Chapitre 60

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Une fois au sous-sol, je cours vers la sortie comme si je pouvais fuir la douleur, mais elle me suis où que j'aille. Je ralentis alors, et me sens impuissante. J'ai l'impression d'avoir pris un énorme coup à la tête et que cette commotion m'empêche de fonctionner normalement... Il m'a utilisé, comme un objet, et maintenant je réagis comme tel.

L'écho de mes pas résonne tout autour de moi et accroit mon sentiment de solitude. D'un geste de la main, je décline la proposition de Gabriel de me raccompagner. Il n'insiste pas, et incline la tête compatissant en réponse à mon regard empli de désespoir.

Désorientée, j'ai du mal à prendre une direction. Je ne sais plus où je dois aller, ou j'étais censée être ? Je me perds entre les buildings errant sans but entre les passants. Croisant à plusieurs reprises des affiches de films sur lesquels l'image d'Adam y est exposée en héros, alors qu'il est la plus infecte des pourritures. Comment ai-je pu me tromper autant sur lui ? Je le pensais rigide, mais pas dénué de sentiments et encore moins sadique.

Les yeux rivés sur le trottoir pendant une bonne heure, je me retrouve, par je ne sais quel miracle, face à mon hôtel. Désabusée, je me résous à rentrer, je n'ai nulle part où aller de toute façon. Alix m'accueille avec indulgence en voyant ma tête, et je sais à quel point ça lui coute de ne pas me hurler dessus pour évacuer sa propre colère. Je lui raconte le strict minimum sans lui révéler l'existence de Kim ou de leur espèce de secte à la con. Seulement que la séparation a été difficile et qu'il me tarde de retourner chez moi, par crainte qu'elle ne balance tout sans le vouloir ou qu'elle ne décide d'aller elle-même l'étrangler.

Je m'effondre sur elle, n'ayant plus la force de lutter contre la peine et la rage qui m'accable. Cet homme, m'a comblée de plaisir, de joie, de délice avant de m'en dépouiller jusqu'à la dernière goute.

Je dois partir, vite.

Je rassemble mes affaires et les range dans ma valise en abandonnant tout ce qui s'apparente de près ou de loin à ce monstre ou son argent sale.

Une fois terminé, je me précipite dans le salon quand la sonnerie du téléphone retentit et me donne la chair de poule.

Et si c'était lui ?

Je réalise, la boule au ventre, de l'emprise qu'il garde sur moi. Même loin, il arrive encore à m'émouvoir. Je reste plantée là sans bouger puis vois Alix prendre l'appel. Celui-ci ne dur que quelques secondes durant lesquels il met incapable de respirer avant qu'elle ne raccroche enfin.

Des billets d'avion ont été déposés pour nous à la réception. On décolle dans deux heures, me prévient-elle rapidement comme pour arracher un pansement. Mais la douleur dans ma poitrine s'apparente à une chute libre sans fin ni parachute.

***

Une fois arrivée à l'aéroport, chaque pas qui m'éloigne de lui est un supplice, mon cœur saigne et ma tête est noyée sous un flot de tourments pour la plupart absurde et incohérent.

Ce pourrait-il que le cœur soit le glas de l'âme ? Qu'il puisse, tout comme le battement d'aile d'un papillon, se faire ressentir à l'autre bout de la terre ? Qu'une fois épris, il soit entendu de l'autre, qu'il communique sans le savoir, qu'ils reconnaissent leurs rythmes et leurs maux ? Qu'ils se comprennent à distance sans dire mot. Émettre le bonheur, la joie, le danger ou l'amour à travers ses pulsations, ses ratés ? Au même titre qu'une touchante musique exprimant les émotions de son auteur ou les cris hurlants de sa détresse. Comme J'aimerais qu'il puisse partager ma douleur. Encore aurait-il fallu qu'il m'ait aimé...

Je pars sous la torture et ne sais si je pourrais m'en relever jusqu'à ce que mes pieds cessent de fonctionner. Immobile, je sens la souffrance s'amoindrir, je peux réfléchir, faire un autre choix, reprendre ma vie ou la recommencer à zéro. Mais comment deviner quelle est la bonne direction? J'ai tellement de possibilités que ça en deviens déroutant. Tout ce que je souhaite pour le moment c'est d'oublier ce qu'il m'a fait...

