La cloche. Le son de cette maudite cloche. Chaque tintement lui donnait l'impression de lui briser les tympans, de lui faire peser son cœur toujours plus lourd dans sa poitrine. Les insultes du peuple semblaient presque dérisoires face à l'horrible son de cette cloche. Voilà déjà plusieurs minutes que Cersei marchait, nue, dans les rues de la capitale, au milieu de la foule. Le Grand Moineau n'aurait pas pu imaginer pire humiliation pour elle.
Elle avait essayé. Elle avait nié. Tout. Toutes les accusations à son sujet. Elle s'était obstinée, jusqu'au bout, prétendant que tout n'était que mensonges. Mais cela n'avait pas marché. Elle avait été contrainte d'avouer. De confesser sa liaison avec Lancel.
Toutefois, les autres secrets de la reine étaient restés saufs. Pour combien de temps ? Elle ne le savait pas. Un procès allait avoir lieu. Pour découvrir la vérité sur sa personne. Sur l'ascendance de ses propres enfants. Mais elle n'y assisterait pas. Elle le savait, au fond d'elle-même.
Ses enfants. Ses fils. Tommen. Tommen n'était jamais venu la voir, durant sa captivité. Avait-il repris du poil de la bête ? Avait-il recommencé à se nourrir ? Comment allait-il ? Et Jorran ? Lui avait catégoriquement refusé de la visiter. Cela faisait des semaines qu'ils ne s'étaient parlé. Des semaines que son Jorran avait définitivement fait une croix sur elle. Depuis la mort de Tywin. Depuis l'assassinat d'Oberyn Martell.
Honte. Honte. Honte.
Cette cloche. Toujours cette maudite cloche. Ce son que la mère lionne associait à cette femme. Une femme qu'elle méprisait, détestait au plus haut point. Elle s'était juré de se venger. Elle avait promis, à cette gueuse, de faire en sorte qu'elle meurt de la pire des manières.
La douleur la lancinait. Elle tremblait. Ses pieds étaient en sang. On lui avait coupé les cheveux, avant qu'elle ne commence sa marche. Ses beaux cheveux dorés. A marcher ainsi, complètement nue, recouverte de crasse, de sang, de merde, huée par tous, les gens lui crachant au visage ou lui balançant en pleine face toutes sortes d'immondices, Cersei se sentait comme une moins que rien.
Honte. Honte. Honte.
Encore le son de cette maudite cloche.
Mais elle devait continuer. Elle se devait d'avancer. De retenir ses larmes, de retenir toutes ces émotions qui la dévoraient de l'intérieur. Elle devait rentrer au Donjon Rouge. Même si cette humiliation qu'elle était en train de subir paraissait interminable.
Certains tentaient de la pousser. De la frapper. La reine était recouverte de la tête aux pieds de fluides plus que douteux. Les insultes fusaient. Les hommes se dénudaient devant son passage. Mais elle avançait toujours. Un pas après l'autre, qu'importe combien tout cela était pénible pour elle. Elle avançait, laissant derrière elle après chaque pas une petite traînée de sang. Elle essayait d'ignorer tout cela. La douleur. Physique comme psychique. Il fallait qu'elle rentre. Qu'elle essaye de rester impassible. Elle s'était interdit de craquer devant la foule.
Honte. Honte. Honte.
Elle y était presque. Les portes du Donjon Rouge. Elle était rentrée. Son supplice était bientôt terminé. Plus que quelques pas, et tout serait fini. Elle passa devant les gardes. On lui ouvrit la porte. Plusieurs personnes l'attendaient derrière.
Elle se laissa enfin exulter toutes ses émotions.
Qyburn se précipita vers elle. La couvrit. Il lui annonça qu'il était bon de la revoir. Il lui dit que l'on allait l'accompagner à l'intérieur du château, et qu'il allait jeter un œil à ses pieds meurtris. Puis il lui présenta la "nouvelle recrue de la Garde Royale". Une créature aussi imposante que la Montagne. Le Maester déchu lui expliqua que l'homme avait fait vœu de silence, pendant que celui-ci prit la Lannister dans ses bras, comme si elle n'était qu'une simple poupée de chiffon.
Tout était terminé.
***
Cersei se réveilla après un long sommeil sans rêves. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle remarqua qu'elle était dans sa chambre. Elle était propre. Le lit était imprégné de senteurs d'huile et de parfums. A moins que ce ne soit directement l'odeur de sa peau. Une légère douleur aux pieds lui rappela ce qu'elle avait subi avant de se retrouver ici, mais peu lui importait.
-Ah. Ma reine. Retentit la voix doucereuse de Qyburn. La blonde n'avait même pas remarqué sa présence, en premier lieu.
Le vieil homme lui offrit une coupe d'eau. Il lui raconta que tout allait bien, que ses plaies allaient vite cicatriser. Que ses cheveux allaient finir par repousser, par retrouver de leur superbe. Que tout, bientôt, demeurerait un lointain souvenir. Mais Cersei avait d'autres préoccupations en tête.
-Mes fils. Où sont mes fils.
Qyburn sembla hésiter. Mais, après un temps, répondit :
-Le Roi, Tommen, est toujours enfermé dans ses appartements. Je crains que son état ne se soit guère amélioré depuis la dernière fois que nous avons parlé de lui.
-Et Jorran ?
Cette fois-ci, il ne voulut répondre. Cersei le remarqua bien. Quelque chose était arrivé à son fils. Péniblement, elle se releva dans son lit.
-Où est. Jorran. Insista-t-elle.
Un silence pesant s'instaura. L'ancien Maester ne pouvait plus éviter le sujet, à présent.
-Le prince... Le prince Jorran a disparu.
Quoi ?
-Je... reprit Qyburn, devant le mutisme complet de la reine suscité par le choc et l'incompréhension d'une telle nouvelle. Le prince et son écuyer, Elyas Swyft, ont disparu, depuis la nuit précédant votre marche. Ils demeurent introuvables encore aujourd'hui. N'ayant laissé aucun indice derrière eux, aucun mot, nous ... nous en sommes venu à la conclusion qu'ils se sont enfuis de Port Réal.
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The Sick Lion
FantasiaJorran est un jeune garçon de 14 ans, à la santé fragile. Ses poumons malades le clouent au lit, le plongeant dans une fatigue constante, et des douleurs chroniques. Incapable de fournir un effort physique, sa seule façon de se démarquer est son esp...