Chapitre 52

1.7K 129 10
                                    


Nos corps pendus l'un a l'autre, chancèlent, bercé par le bruit de l'eau. Les yeux fermés, je lutte contre la marée de question qui me submerge. À quoi bon y répondre si celles-ci vont à l'encontre de ce qui fait battre mon cœur à mille à l'heure? Je préfère de loin perdre la tête.

Je lève les yeux et me noie dans les siens en silence. Puis me laisse envahir par ce délicieux gout de folie qui me déleste de toute sensation de peurs ou de doutes. Je me sens plus heureuse que jamais et pourrais dire oui à tout sous l'effet de ce sentiment.

— Si tu ne veux pas que l'on perde le précieux temps qu'il nous reste, je te suggère de te décider rapidement. À moins que le genou à terre soit une de tes nombreuses exigences romantiques.

— Non pas de genou à terre.

Je refuse catégoriquement, et ricane en l'imaginant à mes pieds... quand il se baisse finalement pour le faire. Les yeux écarquillés, je porte ma main à ma bouche en ravalant l'éclat de rire coincé dans ma gorge. Abasourdie par son geste délirant, invraisemblable. Je le regarde dans sa posture chevaleresque, dans le cadre le plus idyllique sur terre, me tendant un écrin bleu roi dans lequel se trouve une bague en or dont la pierre rose pâle étincèle. Il est un acteur de talent, tellement que je pourrais croire à cette demande qui semble plus vraie que nature, à la frontière du jeu et de la réalité, je n'arrive plus à savoir sur quel pied danser.

— Dis-moi oui...

Il me l'ordonne presque, d'un calme absolu et sans une once d'ironie. Ces mots résonnent dans chaque parcelle de mon être. Je ne ris plus cette fois, éblouie par cette bague merveilleuse, ensorcelée par sa voix et totalement envoutée par ce moment.

— Oui.

Je lui réponds sereinement, avant de mordre ma lèvre inférieure, intimidée par ma propre détermination. Il se relève satisfait comme un humble vainqueur et m'invite d'un signe de la tête à regarder derrière moi. Je l'écoute, tourne la tête, et d'un coup de baguette magique, ou devrai-je dire de carte de crédit, la plage et prête à nous marier selon les traditions polynésiennes.

Il y'a un groupe de musiciens installé à l'ombre des cocotiers accompagnés de danseuses qui ne sont autres que les chipies qui sont venues me chercher. Un buffet est dressé sur le sable et le directeur de l'hôtel est venu en personne pour y participer. Mais ce qui me surprend le plus, c'est de voir Eddy en tong, short et chemise blanche, bras croisés, tenant un appareil photo polaroid à la main.

Un prêtre tahitien nous rejoint sur le ponton pour nous unir. L'homme aux cheveux nacrés exhibe fièrement son torse tatoué et remarquablement musclé pour quelqu'un de son âge. À croire que les Tahitiens sont immortels. Il ne porte qu'un paréo à la taille, ce qui est aussi cocasse qu'un Elvis à Vegas. La cérémonie se déroule sur fond de ukulélé, en tahitien et traduite simultanément en anglais par son assistant. Lui aussi est vêtu d'un tissu blanc similaire, et les fleurs qui ornent sa tête et son cou, n'enlèvent en rien sa virilité débordante. Le discours de l'officiant sur l'amour, les dieux et les forces de la nature est émouvant, poignant. Il finit par nous attribuer des noms polynésiens comme le veut la tradition et nous demande d'entrelacer nos mains les unes sur les autres avant de s'adresser à Adam :

— Ariiheiva, acceptes-tu devant les dieux et les hommes de lier ton âme à cette femme jusqu'à la mort ?

— Oui.

Il répond presque instantanément sans l'ombre d'un doute.

— Et toi, Hina (il s'adresse à moi, l'œil perçant et d'un sérieux irrémédiable), acceptes-tu devant les dieux et les hommes de lier ton âme à cet homme jusqu'à la mort ?

Priceless'GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant