○Chapitre 57○

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PDV Charlotte

Kathleen quitta la pièce, rageuse, me laissant en tête à tête avec Adélaïde. Je pouvais comprendre qu'elle était agacée par mon comportement, mais il m'était impossible d'avoir une conversation utile si de mauvaises ondes emplissaient l'air. Elle avait bien fait de partir.
Je me tournai vers la sorcière. Son visage arborait un air perturbé, et portait les marques d'un chagrin à ce jour encore inconsolé. Les yeux d'Adélaïde étaient fatigués, légèrement
rougis. La jeune femme donnait l'impression qu'elle portait le poids du monde sur ses épaules. Mais en dépit de son mal-être évident, elle m'offrait une mine chaleureuse.

_ Adélaïde, commençai-je, je pense que vous avez de bonnes raisons de vouloir procéder ainsi dans la conception de votre enfant. Avant que vous n'argumentiez…

_ Pitié, tutoie-moi, on croirait que je suis une cinquantenaire, dit la sorcière avec un petit sourire.

_ Comme tu voudras, souris-je à mon tour.

C'était un bon point qu'elle demande cela. La barrière qui nous séparait rétrécissait.

_ Donc, repris-je, avant que tu ne m'exposes tes raisons, je vais t'exposer les miennes. Je te souhaite tout le bonheur du monde, et si avoir un enfant peut te rendre heureuse, alors
j'espère vraiment que tu auras ce que tu veux. Seulement, tu ne peux pas sacrifier une vie pour en créer une. En tuant, tu peux anéantir toute une famille, des amis. En prenant la vie
de quelqu'un, tu en brises peut-être deux, cinq, voire vingt autres peut-être. Tu ne souhaites pas causer le malheur de tant de gens pour ton propre bonheur, j'espère ?

Ma question n'était nullement provocatrice, ce n'était qu'une simple interrogation.

_ Non, bien sûr que non… répondit Adélaïde d'une petite voix.

_ Je me disais bien que tu n'étais pas un monstre d'égoïsme, repris-je.

_ Je ne veux causer de tort à personne. Mais les autres, eux, ne se gênent pas pour me faire du mal.

Le ton de la sorcière s'était durci.

_ Il y a quatre ans, je…

Adélaïde s'était arrêtée au milieu de sa phrase. Les souvenirs, apparemment douloureux, lui revenaient en force. Son visage était crispé à la fois par la haine, le dégoût et le tourment.
Les larmes étaient impossibles à retenir pour la jeune femme, qui s'écroula sur la literie.

_ Adélaïde, tu n'es pas obligée de te confier à moi si tu n'en n'as pas envie, la réconfortai-je.

Je m'approchai d'elle pour lui donner un mouchoir. Sans un mot, elle me le prit des mains pour sécher ses joues humides, ce qui eut pour effet de la barbouiller de maquillage.

_ Excuses-moi, j'ai… tâché les draps, dit-elle entre deux hoquets.

_ Aucune importance. En revanche, toi tu en as. Ne me raconte rien si tu ne t'en sens pas capable, d'accord ? Après tout, on ne se connaît que depuis une demi heure.

J'essayais de me montrer prévenante et amicale, et cela semblait porter ses fruits. La sorcière s'était redressée et tentait tant bien que mal de me sourire.

_ Non, je dois te le dire… Parce qu'il s'agit de la raison pour laquelle je ne souhaite pas avoir d'enfant avec quelqu'un, avoua-t-elle en baissant la tête.

_ Je crois que nous souhaitons tous connaître cette raison, Adélaïde, parce que nous avons besoin de savoir pourquoi je devrai mourir. Mais, si ça t'est trop difficile, je comprendrai que
tu ne me dises rien.

Sous le Charme ( Terminé ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant