── Chapitre 13 : Cccccccchut.

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   Mon premier réflexe : être soulagée de voir un visage familier dans la pièce, même s'il ne s'agit que de celui du Caspian de la bibliothèque.

   Mon second réflexe : me souvenir que Caspian de la bibliothèque n'est pas juste Caspian de la bibliothèque, mais plutôt Caspian de la bibliothèque, celui qui, avec Inej, Jesper et ce Kaz prétendent venir d'un autre monde où la magie s'appelle science.

   Mon troisième réflexe est parfaitement résumé par mon geôlier blond :

- Qu'est-ce que vous faites là? bégaye-t-il presque sans me lâcher.

   Caspian referme la porte d'entrée de l'appartement derrière lui. Ensuite, il traverse le couloir - lentement, sûrement, comme s'il était chez lui et qu'il venait de rentrer du marché parce que le samedi matin, c'est le jour du marché - jusqu'à se planter devant nous.

   Devant moi, plutôt. Pour la forme plus que pour autre chose, j'essaye encore une fois de tirer sur les liens - et moufles - qui unissent mes mains ; en vain. 

- Elle ne vous a pas posé de problèmes, j'espère? 

   Helvar s'apprête à répondre - probablement quelque chose de négatif -, mais son collègue Zlatan l'en empêche.

- Pas du tout, général Kirigan. C'est une crème.

- Au cas où ça intéresserait quelqu'un, j'ai toujours encore besoin d'aller aux toilettes.

   Mon ton égal me surprend la première, mais toute la situation est tellement, tellement irréaliste que ma vessie est la seule chose qui semble encore prendre sens. 

   Silence de quelques secondes.

- Qu'est-ce que vous attendez, Drüskelle? s'impatiente Caspian. Détachez-la.

- Je ne vais rien faire de tel, rétorque-t-il. Je sais comment les Grishas fonctionnent, à partir du moment où ses mains seront déliées, elle pourra - 

   Une sorte de courant d'air glacial me frôle tout à coup les poignets. Je dois retenir un cri de surprise, puis remarque que les liens en plastique qui reliaient mes mains se sont... oui, ils se sont coupés tout seuls. Je n'ai plus que les moufles, que je m'empresse d'enlever.

- Troisième porte sur la gauche, commente Caspian tandis que je me frotte les poignets endormis.

   Je me faufile à côté de lui avant qu'Helvar n'ait le temps de s'indigner de ma libération. De quoi a-t-il peur, au juste? Qu'est-ce qu'une paire de moufles est censée m'empêcher de faire? Quelles sont les choses dont ils me pensent capables pour que des grands gaillards comme eux aient l'air si effrayés? 

   La troisième porte sur la gauche donne sur une salle de bains qui est au moins aussi grande que ma chambre, même si elle ne comprend rien de plus qu'un lavabo et des toilettes. Il n'y a pas de fenêtre à travers laquelle...

   Bon sang, mais qu'est-ce que je m'imagine? On est au 21ème étage, Maja, ça ne sert à rien que je cherche des fenêtres par lesquelles m'enfuir.

   Mais il faut bien que je fasse quelque chose. Je ne peux pas rester ici avec cette secte, qui...

   Le pire, c'est qu'avec le temps, je crois que j'aurais pu croire à toutes leurs histoires de Ravka, de Grisha et de Ketterdam. Mais le fait de me kidnapper a un peu tout cassé - tant pis pour eux, ils y étaient presque.

   Je pose les mains à côté du lavabo et prends quelques lentes inspirations en fermant les yeux. Paniquer ne m'amènera nulle part. Ils veulent que je les aide : je vais les aider. Peut-être que lorsqu'ils comprendront que je ne sais rien faire de... peu importe ce qu'ils veulent que je fasse, ils me relâcheront.

Sankta ─ SHADOW AND BONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant