un mode de vie de plus en plus humain au sens social du terme. Parfois, j'oublierais presque ce que je suis. Au milieu de ces gens, ma différence ne se voit effectivement pas et c'est tout le problème. Mais je compte bien trouver le juste milieu. J'ai tout le temps du monde pour ça.
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Je suis face à mon premier dilemme sur les terres canadiennes. Je commence à avoir des réflexions sur ma jeunesse apparemment éternelle tandis que les marques du vieillissement apparaissent sur les visages et les corps des gens que je côtoie.
Il va me falloir m'en aller. Tout recommencer ailleurs. Laisser ces amitiés formées derrière moi. J'ai du mal à l'accepter. Je ne veux pas m'en aller. Mais je sais qu'il le faut, je sais que j'y parviendrais. Ces gens me manqueront mais je me suis tenue suffisamment éloignée d'eux pour ne pas trop m'attacher. C'est lâche mais c'était nécessaire.
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Ma nouvelle ville d'adoption semble dynamique, plus encore que l'était la précédente. Je pense d'ores et déjà que je n'aurais pas de mal à me fondre dans la masse.
Et ainsi commence une autre portion de mon existence. Toujours relativement semblable, mais toujours un peu différente.
Néanmoins, qu'en sais-je ? Je ne me rappelle plus grand-chose de mon passé à ce stade. Ma mémoire doit véritablement être celle d'une humaine de mon âge. Peut-être devrais-je relire mes mémoires ? Prendre connaissance de l'histoire qui est la mienne et que j'ai oubliée ?
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Mes enfants... Mes enfants qui ne font sûrement plus partie de ce monde et que j'avais pratiquement oubliés. Je ne me souviens plus leurs visages. Je ne sais que ce que je décris d'eux dans mes carnets. Je ne me remémore que des impressions, des émotions. Que sont-ils devenus ? Et leur descendance ? Je ne le saurais probablement jamais, d'autant moins maintenant que j'ai commencé une nouvelle vie sur un autre continent. Il en va de même pour la famille Christiansen.
Suis-je seulement toujours la Aina que j'ai auparavant été ? Probablement pas. Mais qui suis-je alors ?
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Les jours se suivent et se ressemblent. Que puis-je seulement dire qui ne soit pas une redite de ce que j'ai dit auparavant ?
Ecrire ne me semble pas avoir le moindre sens aujourd'hui. Je ne noue aucun lien suffisamment important avec quiconque pour pouvoir les mentionner ici. Je soigne mes patients, je suis aimable et bienveillante avec eux, mais ce ne sont que des patients et je m'évertue à les voir ainsi.
Je dois me rendre à l'évidence. Rien dans ma vie n'a suffisamment d'intérêt pour être mentionné ici. Peut-être devrais-je arrêter. Je vais sûrement arrêter. A quoi bon ?
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Je m'en vais. Je quitte le Canada, je quitte Quebec. Cette ville animée que j'aimais, en dépit de tout.
Mon nouveau choix de vie n'a pas le moindre sens mais, celui-ci ou un autre, cela m'est un peu égal. Je m'en vais pour Forks, au nord des Etats-Unis. Un hôpital là-bas recherche une infirmière. Peut-être pourrais-je passer quelques années dans cette petite bourgade tranquille.
J'ai fréquenté essentiellement des villes animées au Canada parce que j'en avais envie et que la vie y semblait moins terne. Mais aujourd'hui, peut-être qu'un environnement plus paisible me fera du bien et me permettra de me retrouver avec moi-même.
Je ne sais rien de Forks, à part quelques informations glanées sur Google. Cependant, même Google sait apparemment peu de choses sur Forks.
Puisse ce nouveau chapitre de ma vie se révéler intéressant !
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Pour information, je pense publier le chapitre suivant bientôt (un peu histoire de compenser ce très court extrait de carnet, et parce que j'ai envie de vous partager la suite des aventures de Aina).
A bientôt, donc !
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Aina [Embry Call]
FanfictionAina arrive à Forks un peu par hasard et s'attend à trouver une bourgade totalement dénuée d'intérêt. Elle comprend son erreur en posant son regard sur les Cullen pour la première fois. De son côté, Edward ne tarde pas à comprendre qu'Aina n'est pas...