Aina [Embry Call]

Carnet 1 : Partie 4

Jørgen et moi attendons notre deuxième enfant. Søren a maintenant un peu plus d'un an et il me parait avoir tellement grandi. Je ne peux maintenant pas le voir autrement que comme un grand garçon, d'autant plus quand un minuscule bébé grandit actuellement à l'intérieur de moi.

J'avais pensé que j'aurais moins d'appréhension à propos de ce deuxième enfant, notamment en ce qui concerne l'accouchement, mais l'avoir déjà vécu m'inquiète encore plus. Je me rappelle encore du moment difficile que cela avait été. Si le jeu en vaut la chandelle à la fin, cela n'enlève pas toute la souffrance qui précède.

En ce qui concerne Hanne, elle est maintenant engagée auprès d'un jeune homme du village. Je l'ai rencontré et j'étais très méfiante, parce que je veux protéger Hanne des hommes malintentionnés, mais Thomas est un bon garçon, j'en suis certaine. Son amour pour Hanne me parait sincère et c'est tout ce qui compte. Sa famille a beau être modeste, comme la notre, cela ne les empêchera pas d'être heureux comme Jørgen et moi, du moins je l'espère.

Maintenant, Karen se sent de plus en plus délaissée. Hanne est souvent occupée et Karen se réfugie chez moi pour trouver un peu de réconfort. Elle m'a avoué ne pas être si heureuse de voir sa sœur se marier. Elle a peur que rien ne soit plus jamais comme avant. Au fond, elle a raison. Rien ne sera jamais plus pareil. J'ai cependant essayé de lui expliquer que c'était le cours des choses, que ces choses là étaient inévitables, mais que nous serions toujours des sœurs, toutes les trois. Je lui ai aussi expliqué qu'elle aurait un jour ses propres enfants et, là, elle serait à son tour comblée comme je le suis et comme Hanne le sera aussi. Je ne sais pas si j'ai réussi à la convaincre, mais j'ai bien vu qu'elle était toujours un peu triste.

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J'ai fais un rêve étrange cette nuit. J'ai rêvé de mes parents. Du moins, j'ai rêvé de la représentation que je me fais d'eux, mais leurs visages étaient flous dans mon rêve. Ils venaient frapper à ma porte. Ils m'annonçaient qu'ils venaient me chercher, qu'il était temps de rentrer à la maison. Ils m'attrapaient par le bras et m'attiraient à eux. J'avais beau me débattre, rien n'y faisait. Ils étaient trop forts pour moi et, derrière, j'entendais les cris de Søren. Il me réclamait tandis qu'on m'emmenait loin de lui.

Je me suis réveillée en sueur. Je savais bien que tout ça n'était qu'un rêve mais, soudain, j'ai eu peur que notre famille vole en éclat. C'était comme un mauvais pressentiment dont je n'ai pas réussi à me débarrasser de toute la journée. Je sais que c'est ridicule, mais j'ai tellement peur qu'une catastrophe survienne.

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Le bébé grandit de plus en plus en moi et je le sens maintenant me donner des coups. C'est un bébé vigoureux, encore plus que l'était Søren. Jørgen est persuadé que ce sera encore un petit garçon mais mon instinct à moi me souffle que ce sera une petite fille. Si nous devions avoir une fille, Jørgen espère qu'elle me ressemblera. Il dit qu'elle aura bien plus de chance de réussir si elle ressemble à sa mère plutôt qu'à son père. Je ne suis pas tout à fait d'accord, parce que mes cheveux blonds vénitiens sont parfois mal vus. J'ai déjà entendus des jeunes filles me qualifier de sorcière pendant que j'étais au marché, ce que j'ai trouvé ridicule puisque je suis loin d'être la seule avec cette couleur de cheveux, il y a même des femmes dont les chevelures sont bien plus flamboyantes encore.

En tout cas, je me dis qu'avoir de jolis cheveux bruns comme ceux de Jørgen serait probablement plus simple pour elle. Dans ma tête, je m'imagine une jolie petite fille brune et je suis déjà tellement amoureuse de cette enfant.

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Ellen est enfin parmi nous. Je ne m'étais pas trompée en imaginant une petite fille. Cependant, il semblerait que Jørgen ait eu raison pour quelque chose : la petite est bien partie pour me ressembler.

Si j'avais beaucoup d'appréhensions, tout s'est pourtant beaucoup mieux passé que la première fois. Tout s'est passé si vite, je ne m'en rappelle même plus très bien. J'avais juste tellement hâte de rencontrer notre deuxième enfant !

Søren est très intrigué par ce nouveau bébé. Cependant, c'est avec émerveillement qu'il contemple sa petite sœur. Je suis persuadée qu'il prendra son rôle de grand frère très au sérieux quand il comprendra mieux de quoi il en retourne.

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Le temps passe et j'écris de moins en moins. Je suis tellement occupée avec deux enfants à la maison. Je n'ai plus le temps d'être torturée par des idées noires.

Hanne s'est enfin mariée. Karen est finalement heureuse pour elle, d'autant plus maintenant que nous savons qu'elle est enceinte à son tour. La famille est encore sur le point de s'agrandir !

Pourtant, si j'écris aujourd'hui, c'est que j'ai un sentiment très étrange. J'ai l'impression de flotter, comme si j'avais observé tout ce qu'il s'était passé aujourd'hui à la place d'un observateur extérieur à la réalité. Effectivement, M. et Mme Christiansen qui nous rendaient visite m'ont trouvée ailleurs. Je n'ai pas su leur expliquer ce qu'il m'arrivait. Une bonne nuit de sommeil est certainement ce dont j'ai besoin, mais voilà bien longtemps que je n'ai pas pu en avoir une !

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Ma nuit a été agitée par de mauvais songes. Comme cela m'était déjà arrivé auparavant, j'ai rêvé qu'on m'arrachait à ma famille. Je déteste ces cauchemars, parce que je suis prête à accepter tant de choses en ce monde, tout à part qu'on me retire ma famille. Je ne peux pas m'imaginer un seul instant qu'on m'arrache mon mari ou mes enfants, pourtant, je ne peux pas contrôler cette inquiétude.

Je suppose que c'est inévitable quand on aime, de s'inquiéter sans arrêt pour les personne chères à notre cœur. Comme souvent, j'aimerais voir le temps se figer pour conserver ma vie telle qu'elle l'est, mais le temps continue inlassablement à filer et je sais bien que ce souhait est vain. On ne peut rien faire contre le temps qui passe.