Je n'aurais définitivement pas dû boire autant hier soir. Lorsque la rame du métro dans laquelle je viens de monter se met en mouvement, je dois me raccrocher à la dernière minute à une barre près de la porte pour ne pas faire un vol plané alors que ça fait des années que je maîtrise avec perfection l'art de ne pas avoir à me tenir dans le métro.
- Excusez-moi, dis-je à l'attention de la personne que je viens de cogner sans faire exprès.
Un jeune homme me répond par un sourire crispé. Lui au moins arrive à garder l'équilibre sans tomber, même s'il a l'air assez peu sûr sur pied avec sa canne en main. Lorsque le métro freine à l'arrivée de la prochaine station, je recroise son regard et y lis quelque chose qui m'est on ne peut plus familier : la détermination de réussir à tenir debout sans avoir à toucher les barres du métro qui n'ont sûrement pas été nettoyées depuis cinq ans.
Bon courage, monsieur. Pour ma part, je n'ai pas assez l'estomac en place pour tenter ma chance.
Deux stations plus loin, je descends à l'arrêt Lambeth North. Le quai est noir de monde étant donné qu'on est samedi matin et je me faufile avec plus ou moins de facilité entre les voyageurs jusqu'à sortir du métro. Une fois à l'extérieur, je vois qu'il s'est mis à pleuvoir des cordes. N'ayant bien évidemment ni parapluie, ni capuche, j'essaye de caser le plus de cheveux possibles sous le col relevé de ma veste en cuir et marche le plus rapidement possible jusqu'à la maison. Par chance, le Foyer n'est qu'à une centaine de mètres du métro et quand je fais tourner la clé dans la serrure, je ne suis pas complètement trempée.
La porte s'ouvre sur un couloir désert. Le Foyer est une très grande maison en briques qui accueille en moyenne 8 à 10 adolescents, tous sous la responsabilité de Mme Carp. Et voir la maison aussi silencieuse un week-end...
- Ah, Maja! s'exclame Mme Carp en descendant les marches grinçantes des escaliers. Enlève tes chaussures avant de rentrer, je n'ai pas passé la matinée à aspirer partout juste pour que tu viennes tout me salir cinq minutes plus tard.
Je délace mes converses noires et les pose là où je trouve une petite place sur l'étagère à chaussures dans l'entrée.
- Il n'y a personne? je demande en la suivant vers la cuisine.
- Je les ai envoyé à la piscine municipale pour avoir la paix pendant le ménage, répond-elle en ouvrant le lave-vaisselle. Mets la machine à laver en route, le linge est déjà dedans.
Je m'exécute et tourne le bouton de la machine de sorte à sélectionner le programme le plus économique. Cela fait des années qu'il n'est pas possible de faire fonctionner à la fois lave-vaisselle et machine à laver en même temps sans que le fusible ne saute et de toute évidence, certaines choses n'ont pas changé.
- Laisse, je vais le faire, dis-je ensuite en commençant à sortir la vaisselle qu'elle était en train de ranger. Tu ne devrais pas te baisser avec tes genoux.
Comme à chaque fois que quelqu'un évoque ses problèmes de santé, elle lève les yeux au ciel et me gratifie d'un petit coup avec le torchon qu'elle a en main, mais n'insiste pas et va s'asseoir sur une des chaises autour de la table. Quand je suis arrivée au Foyer il y a huit ans, Mme Carp avait déjà des mèches grises dans sa tignasse noire. Aujourd'hui, il n'y a plus la moindre touche de couleur dans ses cheveux. Elle ne l'avouerait à personne, mais je sais qu'elle a de plus en plus de mal à s'occuper à la fois de la maison et de la bande d'adolescents qu'elle a à gérer.
- Tu n'as rien de mieux à faire que de venir rendre visite à une vieille commère comme moi un samedi? me demande-t-elle sur un ton suspect.
- C'est triste, hein? je demande pince-sans-rire.
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Sankta ─ SHADOW AND BONE
FanfictionLE FOLD N'ETAIT QUE LE DEBUT. LE FOLD EST UN PORTAIL. Qu'il y a t-il de mieux que de régner sur le monde? Régner sur plusieurs mondes, dirait le général Kirigan. [ Semi univers alternatif de la série Shadow & Bones ; l'histoire débute dans notre mon...