The Sick Lion

Chapitre 37

Voilà maintenant plusieurs minutes que Jorran et Calysto arpentaient les couloirs froids et sombres des souterrains du Donjon Rouge. Les bruits de leurs pas étaient là la seule chose qui perturbait le silence ambiant. Aucun des deux ne prononçait le moindre mot. Le prince tentait de se concentrer du mieux qu'il le pouvait. Il connaissait ces dédales. Il les avait déjà explorés, en avait même fait une carte dans son grimoire à croquis. Cependant, sa mémoire n'était pas parfaite, aussi ne pouvait-il avoir avec exacte précision l'idée du chemin à suivre pour sortir de la ville. Toutefois, le jeune homme repérait chaque tournant, chaque mur, chaque détail qu'il lui était possible de remarquer, tentant de retranscrire tout cela sur le souvenir qu'il avait de sa fameuse carte. S'il ne se trompait guère, les deux amants déboucheraient sur une sortie qui les mènerait directement hors de Port-Réal.

Si la Swyft, elle, suivait la cadence plus que pressée de son fiancé sans dire quoi que ce soit, c'était pour la simple et bonne raison qu'elle était totalement terrifiée. Accrochée au bras du lion, elle essayait, en vain, de calmer son cœur qui ne demandait qu'à s'enfuir de sa propre cage thoracique. La peur avait pris possession de tous les pores de sa peau, et la jeune femme ressentait une désagréable sensation, lourde au possible, s'apparentant à un présentiment. Elle était convaincue que quelque chose allait mal tourner, très mal tourner, pour les deux jeunes gens. Était-ce simplement du bon sens, ou ce vieux souvenir, de leur fuite durant l'émeute de Port-Réal, qui prenait encore une fois trop de place dans son esprit ?

-Jorran ... osa-t-elle enfin demander. Ne serait-ce pas une meilleure idée que de simplement se cacher dans une des salles des sous sol ?

Toujours absorbé dans la tâche de trouver leur chemin, le concerné répondit, sans accorder le moindre regard à sa promise :

-Non. Nous ne pouvons nous cacher ici indéfiniment. Si le château venait à tomber, Stannis Baratheon ferait obligatoirement fouiller l'entièreté de ces couloirs, pour être certain de n'y trouver personne.

Il avait déblatéré ces mots sur un ton aussi froid que les pierres sur lesquelles ils marchaient. Ces explications, cette réponse, ne plut en aucune façon à Lady Calysto. Au contraire. Cela ne fit qu'accroître son inquiétude. Jorran avait perdu espoir et confiance envers son propre camp. L'avait-il déjà eu, cette confiance ? A se remémorer tous ces moments où le prince s'était confié sur sa personne, avait parlé de sa famille, de son opinion sur la guerre qui faisait rage ces derniers temps, la pauvre Swyft comprit que cette fameuse confiance n'avait probablement jamais existé.

Cette fuite, était-ce un projet envisagé de longue date, ou bien une décision uniquement causée par le désespoir et l'impulsivité du blond ?

La gorge serrée, la jeune Lady n'ouvrit plus la bouche. Cette affaire était ici la pire des idées. Elle le sentait jusqu'au plus profond de son âme. Son amant ne semblait se rendre compte des risques qu'ils étaient en train de courir. Tous les deux se feraient forcément attraper à leur sortie des souterrains, ou sur leur route à peine entamée. L'instinct de Calysto lui hurlait de trouver une autre solution que cette fuite vide de sens. Il fallait faire demi tour. Remonter. Mais sa peur était telle qu'elle l'empêchait de suggérer la moindre idée. S'ils ne se faisaient pas tuer, là, cette nuit, ce serait elle qui succomberait sous les effets de l'angoisse.

"Que ferons-nous, Jorran, une fois mariés ?"

Les couloirs s'enchaînaient, les tournants, les escaliers. Le temps semblait défiler au ralenti, rendant leur escapade interminable. Tout cela était tout bonnement insupportable pour la jeune femme.

"Nous voyagerons. Nous irons faire le tour de Westeros, nous irons visiter Myrcella, à Dorne. Lorsque ce sera fait, nous traverserons la mer, et partirons explorer Essos. Mais nous ne rentrerons à Port-Réal lorsque notre périple sera terminé. Ou tout du moins vivrons-nous la moitié de l'année à Champmoisson, pour que vous puissiez voir le plus possible votre famille, ainsi que votre frère Elyas."