J'ai attendu de ne plus le voir à l'horizon pour ramasser le petit paquet au sol. Le papier fut râpeux au contact de mes doigts gelés. Il semblerait que le temps soit enfin de saison. Je glisse le petit objet dans la poche de mon pantalon et rentre à l'intérieur pour m'enfermer dans ma chambre. La porte claqua derrière moi avant que je ne m'y laisse glisser. Personne ne viendra me déranger ici, je suis la seule à avoir assez d'estomac et de recul pour pénétrer dans le château.
Les larmes coulent machinalement sur mon visage avant que je ne réalise que j'étais encore en train de pleurer. Moi qui osais dire que je n'avais rien autrefois, aujourd'hui je suis dépourvu du minimum dont je me plaignais l'attachement.
Je croise les bras sur mes genoux pour mieux y poser ma tête fatiguée. Cela ne me réjouit pas, quand cet instant, je me rappelle les mots de Dragan. "Ton visage blafard, qui avait si souvent les traits fatigués". Il a raison, je suis épuisée, que ce soit par le temps qui passe, le travail, ou bien le ménage de massacre, et les insomnies. Je n'ai pas beaucoup eu l'occasion de dormir.
Je renifle en m'essuyant le bout du nez, avant de tirer sur les manches de mon haut pour sécher mes joues. Je hais pleurer, ou bien me morfondre, j'ai l'air si pitoyable dans une position censée être normale pour tout le monde.Jamais, plus quand ce moment, je rêverais de disparaître ou bien d'être muette. Je n'aime pas blesser les gens qui me sont proches. Au final, il est vrai que l'on pourrait penser de moi que je ne suis pas très douée pour me réjouir de se que j'ai. Je sais m'en contenter, certes, mais qu'en est-il de les apprécier? Je laisse ma main aller fouiller le fond de ma poche et sortir le petit cube emballé de papier. J'ai 18 ans aujourd'hui, et pourtant je ne cesse de me comporter comme une enfant qui n'a pas ses meilleurs amis à sa table d'anniversaire. C'est vrai que les miens sont absents, mais je ne sais même pas où ils se trouvent en ce moment. Deanna doit être mourante, quelque part, à agoniser par ma faute. Esteban a complètement disparu, et je crains bien que partir à sa recherche aggraverait les choses. Quand bien même je l'aurai trouvé, qu'est-ce que je lui dirais? Ma jeunesse semble soudain m'avoir glissé entre les doigts. J'ai perdu les douze premières années de ma vie à servir les intérêts d'un établissement immonde, et les six autres à vivre dans l'ombre de mes amis, à me cacher du moindre danger, et à être abusée par un monstre de cruauté. Je me suis préservée à l'encontre des personnes que j'ai perdues et dont je me suis servie comme bouclier. Tout ça parce que j'ai peur. J'ai peur sans me soucier de celle des autres. J'ai peur tellement fort que ça me détruit et me force à espérer que quelqu'un surveillera toujours mes arrières. Mais maintenant, l'angoisse m'attire. Je suis si seule, que je préfère souffrir mes phobies plutôt que de les battre.Je déchire le papier de rage d'une provenance si enfouie en moi, que je ne saurais la nommer. Une boîte faite dans la roche finit par se dévoiler, et lorsque je l'ouvre, une bague fine et faite d'argent roule sur le parquet. Je l'attrape avant qu'elle ne se coince entre deux planches. Je me lève pour mieux l'observer à la lumière de la simple petite lucarne qui me sert de fenêtre. L'éclat d'un bleu magnifique manque de m'éblouir quand je me rends compte qu'un saphir orne l'anneau. Un vrai saphir, comme ceux de la Cour... Il a dû dépenser une fortune! Mais...ce cadeau, cette bague, ne devrait pas être aussi onéreuse sauf si... Ce bijou a tout d'une bague de fiançailles ! Soudain, un coup de vent fit voler un morceau de papier qui était plié dans la boîte aux côtés de la bague.
"À l'amour de ma vie"
Oh mon dieu... Esteban! J'ai tout gâché! Il...comptait me demander en mariage... Et j'ai une nouvelle fois laisser passer ma chance. Il ne voudra sûrement plus me parler après que j'ai abandonné notre meilleure amie. Les cartes du tarot de Gaya la sorcière m'avaient prédit une vie faite d'amour passionnée, alors que je me retrouve à avoir gâché ma propre demande en mariage. Je vais finir ma vie en tant que vieille fille de cuisine et j'aurai la réputation d'une idiote.
Je sers si fort la bague dans mes mains que son motif apparaît sur ma peau. Je tente de la passer à mon doigt, mais elle ne glisse pas, elle est trop serrée pour moi. Alors je prends un fil de cuir et fait passer l'anneau autour avant de faire un nud et de me le mettre au cou. Je l'embrasse en promettant de le chérir plus que ma propre vie, avant que les bras de Morphée ne viennent m'emporter.
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Carpe Diem
FantasyDans le monde miroir de Dubhorror, la royauté divise les populations, les individus sont voués à eux-mêmes, et certains sont accusés à tort. Addison, une jeune fille travaillant au Berceau des Lumières, envie l'existence de ceux que l'ont nomment le...