Chapitre 19

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Jorran se tenait dans la salle du trône, comme beaucoup de monde ce matin là. Le "roi" Joffrey était actuellement en train d'écouter un barde quelconque interprétant une chanson plutôt ironique sur la mort de Gros Robert. Les paroles bien que se voulant -du moins, c'est ce que le prince supposait- satyriques, le chant en revanche était plus que désagréable à entendre. Lui qui aimait la musique, se demandait comment cet homme avait pu avoir l'occasion de monter jusqu'au Donjon Rouge pour montrer toute sa médiocrité.

Et, visiblement, cette plaisanterie musicale sembla ne pas plaire non plus à l'aîné du blondinet, qui, avec tout le sadisme et l'ironie dont il pouvait faire preuve, posa comme ultimatum au barde :

-Dites-moi mon brave, que choisiriez-vous entre garder vos mains ou votre langue ?

Plutôt prit de court, le pauvre homme avait finit par répondre, et ce fut avec une immense cruauté, et un sourire machiavélique, que le nouveau roi avait proposé à Ilyn Payne de lui arracher la langue. 

Alors, sous les cris du barde en train de se débattre, de supplier, Jorran s'avança, devant la foule, devant son frère.

-Vous m'avez demandé, mon frère ?

Le jeune homme était vêtu d'une tunique bleue pâle, brodée d'argent, et d'une cape violette. A son oreille droite pendait, comme toujours depuis maintes années, son éternelle rubis attachée à une boucle elle aussi en argent. La cape, elle, cachait volontairement l'emblème du lion et du cerf couronné brodés au niveau de sa clavicule. Un choix tout particulièrement fait pour narguer sa mère, présente elle aussi, se tenant debout à la droite de Joffrey. De plus, le blondinet savait pertinemment pour quelles raisons son aîné l'avait convoqué dans cette salle.

-N'oublies pas Jorran, que je suis devenu ton nouveau Roi, et que par conséquent, tu te dois de t'adresser à moi avec les titres qu'il convient.

Il avait décidé de commencer ainsi la conversation. Très bien. Cette entrée en la matière donna encore plus l'envie au jeune prince de jouer la carte de l'extrême insolence. 

-Oui, votre Grâce. Et, sur ces mots, Jorran singea la référence la plus caricaturale qu'il pouvait exécuter.

Il jouait les nonchalants, mais en vérité, l'adolescent savait qu'il prenait des risques. Que son frère pouvait très bien tomber dans une colère noire, et lui infliger, devant témoins, quelque humiliation. Il l'avait déjà fait par le passé, lorsqu'ils étaient enfants, et seuls, ou en petit comité, mais aujourd'hui était différent. Cette accession au pouvoir rendait Joffrey encore plus instable dans sa folie, et le prince reconnu, en son fort intérieur, que cet énergumène commençait à vraiment l'effrayer. Et comme pour rajouter à cette crainte ambiante qu'il voulait cacher, le dernier cri du barde, au moment où sa langue fut brutalement arrachée de sa bouche, l'affubla d'un magnifique frissonnement d'horreur et de dégoût parcourant toute sa colonne vertébrale. 

-N'aggrave pas ton cas, mon très cher frère. Tu m'a trop manqué de respect par le passé, et il est temps que cela cesse.

-Oh, je suis navré votre Majesté. Dois-je donc en conclure que vous me réservez le même sort que notre ami ? Demanda-t-il, faisant allusion au barde dont les cris avaient cessé, crachant du sang alors que la garde le maintenait encore immobile.

-ASSEZ ! s'emporta déjà Joffrey. A cette hausse de ton, la mâchoire de Cersei se crispa un peu plus. Il était évident qu'elle allait bientôt devoir intervenir, si son fils cadet ne comprenait pas qu'il était trop imprudent d'agir ainsi. Ton roi te demande de te taire ! Et de répondre de tes actes !

Un rictus s'échappa des lèvres du lionceau. Il n'allait pas s'arrêter pour un sous. L'occasion était là pour tenter de tourner naturellement son frère en ridicule, de montrer à l'assemblée qu'il n'était rien d'autre qu'un gosse dérangé, impulsif, déjà foncièrement mauvais pour gouverner, à défaut de comprendre pour l'instant que sa légitimité au trône était, bien entendu, inexistante. 

The Sick LionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant