The Sick Lion

Chapitre 56

Encore une fois, dans un laps de temps si court, Jorran se retrouvait au Septuaire de Baelor. Et, cette fois encore, il était habité par une apathie totale envers la personne qui reposait sur l'autel.

Tywin Lannister était mort. Assassiné durant la nuit, cette même nuit où Tyrion avait "miraculeusement" réussi à s'échapper. Le prince allait presque jusqu'à ressentir une très légère pointe de triomphe au fond de son cœur. Son oncle avait échappé à la mort, malgré tout ce qu'il s'était passé.

Ici, son indifférence était due à plusieurs choses. Outre le fait qu'il n'avait jamais, au grand jamais, été proche de son grand-père, tout un flot de rancœur qu'il vouait à son égard prenait également beaucoup trop de place pour qu'il n'éprouve ne serait-ce qu'un peu de tristesse quant à son trépas. Un homme qu'il avait tenu en partie responsable de beaucoup de ses malheurs. Le blond n'allait pas non plus jusqu'à se réjouir de sa mort, toutefois, il n'allait nullement la pleurer.

Le jeune malade n'était toujours pas autorisé à pénétrer le Septuaire. Cersei était seule à l'intérieur, ayant demandé à ce que tous les autres nobles présents pour rendre hommage à feu la Main du Roi n'attendent qu'elle ait terminé. Et ils attendaient depuis un moment déjà. Le lion se trouvait en haut des marches, son ennui si conséquent qu'il détaillait du regard chaque visage qui patientait, comme lui, dans cet immense escalier. Toute la cour royale était présente. Et d'autres nobles viendraient aussi par troupeaux entiers, pour présenter leurs hommages au défunt.

Une légère toux, grasse, le prit. Elyas, se tenant debout juste à côté de lui, lui demanda si tout allait bien, s'il ne souhaitait pas rentrer se reposer. Jorran lui répondit que non, qu'il se sentait de rester encore. De toute manière, s'il décidait de s'en aller, beaucoup viendraient lui reprocher ce départ, à coup sûr.

Après un temps interminable, la mère du Roi sortit enfin du Septuaire. En descendant les marches, elle accorda un regard à son fils, qui l'ignora superbement. Le prince se pencha vers son écuyer, et lui dit :

-Attendez-moi là. Mes hommages ne seront pas longs.

Puis le jeune homme s'engouffra à son tour dans cette immense bâtisse. Un endroit où il ne s'était jamais senti à l'aise. Trop imposant à son goût. Trop extravagant. D'autant plus que l'idée que son corps allait se trouver, un jour, inerte sur ce même autel, lui déclenchait un sentiment de malaise dont il ne parvenait pas à se débarrasser.

Jorran rejoignit Jaime devant l'autel. Durant un bon moment, il resta là, silencieux, à regarder le corps de Tywin, avant d'enfin aventurer un regard vers son père biologique. Il arborait une mine grave au possible. A le voir ainsi, un pic d'empathie le prit. Hésitant, il finit tout de même par oser lui demander :

-Que vous a-t-elle dit ? Le prince avait l'intuition que Cersei ne s'était aucunement gênée pour le faire culpabiliser sur la mort du vieux Lannister.

-Elle me reproche d'avoir laissé Tyrion s'échapper. répondit amèrement Jaime.

Le jeune malade posa de nouveau ses yeux sur son grand-père. Après un autre silence, il ajouta :

-Je peux porter entièrement le chapeau à votre place, si vous le voulez.

Cette proposition aurait pu passer pour une plaisanterie mal placée, un sarcasme bien malvenu. Mais ici, le blond était sincère. Car, après tout, il avait contribué à l'évasion du Lutin. Enfin ... "contribuer" était un bien grand mot. Le jour où son oncle avait été condamné à mort, et après son entrevue avec Elyas, le jeune homme avait débarqué en trombe dans les appartements de Varys pour le supplier de l'aider à trouver un moyen pour tirer l'ancien Grand Argentier d'affaires. Et, en arrivant, il fut pour le moins surpris de constater que Jaime se trouvait déjà là pour les mêmes raisons que lui.