Sankta ─ SHADOW AND BONE

── Chapitre 26 : Boris Johnson.

- Alors, quel est votre verdict?

   Je me penche en arrière contre le dossier du siège du carrosse en réfléchissant à la meilleure façon de répondre à la question que Caspian, assis en face de moi, vient de me poser.

   Os Alta est une ville belle de loin, mais loin d'être belle?

   La première chose que nous avons visité ce matin à la première heure, ce fut le Grand Palais. Du Petit Palais, j'avais déjà eu un aperçu puisque c'est là où j'ai passé la nuit dernière et le Grand... et bien, c'est le petit, mais en plus grand. Je n'y ai jamais mis les pieds, mais j'imagine que le style architectural doit fortement ressembler à celui des palais russes dans mon monde, ou de ceux de pays baltiques avoisinants. En tout cas, ce sont deux lieux dans lesquels j'imagine très bien Stéphane Bern passer en disant : «c'est ici qu'il y a deux cents ans à peine se déroulaient chaque année d'immenses fêtes en hommage à la Tsarine jenesaiqui....».

   Ensuite, on est montés dans un carrosse aux intérieurs rouge pourpre qui nous a fait traverser Os Alta. Les quartiers les plus proches du domaine royal sont les plus beaux, bien évidemment, et pendant quelques minutes j'ai réellement pensé que tout devait avoir l'air comme ça dans ce pays. 

   Et puis les quartiers plus pauvres sont arrivés. Au début, j'étais presque surprise par l'honnêteté du général : j'ai pensé qu'il cherchait à présenter une image réaliste, honnête de son pays, comme pour dire «vous voyez, Sankta? La vie n'est pas rose ici non plus, mais je ne vous le cache pas». Car après tout, la pauvreté existe dans chaque pays et chaque ville du monde.

    Mais j'ai évidemment surestimé les intentions pures de mon hôte. Lorsque le nombre de mendiants - aussi bien des enfants que des vieillards - est devenu un peu trop... embêtant pour Caspian, il a tiré les rideaux du carrosse sous prétexte que je devais être éblouie par le Soleil - ce que je n'étais pas. Là où Caspian n'a toutefois pas pu me cacher la vue, c'est lorsque nous sommes sortis du véhicules dans ces quartiers pour visiter au moins une dizaine d'églises et de cathédrales différentes.

   Ces édifices étaient presque déserts à chaque fois. Dans chaque monument, Caspian me faisait un discours sur le Saint en hommage duquel était construit le bâtiment - chaque église étant dédiée à un monsieur ou une madame en particulier - que j'écoutais d'une oreille plus ou moins attentive. Au début, j'arrivais assez bien à suivre, mais au bout de la cinquième Sainte j'ai commencé à tous les confondre entre eux. 

- Votre pays est riche, de toute évidence, dis-je finalement en répondant à sa question. (Il hoche la tête, un petit air satisfait sur le visage.) Dommage que ces richesses ne servent pas aux pauvres.

   Pendant une fraction de seconde, je crois qu'il va mal le prendre, mais il se contente de répondre d'un air philosophique :

- La situation n'est pas beaucoup plus équitable dans votre monde, si je peux me le permettre.

- Je ne dis pas le contraire. Sauf que dans mon monde, je ne suis pas assise dans la voiture de Boris Johnson pour lui dire ça.

   Le carrosse passe devant une église que nous venons de visiter il y a peu. Caspian montre le clocher du doigt, répétant quelque chose concernant sa construction particulière qu'il avait déjà dit lorsque nous étions à l'intérieur.

- Depuis que les Lanstov ne sont plus au pouvoir et que je suis gouverneur de Ravka - (Je suis un peu surprise par le changement de sujet.), j'ai triplé le nombre de dons faits de la part  du gouvernement aux hospices pour pauvres. Deux nouveaux hôpitaux libres de charges sont en construction et je suis en train de travailler avec les ministres pour qu'au moins 70% des dons récoltés par les institutions religieuses soient obligatoirement remis au service des communautés qu'elles servent.