── Chapitre 32 : La situation dans laquelle nous nous trouvons.

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- Vos balançoires sont clairement mieux que les nôtres.

   Alina Starkov jette un regard perplexe en direction de son compagnon de voyage - Malyen Oretsev, si j'ai bien retenu son nom - qui se balance légèrement sur une des deux balançoires de la petite aire de jeu. Un regard perplexe, certes, mais plus pour la forme qu'autre chose. Elle essaye visiblement de réprimer un sourire, en vain.

   En guise de quelque part où nous pourrions parler au calme, je n'ai pas réussi à trouver mieux que le petit terrain de jeu qui se situe à deux pâtés de maison de la bibliothèque. Un mardi matin à onze heures, le bac à sable, les balançoires - à l'exception de celle que Malyen Oretsev occupe - ainsi que le toboggan sont déserts - à moins que Malyen Oretsev ne décide de troquer la balançoire pour le toboggan sous peu. Et ce terrain de jeu a l'avantage d'être en plein air et assez visible depuis les immeubles qui l'entourent, ce qui en fait un lieu idéal pour s'y donner rendez-vous avec des inconnus dont on ne connaît pas encore les intentions.

   Même si j'ai assez du mal à trouver la figure de Malyen Oretsev, passionné de balançoires, menaçante en ce moment.

- Donc vous êtes en cavale, dis-je en résumant ce que l'invocatrice de Lumière vient de m'expliquer. Et Kirigan ne sait pas que vous êtes ici, tous les deux.

   Je m'assieds sur le bas du toboggan. Appuyée contre une poutre du portique à balançoire, Alina Starkov hoche la tête.

- Et les autres? je demande en mettant les mains dans les poches de la vieille polaire grise difforme que je garde dans les vestiaires du travail pour les jours de grand froid. Jesper, Inej, Kaz? Nina Zenik?

- Je ne sais pas qui est Nina Zenik, mais en ce qui concerne les trois premiers, ils ne savent pas non plus. (Elle soupire, puis ajoute : ) S'il y avait eu un moyen de les mettre au courant, ça nous aurait certainement bien aidé, mais nous n'avons pas réussi à les contacter avant.

- Donc c'est juste vous deux, contre... Contre quoi, exactement?

   Je n'ai toujours pas compris ce qu'ils font ici, ni pourquoi je me retrouve à parler avec eux dans une aire de jeu à onze heures du matin. Ils échangent un regard que je n'arrive pas à déchiffrer. C'est Oretsev qui prend la parole en premier, immobilisant la balançoire.

- Déjà, je crois que le focus est - je n'arrive pas à croire que je suis en train de dire ça - injustement mis sur le Darkling dans la situation dans laquelle nous nous trouvons. Oui, il ne sait pas que nous sommes ici, mais en toute honnêteté, je crois qu'on a fait une erreur et qu'on aurait dû lui en parler, parce que même si Alina est genre une des Grishas les plus puissantes de tout les temps, ce n'est pas elle qui va réussir à...

- Mais il est trop tard, l'interrompt Alina Starkov en me regardant avec un sourire désolé. Alexander n'est pas au courant, ce qui veut dire qu'il faudra qu'on s'en sorte tous les trois.

- S'en sortir de quoi? (Je me lève du toboggan parce qu'il est en train de me geler les fesses.) Je ne vais rien faire du tout tant qu'on ne m'aura pas concrètement dit le pourquoi, le comment, le qui, le où, le...

   Je laisse ma phrase en suspens. Les deux ravkans échangent à nouveau un regard que je n'arrive pas à interpréter. Pendant de longues secondes, ils ont l'air de communiquer par télépathie et je commence sérieusement à me demander si ce n'est pas là un autre pouvoir Grisha que je ne connaîtrais pas encore.

- Maja, commence Alina Starkov après avoir reporté son attention sur moi, est-ce que tu pourrais faire apparaître un peu d'ombre? C'est... juste pour voir un truc, un truc dans sa composition. Rien de très important, de la simple curiosité.

Sankta ─ SHADOW AND BONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant