Chapitre 14

328 25 20
                                    

Les jours qui suivirent, Jorran se prit à fuir délibérément ses géniteurs. A chaque fois qu'il croisait leur chemin dans les couloirs, il se débrouillait pour avoir autre chose à faire, pour emprunter un détour. Lors des repas, il refusait catégoriquement de prendre la parole. Et, bien entendu, ni Jaime ni Cersei n'essayait de prendre le blondinet à part pour reparler de ce qu'il avait entendu ce soir là.

Le jeune homme ne savait pas ce qui lui serrait le plus le cœur. Ce qui le répugnait le plus. Le fait que quelqu'un ait envoyé un assassin pour abréger la vie de ce pauvre Bran, le fait que c'était ses parents biologiques qui l'avaient poussé du haut de cette tour, ou le fait que tous les deux agissaient comme si de rien n'était. Absolument rien n'allait dans cette situation. Et le prince cadet avait peur. Toujours de plus en plus peur. Peur que les choses s'empirent, peur d'en apprendre encore plus, peur de découvrir d'autres secrets qu'il ne devrait pas connaître.

Pendant cette grosse semaine d'angoisse, le lionceau passait le plus de temps possible dans sa chambre, à essayer de se changer les idées. Et cela passait par le dessin. Il n'avait jamais été si productif. toutes ses idées d'esquisses et de croquis avaient été exécutées. Dans son grimoire, avait été ajouté les visages de toute la famille Stark, le dessin complet de la façade du donjon de Winterfell, et d'autres paysages. L'adolescent ne s'était pas arrêté là. Sur des toiles de peau, qu'il faisait fabriquer pour son propre usage, il avait réalisé trois œuvres complètes, en encre colorée.

La première, un portrait des pieds à la tête de lord Eddard, affublé de la propre représentation dont se faisait Jorran de Glace, l'épée emblématique des seigneurs du Nord. Il n'avait jamais vu cette arme, mais espérait avoir deviné avec un minimum de précision la lame qu'elle devrait être.

La deuxième, un beau buste de Lady. Cette pauvre louve tuée sans vergogne. Le prince avait mis tout son cœur dans cette représentation, souhaitant de toute son âme que lady Sansa accepte un tel présent.

Enfin, pour Arya ...

Le fameux portrait de Mycah. Si le jeune homme avait sentit son cœur se serrer tout du long de la toile dédiée à Lady, il en avait versé quelques larmes de chagrin pure en immortalisant le visage du garçon boucher. Ce dessin là était le plus précis des trois. Si précis, qu'il aurait pu donner l'illusion d'avoir réellement capturé cette image du jeune roux pour la coller à jamais sur ce tableau.

Toujours était il qu'un matin, Jorran se leva dans l'optique d'offrir toutes ses œuvres dans la même journée. Après s'être simplement nourrit de fruits frais qu'on faisait monter tous les jours dans sa chambre, le prince cadet s'habilla, le portrait d'Edard Stark sous le bras, soigneusement emballé dans un tissu fin et doux, pour ne pas l'abîmer pendant qu'il le transporterait. Les trois toiles étaient aussi grandes que son buste, et un peu moins large que la longueur de son bras.

Le jeune homme se mit en route d'abord vers l'endroit où siégeait le Conseil Restreint. Il arborait un grand sourire, mais, intérieurement, il était encore emplis d'amertume de ce dont il avait été témoins. Jaime. Son géniteur, qui était à l'origine du handicap à vie de Bran. Bons Dieux ce qu'il mourrait d'envie d'avouer au Stark à quel point les jumeaux Lannister étaient répugnant. Mais ... comment le lui dire ? De plus, il avait fait cette promesse à Varys, de ne rien dévoiler.

Cependant, cela était si différent, maintenant qu'Eddard était devenu Main du Roi. Peut être serait-il possible de faire changer les choses ? De faire tomber tous ces secrets ? Certes, le seigneur de Winterfell serait apte à écouter, mais un tel ébruitement conviendrait-il au reste du peuple ? Lui qui voulait vivre simplement, loin de ces obligations de noblesses, s'il se mettait à parler, ce serait pour sûr sa propre vie qu'il mettrait en danger ... et celles de Myrcella et de petit Tommen. Au diable Cersei, au diable Jaime, au diable Joffrey, mais pas ces deux là. L'affection que le blondinet leur portait, toujours plus grandissante au fur et à mesure qu'il se forçait à mieux les connaître, lui donnait cette intime envie de préserver leur innocence.

The Sick LionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant