Chapitre 46

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Jorran reposa la dernière lettre sur sa table. Il porta une main à sa bouche, ferma les yeux. Les larmes roulaient toutes seules, sans aucun effort, le long de ses joues. L'une des premières choses qu'avait fait Elyas après s'être présenté, avait été de montrer au prince son échange épistolaire qu'il avait entrepris avec sa sœur, tout du moins, les réponses qu'elle lui avait envoyées. Avec beaucoup de patience, l'adolescent avait regardé le blond lire, silencieusement, toutes les lettres qu'il avait gardé. Il avait vu ses yeux s'humecter au fur et à mesure de sa lecture, et, enfin, était témoin des sanglots que son interlocuteur essayait de contrôler.

-Pour... Pourquoi êtes-vous réellement ici ? Parvint enfin à articuler le malade, plongeant ses yeux dans les prunelles d'Elyas, qui ne s'était toujours pas assis.

Ils avaient déjà eu cette discussion, avant que le Swyft ne sorte ces fameuses lettres. Jorran devait sûrement penser qu'il se jouait de lui, ou encore qu'il déguisait les vraies raisons de sa présence à la capitale. Alors, sans s'impatienter le moins du monde, il expliqua de nouveau :

-Je vous l'ai déjà dit, mon prince. Je souhaite simplement constater de mes propres yeux le quotidien que ma sœur avait au Donjon Rouge. Il était calme, certes, mais lui aussi sentait le chagrin lui serrer toujours plus le cœur. Il faisait tout son possible pour ne pas s'y dérober.

La tristesse empêchait presque le blond de respirer. La tristesse, et la culpabilité également. Il ne s'était jamais pardonné la mort de sa fiancée, et l'arrivée de son frère venait définitivement l'achever. Il déglutit avec peine, et cette fois-ci en fuyant le regard de son visiteur, lui demanda :

-Vous pensez que c'est de ma faute, n'est-ce pas ?

-Encore une fois, non. Répondit immédiatement Elyas. A moins que vous ne m'avouiez l'avoir poignardée vous-même, je ne douterai jamais de vos actes.

Le lion voulut demander si c'était donc de ses sentiments auxquels le nouvel écuyer ne voulait pas croire, mais il ne put prononcer un mot, car le jeune homme aux cheveux noirs continuait déjà de parler, toujours d'un ton aussi posé.

-Calysto était incapable de mentir. Je ne peux remettre en cause les choses qu'elle m'a confiées dans ses lettres. Du moins pour la majorité.

-C'est-à-dire ? Demanda le prince, les yeux rougis par le sel de ses larmes.

Le Swyft s'approcha de la table. Tout en continuant ses explications, il cherchait dans la petite pile de lettres de quoi prouver ses dires.

-Elle avait une fâcheuse tendance à vouloir me rassurer de tout. Depuis que nous sommes tout petits. Cette habitude s'est accentuée lorsqu'elle m'écrivait. A toujours me dire que tout allait bien, que je n'avais pas à m'inquiéter. Vous l'avez bien lu par vous même. Il soupira. Un peu plus et il allait, lui aussi, craquer. Or, elle n'a fait que me conter le positif de ce qu'elle a vécu. Je ne suis pas aussi crédule qu'elle. Qu'importe ce que cela puisse être, elle a sciemment passé sous silence tout ce qui aurait pu la chagriner, lui faire peur, ou la déranger. Et, dans cette lettre précisément, conclu-t-il en retrouvant celle qu'il avait reçue après l'émeute. Je sais très bien qu'elle a tenté de me mentir.

Le prince jeta de nouveau un coup d'œil à cette missive. Celle-ci était, par ailleurs, celle qui avait eu raison de lui, et l'avait fait fondre en larme. Il avait très bien remarqué l'écriture subitement tremblante de la pauvre Calysto, sûrement en proie à une violente panique lorsqu'elle avait écrit cela. De plus, l'encre avait bavé en certains endroits. Elle n'avait même pas essayé de cacher ses pleurs ce jour-là. Et inutile de préciser que le jeune malade savait très bien que rien n'était vrai dans ce qu'elle avait essayé de faire croire. Il ne se souvenait encore que trop bien de leur agression. De ses cris. Un frisson lui parcourut l'échine en se remémorant les détails de cette sombre journée.

The Sick LionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant