Sankta ─ SHADOW AND BONE

─ NINA.

   Nina Zenik n'a pas eu le temps de s'imaginer à quoi pourraient ressembler ses retrouvailles avec le fjerdan. Mais cela n'a que peu d'importance : elle n'aurait jamais imaginé que les quelques mèches de cheveux de Matthias Helvar la mèneraient jusqu'à l'intérieur d'un musée.

- Qu'est-ce qu'on fait ici? lui demande-t-elle à voix basse une fois qu'il s'est remis de sa surprise en la voyant débarquer au beau milieu du British Museum.

   Se remettre de sa surprise aura pris un centième de seconde à Helvar. Bien sûr, elle ne s'attendait pas à ce qu'il se jette à son cou, mais quand-même. Elle a traversé les mondes, ce n'est pas rien.

- Qu'est-ce que vous faites ici? corrige-t-elle sans prendre la peine d'adapter le volume de sa voix au silence presque religieux de la pièce dans laquelle ils se trouvent.

   La seule fois où Nina a mis les pieds dans un musée, c'était lorsque le Darkling l'avait chargée d'espionner un notable de Ravka et qu'elle l'avait suivi tout un après-midi dans la Galerie d'Art Nationale d'Os Alta. Là bas, c'étaient principalement des artefacts religieux qui étaient exposés - ici, un tableau d'on ne sait quel Saint ; là, une dent qui est censée avoir appartenue à on ne sait quelle créature des textes sacrés -, ce qui l'avait, à titre personnel, moyennement intéressé.

   Mais aujourd'hui, ce n'est pas du tout dans ce genre de musée qu'elle s'est retrouvée.

- Amenhotep III, lit-elle sur la petite pancarte qui est accrochée à côté d'une grande tête sculptée dans de la pierre grise. C'est qui, ça? Un de leurs Saints?

   Un couple de vieillards passe à côté d'eux tout en jetant des regards noirs à celle qui a osé parler trop fort. Nina leur rend leur expression dédaigneuse avant que Matthias Helvar ne l'attrape par le bras pour qu'elle arrête ce qui doit être, selon lui, son cirque.

- Comment êtes-vous arrivée jusqu'ici?

- De la même façon que vous, je suppose, rétorque-t-elle en croisant les bras devant la poitrine.

- Quand?

   Elle s'éloigne pour aller observer les autres sculptures de plus près. Le fjerdan la suit de près.

- Ramsès II... (Nina observe le buste qui se tient devant eux et se demande si les curieux accessoires que la personne a sur la tête sont censés être ses cheveux ou une sorte de chapeau.) Pourquoi leurs Saints ont des numéros? Ils n'ont pas assez de vocabulaire pour pouvoir inventer un nom unique à chacun?

- Ce ne sont pas leurs Saints, répond finalement Matthias. Ce sont les pharaons - des rois, si tu préfères - d'Egypte ancienne.

- C'est là où on est, actuellement? En Egypte? Et Londres en est la capitale, si j'ai bien compris?

   Sur un mur à leur droite est dessiné une carte. Nina s'en approche, essayant d'y repérer Londres quelque part.

- Londres est en Grande-Bretagne, pas en Egypte, la corrige-t-il. Tu ne nous trouveras pas sur la carte.

- Si, je nous ai trouvés - toi, en tout cas. (Elle désigne un point imaginaire sur la carte, mettant visiblement ses mains trop près du mur puisque Mathias lui retient le bras.) Regarde : fjerdan qui sent le poisson pourri - tu es juste ici, en-dessous de la rivière.

   D'accord, ce n'est pas sa meilleure blague, mais elle n'a pas pu s'en empêcher.

- Le Nil n'est pas une rivière, c'est un fleuve.

- Est-ce que je suis censée savoir faire la différence?

- A Fjerda, les enfants apprennent à distinguer une rivière d'un fleuve avant même de savoir écrire.