── Chapitre 46 : Cow-boy.

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- Bon, et bien... (Jesper me fait un signe de la main, puis se retourne brusquement.) Ciao, adios. C'était cool de te connaître, comme on dit par chez vous. Si jamais ma belle gueule te manque, tu sais où me trouver.

Avant qu'il n'ait le temps de s'éloigner, Inej lui barre le passage et le force à se retourner.

- Pas aussi vite, cow-boy.

- Tu savais qu'il n'y a pas de cow-boys chez nous? me demande Jesper. Nous, on a qu'un seul mot pour désigner quelqu'un qui garde des animaux en troupeau : berger, ou bergère.

A sa droite, Kaz soupire en prenant appui sur sa canne. Nous sommes tous les quatre seuls en bas du grand escalier royal du Petit Palais, le temps qu'on se dise tous au revoir et à la prochaine - ou plutôt, que moi je leur dise au revoir et à la prochaine, puisque je suis la seule à partir. De ce que j'ai compris, leur petite bande va rester fidèle à elle-même et retourner à Ketterdam dans les prochains jours.

- Tu peux essayer d'en faire ta mission de vie, je suppose, dis-je à Jesper. Essaye de voir si c'est possible qu'une personne arrive à faire intégrer un mot comme cow-boy dans tout une langue.

- Et comment je suis censé faire ça? J'imprime des flyers que je distribue, sur lesquels il y a écrit : moi, Jesper Fahey, je demande à tout un chacun de dire cow-boy au lieu de berger lorsqu'il s'agit de vaches?

- Si ça peut t'occuper pendant un jour ou deux et nous donner un peu de paix, marmonne Kaz, je suis en faveur de ce projet.

- Et cow-girl aussi, du coup? enchaîne-t-il sans se soucier de son chef. Et quand ce n'est ni un boy, ni une girl, comment ça se passe?

Excellente question, à laquelle je n'ose pas répondre, faute d'être concernée par le sujet. A la place, je redirige la conversation vers quelque chose d'un peu plus imminent qu'une potentielle impressions de tracts publicitaires :

- Je ferais mieux d'y aller, Alina doit déjà être en train de m'attendre.

En guise de réponse, trois têtes hochées. Inej et Jesper me gratifient d'un faible sourire et, si ce n'est pas la lumière qui fait illusion, je crois même que je peux en dire autant du terrible Kaz Brekker - mais c'est probablement ma vision qui me joue un tour, bien sûr.

- Pas de sanglots... commence Inej.

- ... pas de tombeaux, complète Kaz. (Devant mon regard interloqué, il précise : ) Un petit dicton populaire de chez nous.

- En gros, explicite Jesper, ça veut dire : n'oublie jamais la chance que tu as eu de côtoyer le grand Jesper Fahey et ne meurs pas.

- Oh, et bien... ça tombe bien, mourir ne faisait pas partie de mes projets imminents.

- Mais de m'oublier, oui?

- Excusez-moi, qui-êtes vous?

Il me répond en me gratifiant d'une petite tape à l'arrière de la tête.

Quelques minutes plus tard, nous rejoignons Alina dans la salle du trône, où elle était visiblement en pleine discussion avec le Darkling. Lorsqu'ils entendent les portes s'ouvrir, ils font chacun un pas en arrière.

- Prête, Sankta? me demande Caspian, les mains dans le dos.

- Plus ou moins.

Je m'avance jusqu'au milieu de la pièce ; Alina fait de même. Elle commence à invoquer une sphère de Lumière entre nous.

- Une dernière parole pour la route? me demande-t-elle.

- Vole, petit oiseau! crie Jesper à ma place.

- Vole, petit oiseau, dis-je en haussant les épaules. Ca me va.

Alina fait grandir la sphère entre ses mains, tout doucement, probablement pour être certaine de nous téléporter au bon endroit. En la voyant faire, je repense à moi - à la façon dont, il y a de nombreuses semaines de cela, j'étais moi aussi en train d'essayer de créer des sphères de la sorte, jusqu'à ce qu'il s'avère que j'ai environ autant de pouvoirs Grisha que Milo. Non, Milo n'est pas un bon exemple étant donné que même cette chèvre est plus douée que moi, mais disons autant de pouvoirs Grishas que n'importe quelle autre chèvre sur Terre, Milo mis à part.

Le temps qu'Alina prépare ses pouvoirs, je joue nerveusement avec mes doigts. Même si j'ai fait ce genre de transferts plus d'une fois à présent, le sentiment de se perdre dans l'espace-temps n'est probablement pas quelque chose auquel on peut s'habituer un jour.

La sphère augmente, augmente, augmente et...

Juste avant qu'elle soit assez grande pour être capable de nous transformer, je croise le regard du Darkling. Lentement, il hoche la tête.

Saints, il ressemble vraiment à Caspian de Narnia!

Je lui rends son sourire, puis disparais vers un autre monde.

Sankta ─ SHADOW AND BONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant