Chapitre 41

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Les jours, les semaines qui suivirent, Jorran s'enfonça de plus en plus dans son chagrin. Il s'était complètement isolé de tout le monde. Le prince n'acceptait plus de parler à qui que ce soit, à tel point qu'on aurait pu croire que la perte de sa fiancée l'avait rendu partiellement muet. Egalement, il ne sortait presque plus de sa chambre. Les repas qu'il partageait avec le reste de sa famille étaient devenus extrêmement rares.

L'état de santé du blond semblait lui aussi se dégrader, petit à petit. Ses crises se faisaient plus fréquentes, son système immunitaire s'était mis à baisser. Le jeune homme enchaînait les coups de fièvre, les petites maladies, les journées longues, ennuyeuses, où il dormait si peu.

Toutes les nuits, le lion pleurait, seul dans sa chambre. Les jours où il parvenait à fermer l'œil, toujours le même rêve le prenait. On toquait à sa porte, et c'était Calysto qui pénétrait dans ses appartements. La jeune femme venait lui faire la conversation, plaisanter en sa compagnie. Chaque fois, Jorran s'étonnait de sa présence. Et chaque fois, sa promise lui répondait que cela n'avait plus d'importance. Puis, elle venait s'installer auprès de lui, la tête posée sur sa poitrine. Il se réveillait à cet instant, une sensation immonde lui pesant sur le thorax. Et, automatiquement, les souvenirs de l'agonie de la pauvre Swyft lui revenaient en mémoire, d'une précision déroutante.

Le prince s'en voulait toujours terriblement pour ce qu'il s'était passé. Mais il commençait toutefois à blâmer sa propre famille en plus de lui-même. En repensant à tout ce qui était arrivé dans sa vie, tous ses mauvais souvenirs avaient en commun, de près ou de loin, Cersei et Joffrey. C'était donc sûrement de la faute de sa mère et de son frère si tant de mauvaises choses lui tombaient dessus. Il était veuf à présent, et c'était en partie de leur faute. Certes, le jeune homme avait été comme celui qui avait achevé la pauvre Calysto, cependant, il ne pouvait s'empêcher de penser que si Joffrey n'était pas la créature dérangée et dangereuse qu'il était, tout se serait passé différemment. Si gros Robert n'était pas mort, tout irait bien. Du moins, lui s'en serait bien porté. Ses fiançailles n'auraient probablement pas eu lieu, ainsi donc la Swyft serait-elle encore en vie. Ned Stark serait encore en vie lui aussi. Arya serait encore au Donjon Rouge. Sansa n'aurait peut-être pas été si malheureuse, avec sa famille auprès d'elle.

Par ailleurs, le prince ne parvenait même plus à parler à la belle rousse. Il n'avait plus goût du tout à fréquenter les personnes qu'il appréciait en ces lieux. Que ce soit la jeune Stark, Tyrion, ou Lord Varys. Il n'arrivait plus à converser avec qui que ce soit.

Il n'était pas allé voir comment Sansa se portait après avoir appris que ses fiançailles avec le Roi avaient été rompues. Il n'était pas allé parler avec son oncle lorsque celui-ci avait perdu son statut de Main du Roi. Il n'était jamais allé informer l'Araignée de cette conversation désastreuse qu'il avait eu avec Littlefinger.

La seule compagnie du lion était celle d'un chat. Un jeune chat, qui, une nuit, s'était introduit dans sa chambre. A son réveil, il avait vu la petite bête allongée là, ronronnant tout près de son oreiller. Jorran s'était dépêché de le chasser. Toutefois, le chat n'avait eu de cesse que de revenir, chaque nuit, ou chaque fois que le blond sortait de ses appartements. Malgré la réticence du prince, l'animal se faufilait sitôt l'accès menant au balcon de la chambre ouverte.

Il s'agissait d'une femelle, à la queue tordue, grise et tigrée, le bout de ses pattes blanches, comme si elle avait marché dans de la farine. Une bâtarde sauvage errant dans les jardins du Donjon Rouge. Le jeune homme ne parvenait à apprécier cette boule de poils, pourtant visiblement si affectueuse envers sa personne. Elle lui rappelait le fameux incident des chats, avec Joffrey. Ce souvenir semblant si lointain. Encore un souvenir douloureux. Mais la bestiole avait décrété que Jorran était sa nouvelle personne favorite, aussi avait-il fini par abandonner l'idée de la chasser définitivement.

The Sick LionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant