Lorsque Kaz est de retour à l'hôtel, il trouve Inej assise sur le canapé avec un livre ouvert sur les genoux. Elle n'a pas besoin de lever la tête pour que Kaz sache qu'elle l'a entendu venir.
- Il y a du nouveau? demande-t-elle sans quitter sa lecture des yeux tandis qu'il s'assied péniblement sur un fauteuil.
Les fauteuils - mais cela vaut aussi pour les canapés, les chaises et les sièges du métro - sont tous terriblement bas dans ce monde. A Ketterdam, il avait fait rehausser le fauteuil de son bureau au Crow's Club pour pouvoir s'en relever sans trop d'efforts. Ici, il doit prendre appui sur sa canne à chaque fois. A force, ses poignets commencent à le faire autant souffrir que sa jambe.
Kaz ne répond pas. Cela va bientôt faire deux mois qu'ils sont ici et il n'y a jamais rien de nouveau. Bientôt deux mois qu'ils habitent tous les trois dans cet hôtel milieu de gamme situé dans un quartier Est de Londres. Bientôt deux mois qu'ils surveillent les moindres faits et gestes de leur Sankta, et bientôt deux mois qu'ils attendent qu'il se passe enfin quelque chose.
- J'aurais très bien pu m'en charger moi-même, ajoute Inej quelques secondes plus tard.
- Tu l'as déjà suivie tout l'après-midi. Même un spectre doit dormir.
Inej referme son livre.
- Où est-elle allée?
- Elle a pris le métro pour rentrer chez elle, répond-il en essayant d'ignorer le souvenir de cet horrible trajet à l'heure de pointe. J'ai attendu pendant quelques heures. Elle n'a rien fait d'autre.
- Qui n'a rien fait d'autre? répète Jesper avec son entrain habituel en entrant dans la pièce.
- A ton avis, soupire Inej.
Jesper vient s'asseoir sur le dernier fauteuil de libre, un bol avec ce que Kaz a appris a reconnaître être du pop-corn dans les mains.
- Je suis toujours encore de l'avis qu'on devrait un peu accélérer les choses, commente Jesper.
- On ne kidnappe personne, répète Kaz en lui jetant un regard noir.
- Hm. J'ai dû louper le moment où notre organisation en a tout a coup eu quelque chose à cirer de conserver une éthique de travail exemplaire. (Jesper penche la tête en arrière et fait disparaître quelques flocons de pop-corn.) R.I.P. Alina, comme ils diraient par ici - quand il s'agissait de la kidnapper elle, ça ne nous dérangeait pas.
- Ce n'était pas important qu'Alina nous fasse confiance, le corrige Kaz en se redressant un peu dans son fauteuil. Elle, si.
Elle est le plan J. Un au cas où rien d'autre ne fonctionne, on peut toujours voir ce que cette Sankta a à apporter. Maintenant, c'est un tout ou rien. Si elle s'avère inutile, ils seront probablement bloqués dans ce monde remplis de chaises trop basses et de métros bondés pour toujours.
Inutile de préciser qu'un échec est impensable. Kaz Brekker refuse de vivre quelque part où les métros sont considérés comme éthiquement acceptables. Passer une heure au fin fond du Barrel à Ketterdam est une partie de plaisir en comparaison à cinq minutes dans le métro.
- Elle nous fait déjà confiance!, proteste Jesper. Elle nous adore - d'accord, tout le monde nous adore, mais elle en particulier. Pas vrai, Inej?
- Je n'irai pas jusqu'à là, nuance Inej en repliant ses jambes sous elle. A mon avis, c'est beaucoup trop tôt pour lui parler de... de nous, des grishas, de la petite science. De notre monde.
- Et du Darkling? demande ironiquement Jesper. Est-ce qu'il est trop tôt pour lui parler du Darkling qui rôde dans les parages depuis des mois et qui, s'il arrive à mettre son grapin sur elle, lui fera probablement connaître un sort dont seule notre Alina peut témoigner de l'atrocité?
- On ne sait même pas si elle est grisha! proteste Inej en échangeant un regard avec Kaz pour voir où il se situe dans le débat.
Kaz se situe exactement là où il se tient depuis le moment où ils ont la première fois entendu le nom de famille de Maja Sankta.
Ils doivent partir du principe que cette fille peut les aider à créer, par les saints savent quelle magie, un passage permettant de rejoindre leur monde à eux.
- Elle a le même collier que toi, Inej, répète-t-il. Elle vient de chez nous.
Car si le Fold a réussi à les transporter vers ici une fois, ils n'ont aucune raison de supposer qu'ils ont été les premiers. Et vu la situation politique de Ravka depuis des dizaines d'années, il ne semble pas invraisemblable que des parents grisha aient cherché à protéger leur enfant de la circonscription obligatoire en l'envoyant ailleurs. Une solution radicale, mais une solution tout de même.
- Je suis d'accord avec Kaz, annonce Jesper en continuant de manger son pop-corn. Sankta Maja, c'est une coïncidence trop belle pour être fausse. La sainte de ceux qui sont loin de chez eux? (Il secoue la tête.) Notre Sankta est une grisha.
- Elle pourrait se dépêcher et faire des choses plus... grisha-esques, dans ce cas, soupire Kaz en serrant le haut de sa canne. Je n'ose même pas imaginer l'état du Crow's club quand on rentrera.
Jesper lui tend son bol de pop-corn.
- Profite un peu de la vie en attendant, boss. Et du pop-corn micro-ondable, surtout. (Voyant que Kaz ne va pas prendre de pop-corn, Jesper reprend son bol vers lui.) Sept différents ordres de grisha qu'il y a chez nous, hein? Et aucun n'a réussi à fabriquer des micro-ondes? Saints, je ne sais pas comment je vais faire pour vivre sans micro-ondes. Peut-être que ce n'est pas si grave que ça de rester coincés ici pour toujours, ou bien?
Si Kaz avait été debout à côté de Jesper, il lui aurait enfoncé le bout de sa canne sur le pied en appuyant bien dessus. A la place, il le foudroie du regard, ce qui fait bien sûr plus sourire Jesper qu'autre chose.
VOUS LISEZ
Sankta ─ SHADOW AND BONE
FanfictionLE FOLD N'ETAIT QUE LE DEBUT. LE FOLD EST UN PORTAIL. Qu'il y a t-il de mieux que de régner sur le monde? Régner sur plusieurs mondes, dirait le général Kirigan. [ Semi univers alternatif de la série Shadow & Bones ; l'histoire débute dans notre mon...