Mais ma rage s'anime à nouveau à ce souvenir. J'ai envie de me venger de lui, de le faire payer si tenter qu'il est quelque chose à perdre. Je me suis fourvoyée à croire que j'avais de la valeur à ses yeux et il s'est avéré que j'étais loin du compte. Je me sens si stupide d'y avoir cru maintenant... Je vais passer le reste de ma vie à essayer d'oublier celui à qui j'ai cédé jusqu'à ma dignité.

J'ai mal au crâne...

En cherchant dans ma pochette un cachet, je tombe sur la carte de visite d'Erick, et me remémore ses mots :

« Appelle-moi si tu veux jouer dans la cour des grands »

Que voulait-il dire par là ? Qui était-il ? Et pourquoi Adam en avait après lui ? Alix m'extirpe de mes réflexions en tirant violemment sur mon bras et le lève près de son visage.

— Mais c'est quoi ça ?!

Je jette un regard blasé sur la bague étincelante à mon doigt qu'elle convoite. Je l'avais complètement oublié...

— Une preuve supplémentaire qu'Adam RIVERS est un connard.

Je tente de récupérer ma main, mais elle m'en empêche et scrute le bijou d'un œil avisé. Elle s'empare ensuite son téléphone sans m'expliquer avant de devenir pâle.

— Putain Oriane, cette bague c'est..., elle s'arrête confuse.

— Quoi ??

Elle reste muette, je lui saisis des mains son téléphone et découvre une bague identique à celle que je porte. Je fais défiler légèrement la page vers le bas quand son prix me saute aux yeux. Cinq-millions de dollars...

— Ne t'emballe pas, ce ne peut être qu'une copie. Aussi fausse que son acheteur...

Ma gorge se serre un peu plus. Elle me reprend le téléphone et descend plus bas avant de me le tendre à nouveau. Je peux lire « acheté récemment par une célèbre star du cinéma ». Elle me fait douter, mais ne me convainc pas.

— Ça ne veut rien dire...

Agacée par mon entêtement, elle m'arrache du doigt l'anneau et regarde l'intérieur.

— C'est elle ! Les initiales du créateur y sont gravées ! crie-t-elle extatique en rameutant plusieurs paires d'yeux sur nous.

Elle me regarde abasourdit, s'imaginant déjà meilleure amie d'une millionnaire...

Je fais tourner l'anneau entre mes doigts et examine les lettres discrètes incrustées dans l'or blanc. Elle a raison pourtant, je n'arrive pas à me convaincre que cela puisse être vrai. Pourquoi aurait-il fait ça ? Pourquoi me donner finalement l'argent alors qu'il avait gagné d'avance ? Serait-ce par bonté, remords ou supériorité ? Je ne pourrais le deviner, son esprit est trop tordu, et mes émotions m'empêchent de démêler le vrai du faux...

À quoi pensait-il en me l'offrant ? Que j'accepterai un tel cadeau alors que je refuse catégoriquement son argent ? Mais peut-être l'a-t-il seulement oublié...

Cette bague, et la seule chose qu'il me reste et je veux savoir si elle n'est qu'un autre mirage. S'est-il réellement joué de moi ou est-il pris au piège de ce jeu lui aussi ?

J'exige d'en avoir le cœur net. Déterminée à la rendre à son propriétaire, je fais demi-tour, reprends mon souffle, et d'un pas décidé cette fois, je m'apprête à me confronter à son monde.

— ­­Oriaaane !

J'ignore les râles exacerbés d'Alix qui finalement renonce à partir, et me suis (pas sans râler).

Je veux découvrir le vrai visage de cet homme et le haïr pour ce qu'il est en réalité. Je veux lui faire payer ce qu'il m'a fait et irais jusqu'au bout pour tenter de me reconstruire, même si pour cela je dois devenir quelqu'un que je ne suis pas. Il m'a rendu raide dingue de lui et en a profité pour me briser, maintenant c'est moi qui n'ai plus rien à perdre.

Je prends ma revanche.


À suivre...

Priceless'GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant