Sankta ─ SHADOW AND BONE

── Chapitre 38 : Décapitation.

- Saints! (Nina retire sa main comme si elle venait de toucher une plaque électrique brûlante. Elle la secoue pour faire passer la douleur, puis ajoute : ) Non, je ne crois pas que ça fonctionne.

   Ligoté sur une chaise au milieu de l'appartement du Darkling, Willem sourit. Un sourire fatigué, qui s'efface immédiatement lorsque son regard retombe sur moi. 

   J'ai les mains liées entre elles avec de la ficelle de cuisine. Debout entre Zlatan et Helvar, je n'ai même pas besoin de trop me concentrer pour feindre d'être complètement terrorisée par la situation.

- Je suis un Heartrender, moi aussi, soupire Willem. Vous ne pourrez pas me manipuler, Zenik.

- Si, je peux. (Nina passe devant Helvar. Il s'écarte. Ensuite, elle sort un petit couteau de l'intérieur de sa manche et, après un soupir théâtral, me place la lame directement sous la gorge.) Je me répète : Willem Van Eck, je vous ordonne de nous renvoyer à Ravka dans les cinq secondes qui viennent. Sinon, votre tendre et chère devra trouver un moyen de vivre sans que sa tête ne soit rattachée à son corps.

- Vous n'y arriverez pas, articule Willem sans me quitter des yeux. Décapiter quelqu'un avec un couteau comme ça, c'est simplement impossible.

- Willem, tu n'aides pas, dis-je d'une voix crispée.

- Je suis sûr que le Fjerdan ici présent y parviendrait, répond Nina au même instant. En fait, je pense qu'Helvar pourrait même décapiter notre Maja à mains nues si on lui en laissait l'occasion. (Elle baisse sa main qui tient le couteau.) Vous voulez qu'on essaye? Zlatan, à votre avis, cela lui prendrait combien de temps?

   L'intéressé hausse les épaules.

- Sept à huit minutes. Peut-être un peu plus si Sankta a une colonne vertébrale très solide.

- Moi, je dis qu'il y arriverait en moins de cinq, reprend Nina. Et vous, Van Eck? On fait un pari? (Nina tourne la tête dans ma direction.) Et toi, Maja, tu en penses quoi?

   Je pense que tu commences à te prendre un peu trop au jeu, ai-je envie de lui dire.

- J'en pense que je n'aimerais jamais à le savoir. (Je cligne plusieurs fois des yeux.) Willem, s'il te plaît. Si tu comptes faire ta bonne action du jour, ça serait le moment, maintenant.

   Il serre les lèvres. Les poignets attachés derrière le dossier de la chaise, il se redresse avec difficulté.

   Et il me regarde.

   Et à cet instant, je sais qu'il ne m'a pas menti sur toute la ligne depuis le premier jour où on s'est rencontrés. 

   J'ai toujours été plus que l'expérience de son père à ses yeux.

   Je ne sais pas s'il m'aime. Même avant que je n'apprenne la vérité, nous n'avions jamais prononcé ces fameux mots.

   Mais à le voir comme ça, complètement perdu - alors que Willem a toujours l'air de parfaitement contrôler la situation, ou, quand ce n'est pas le cas, semble toujours assez confiant en lui-même et en l'univers pour ne pas être dérangé plus que ce soit...

   Je crois qu'il m'aime.

   Et moi, je sais que je l'aime. Parce que je suis à deux doigts de tout avouer.

   Il y a une heure de cela, j'ai appelé Willem pour lui demander de venir en urgence chez Caspian. Avant d'appuyer sur son nom dans mes contacts, Nina m'a suggéré de courir en rond dans le salon jusqu'à ce que je sois complètement essoufflée pour que ma panique sonne plus réaliste. J'ai failli me vexer de son manque de foi en mes talents d'actrice, mais ne me connaissant pas desdits talents de toute façon, cela m'a semblé être une bonne idée.