Chapitre 2 - La famille.

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Je descends l'escalier de cette maison trentenaire qui m'a vue naitre, bâti par mon père et le sien.

Ses murs de pierres apparentes et la décoration pastel fleurissante de style hippie chic de ma mère la rend en tout point unique. La plupart des objets et bibelots entreposés proviennent de nos nombreux voyages et les murs croulent sous les cadres photo comme de minuscules fenêtres du passé.

Cette bâtisse abrite l'âme de notre famille et je peine à devoir la quitter.

— Joyeux anniversaire ma puce ! me surprend gaiment ma mère à peine la dernière marche franchit.

Cette grande et belle femme quarantenaire a été épargnée par le temps aussi bien mentalement que physiquement. Ses longs cheveux cuivrés coiffés en deux nattes lâchent, retombent sur ses épaules et sont ornés de rubans blancs brodés. Ses yeux noisettes, pétillent de joie comme à son habitude, elle rayonne quoi que la vie lui réserve.

— Merci maman ! je réponds en la serrant dans mes bras avant de me diriger vers la table de la cuisine qui déborde de nourritures.

— Alors je t'ai fait des gaufres, des pancakes, des muffins au caramel, du pain perdu, de la salade de fruits frais, du jus d'orange pressé SANS pulpe, du chocolat chaud, du café et je crois que je n'ai rien oublié...

— Merci! On va se régaler.

— Bon anniversaire ma chérie ! s'écrie mon père en entrant dans la cuisine. Il dépose un baiser sur ma joue avant de retrouver ma mère et de l'embrasser amoureusement.

Mon père est l'homme le plus gentil et serviable que je connaisse. Ses grands yeux bleus ont séduit ma mère au premier coup d'œil et il ne lui a pas résisté longtemps apparemment.

Ces deux-là se sont rencontraient au lycée et ne se sont jamais quittés depuis. Le couple idéal à mon avis et une barre bien trop haute que je me suis fixée sur mes propres relations.

— Merci papa !

— Tu es bien matinale, me fait-il remarquer.

— Mon téléphone a sonné un peu trop tôt...

— Alix ? demande ma mère quelque peu sure de la réponse.

— Oui. Comme chaque année... elle veut absolument être la première à me le souhaiter de vive voix et par tous les réseaux sociaux qui puissent exister.

— Oui, mais elle ne t'écrit pas de jolies cartes elle, sourit ma mère en me tendant une enveloppe lilas.

— Certainement pas ! Ce privilège t'est réservé.

— J'espère bien.

Je me mets à dévorer mon petit déjeuner royal entouré des personnes m'aimant le plus au monde pour la vingt-et-unième fois et me demande combien de moments comme celui-là il y aura encore. J'adorerais garder leurs attentions bienveillantes et leur compagnie, mais je sais pertinemment qu'ils souhaiteraient retrouver enfin leur vie à deux et me voir construire la mienne à mon tour.

— Alix s'est invitée à manger, lance ma mère, la bouche pleine de gaufres.

— Le contraire m'aurait étonné.

— Oh, et elle m'a demandé à ce que l'on dine tôt, car elle te sort ce soir, continue-t-elle d'un air narquois.

— Et tu vas... ?

— Faire trainer le diner évidemment, répond-elle avec son sourire taquin ; détestant clairement qu'on lui dise quoi faire. Ma mère est bien la seule à oser lui tenir tête.

Je pouffe de rire avant de reprendre :

— Elle n'est pas croyable...

— Tu comptes sortir avec tes amis après ?

— Avec Alix ? Je me retrouverais dans un bar à la regarder se souler. Elle jugerait tous les garçons présents et les classerait dans les catégories: #hors de question, #baisable, #bon coup ou #OMG je dirais oui à tout. Ensuite, elle en inviterait une partie à nous suivre en boite et me trainerait sur la piste de danse avec le mec qu'elle aura choisi pour moi, tout ça pour repartir, au final, avec lui et m'abandonner sur place, oubliant jusqu'à mon existence.

— Et Paul ? essaye ma mère en grimaçant.

— Il est gay et la seule chose qui le différencie d'Alix, c'est son pénis, il ferait exactement pareil.

Aussi triste que cela puisse paraitre, je n'ai que deux amis, mais je m'en contente largement. Alix est tellement entreprenante qu'elle en vaut dix et Paul si exubérant qu'il en vaut cent. De plus, entre la Fac et mes cours de danse il n'y a plus de place pour personne d'autre.

— Et pas de petit ami en vue ?

— Maman...

J'ai le droit à cette question au moins une fois par semaine.

— Quoi ?! Je suis curieuse, c'est tout.

— Non, personne.

Je l'avoue amèrement en avalant une gorgée de café. C'est clairement un sujet tabou.

— Tant mieux ! lance mon père en émergeant de sa tablette.

— Denis... grogne ma mère.

— Quoi... ma fille est probablement vierge à vingt-et-un ans, je suis le plus heureux des pères !

— Papa ! je crie en rougissant.

— Tu m'aurais épousé si je t'avais fait attendre aussi longtemps? relève ma mère.

— La vraie question est : aurais-tu pu me faire attendre aussi longtemps ? renchérit-il d'une voix langoureuse.

Ma mère rougit à son tour en le défiant du regard.

— Je ne veux pas savoir ! Aussi amusée que dégoutée, je m'empresse de fuir la table en me levant subitement.

— Tu as déjà fini ? demande ma mère.

— Oui, c'était parfait! Merci maman, je vais aller digérer et réviser dans ma chambre.

— Ok ma chérie.

— Et pas de cochonneries le jour de mon anniversaire !

Je l'ordonne, le visage dur et le regard en coin tout en me dirigeant vers les escaliers.

— Trouve-toi un petit copain finalement et laisse-nous tranquilles ! plaisante mon père en serrant ma mère dans ses bras.

Le désavantage à avoir la vingtaine et vivre toujours avec ses parents et de voir ou entendre des choses que l'on ne voudrait pour rien au monde imaginer, surtout quand ils s'aiment un peu trop et ont du mal à se tenir... Me rappelant à quel point ma vie sentimentale est pathétique.

Priceless'GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant