Après le triste incident entre les enfants Stark et Baratheon, le groupe s'était vivement scindé en deux. Le roi avait prit les devant, suivit par sa femme et sa famille, tandis que la nouvelle Main du Roi fermait la marche avec quelques heures de retard. Depuis ce jour, Jorran s'était enfermé dans un mutisme complet. Il ne voulait plus parler à personne, et surtout pas à son frère Joffrey ou à sa propre mère.
En lui grondait une rancœur certaine ainsi qu'une tristesse profonde pour ce qu'il s'était passé. Il n'avait même pas l'autorisation d'accomplir son deuil en compagnie de son amie. Il n'avait qu'une hâte, qui était de rentrer vite au Donjon Rouge pour essayer d'oublier tout ça. Retrouver sa chambre, son havre de paix; la plage en contrebas du château; son grimoire empli de ses dessins; ses plumes, ses ancres et pinceaux, ainsi que ses fusains.
Durant le peu de jours qui caractérisait cette dernière phase de voyage, le blondinet s'évadait dans son esprit, se remémorant tous ces beaux paysages qu'il avait aperçu lors de cet aller retour, de ce séjour dans le Nord. Cela lui faisait du bien, malgré ce pincement au cœur qu'un tel comportement lui procurait également.
Il s'imaginait déjà coucher sur le parchemin tout ce qui lui passerait par la tête une fois arrivé à destination ... Sûrement le visage de Lord Eddard Stark, des croquis de ses enfants ... des portraits détaillés du loup du jeune Bran, de Brindille, Vent-Gris, Fantôme ...
Mais également Nymeria, la pauvre Lady ...
Et Mycah. Lui aurait droit à une oeuvre complète faite d'encre colorée et de peinture à l'eau. Portrait qu'il offrirait à la petite Stark, espérant que cela lui fasse quelque peu plaisir, mais également que cela puisse les aider, ne serait-ce qu'un tout petit peu, à faire leur deuil. Le jeune prince voulait rendre cet hommage là au garçon boucher.
Comprenant le désarroi qui dévorait son aîné, petit Tommen s'approcha gentiment de Jorran, pour coller son flanc à lui, dans ce carrosse sans fenêtre. Le petit garçon comprenait très bien la gravité de ce qu'il s'était passé, l'autre jour à l'auberge, et que cela avait grandement affecté son grand frère. Ne sachant quoi dire avec ses mots d'enfant, et ayant conscience qu'il pourrait être maladroit, ou se faire envoyer paître, il se contentait juste de lui montrer sa présence muette, dans une tentative de réconfort.
Il en était de même pour Myrcella. Dès qu'elle croisait le regard du prince cadet, la jeune fille lui adressait un petit sourire attristé, aimant. L'adolescent se rendant compte de ces comportements, n'arrivait cependant pas à y répondre comme il se devait. Il n'avait l'esprit à répondre correctement à pareille gentillesse, à pareille innocence.
Et un matin, enfin, ils franchirent les portes de la cité.
L'odeur caractéristique des rues de Port-Réal s'immisçait dans la carriole royale avec une rapidité déconcertante. Cette odeur de maladie et de saleté profonde, rappelant la misère éternelle de la population. La partie Baratheon-Lannister du convoi arriva dans la cours du château, et l'on fit descendre Cersei et sa progéniture.
Alors, sans même accorder un regard à son sang, Jorran se précipita à l'intérieur de la battisse, pour s'enfuir jusqu'à ses appartements. Dans sa stature et sa démarche, l'on aurait pu reconnaître gros Robert dans ses grands moments de fuites de conflits.
A peine fut-il arrivé dans la pièce que le jeune blond s'affala sur son matelas de plumes. Il resta d'abord là quelques instants, étalé tel un chiffon, à plat ventre, sans rien faire. Puis, il se retourna sur son dos. Ledit matelas était simplement porté par un lit de bois, sans baldaquin. Sans aucun tissu ou étoffe l'entourant, pour préserver son dormeur de la chaleur ou des moustiques. Il en avait toujours été ainsi, car telle avait été sa demande depuis sa plus tendre enfance. Ainsi, il pouvait admirer à sa guise cette fresque magnifique qu'il avait réclamé que l'on peigne sur son plafond, cette fresque représentant le dragon tricéphale Targaryen, faisant se prosterner toutes les maisons nobles de Westeros. Là dessus était dessiné le loup Stark, le lion Lannister, le cerf Durrandon devenu Baratheon, l'ours Mormont, la truite Tully, mais également les emblèmes de maisons vassales, comme le chasseur Tarly, ou même le coq Swyft. Tous étaient là, représentant une métaphore de la conquête d'Aegon et de ses sœurs épouses. Une demande faite par un enfant malade, voulant combler son ennui de jours alités en rêvant d'aventures.
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The Sick Lion
FantasíaJorran est un jeune garçon de 14 ans, à la santé fragile. Ses poumons malades le clouent au lit, le plongeant dans une fatigue constante, et des douleurs chroniques. Incapable de fournir un effort physique, sa seule façon de se démarquer est son esp...