L'enfant des Ténèbres

L'Enfant des Ténèbres - I

Les fumées qui s'échappaient des cheminées recouvertes de suies et engraissées noircissaient le ciel et cacher un soleil timide derrière de lourd nuage gris. Un brouillard s'élevait lentement d'un fleuve sombre qui la traversait.

Dans une ruelle, perdue dans un quartier vieux et oublié, dont les maisons en briquettes noires étaient toutes identiques, vivait un drôle de monsieur. Il s'appelait Archibald Lestrange et pour beaucoup il était un curieux personnage. Certains le disaient fous, d'autres le pensaient juste bizarre et marginal.

Ils étaient bien loin de la vérité.

Archibald était un homme sans âge, un homme qu'on voyait peu et surtout qu'on évitait si possible. Il ne vivait pas seul dans sa petite maison. Il avait en effet un compagnon aussi grognon que lui, aussi paresseux le matin, et surtout très bavard. C'était Oscar, un chat roux et blanc avec une toute petite queue.

Oscar était un chat heureux, appréciant les choses simples de la vie et aimant lire la belle littérature en faisant glisser les pages de vieux grimoires entre les coussinets de ses pattes. Oscar savait en effet lire et chose plus étrange encore : parler. Et tout ça grâce à Archibald Lestrange.
Parce qu'il y avait une chose que Archibald Lestrange était : c'était un sorcier. Il avait été célèbre parmi les siens, tristement célèbre, et depuis une vingtaine d'années, Archibald vivait humblement et loin des autres de son espèce. Il avait toujours été solitaire. Seul Oscar pouvait se vanter d'être son ami.

Le jour où commença cette histoire, Oscar était occupé à regarder par la fenêtre du salon, un gros rat qui fouillait une poubelle. Son ami humain avait disparu la veille, comme ça lui arrivait parfois. Oscar ne s'inquiétait pas vraiment. Archibald revenait toujours et souvent saoul. Et puis, Oscar avait mieux à faire que se préoccuper de son ami qui devait décuver dans une rue un peu plus loin. Il avait un rat à faire fuir. Il détestait ces bêtes là. C'était plein de maladie et ça sentait mauvais.

Oscar renifla de dégoût en voyant ce parasite s'approchait un peu plus de la maison. Il n'allait quand même pas devoir sortir. Il y avait des chats errants dans ce quartier, ils pouvaient très bien s'en occuper. Oscar n'était pas un chasseur dans l'âme. Il préférait la tranquillité et la chaleur de son foyer et les longues discussions philosophiques avec Archibald. Alors quand il vit le rat détalait d'un coup, il soupira rassuré.

Il remarqua alors une silhouette avançait droit sur la maison. Elle était cachée sous une longue cape noire, chose curieuse pour être noté. La silhouette humaine était basse, comme voûtée, portant quelque chose dans ses bras, caché par la cape sombre, invisible dans cette ruelle. Elle s'arrêta devant la porte et déposa quelque chose au pied du panneau de bois, sur les petites marches grises et sales. C'était un panier en osier, comme on en faisait autrefois. Peu de gens savaient encore en faire. La silhouette sembla un instant hésitante, puis Oscar la vit se pencher au dessus du panier. Il vit une chevelure noire  glisser sous la capuche de la cape. Puis la forme glissa quelque chose dans le panier et s'en alla, sans se retourner, le dos voûté et secoué de tremblements. Oscar resta un moment à observer ce curieux colis devant la porte. Et puis, enfin, son vieux compagnon montra son visage pâle, le bout du nez un peu rouge, marchant en zigzaguant, faisant fuir toute vie sur son chemin grâce à l'odeur de vomi sur son vieux costume et surtout avec le parfum d'alcool qui le suivait. Oscar sauta alors du fauteuil qui lui permettait d'observer la rue et surtout espionner les rats et les autres chats stupides. Il s'élança dans l'entrée étroite avec un escalier face à la porte, s'élançant vers l'étage sombre en cette fin de journée. Il l'escalada en courant et arriva dans un minuscule couloir. Il s'étira un instant puis s'approcha d'une porte sur sa droite. Il l'ouvrit d'un coup de patte habile et entra dans une salle de bain.