§ Chapitre dix-neuf §

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- Il va falloir que tu m'expliques de qu'elle façon tu connais le prince exilé. Répéta pour la énième fois Daniel, tandis que nous marchons à pas rapides en direction des cuisines.

- J'ai grandi avec lui. Rétorquai-je sans m'arrêter de marcher.

- Comment ça? Tu veux dire que...tu viens du Berceau de la Chaire toi aussi? Me questionna-t-il.

Je n'avais pas envie d'être une nouvelle fois prise en pitié de part l'endroit d'où je venais. Je ne fis qu'un vague signe de tête en guise de réponse, avant d'ouvrir la porte sur l'escalier de service. Les ombres de mes amis dansaient sur le sol, et des chuchotements méfiants les accompagnaient. On fut accueilli par une millième de questions de leur part, auxquelles on répondit dans la plus mince précision des faits.

- Il y a eu un bruit épouvantable à l'étage. Vous êtes sûrs de n'avoir rien vu? Nous suspecta Lola en appuyant sur chacun de ses mots.

- Il faisait trop sombre. S'il y avait quelque chose ou quelqu'un, il est parti. Rétorqua Daniel en me regardant du coin de l'oeil.

J'articulais un merci à son intention. Je ne pourrais jamais lui être plus reconnaissante qu'en cet instant. Il a tout simplement compris que parler de ce que nous avions vu pousserait les autres à poser d'avantage de questions désagréables, auxquelles je ne voudrais pas répondre. J'apprécie vraiment les gens comme ça, qui savent quoi faire et quand. Ils sont rassurants, réconfortants, et facile à vivre et à comprendre. Alors oui, je l'en remercie, parce que être une bonne personne, ce n'est pas facile tous les jours. Je profite que les autres se soient tous découverts une petite faim commune pour retourner dans ma chambre. Je veux, ou plutôt j'ai besoin, d'écrire quelques lignes dans mon journal. Je glisse ma main dans le creux laissé entre ma commode et le mur pour en sortir mon petit carnet à la couverture faite de feuilles mortes que j'avais fabriquée lorsque j'étais encore au Berceau de la Chaire. Dans cette partie de l'île, l'automne est l'unique saison. Le matin, les arbres sont garnis de feuilles bien vertes et en grand nombre, puis, au fil de la journée, les feuilles meurent, changent de couleur, tombent, et laissent les arbres verts de la matinée nus pour endurer la froidure de la nuit.

Le problème du Berceau de la Chaire, c'est que la saison gère la végétation comme les gens de là-bas prennent soins des leurs. Quelque part, malgré tout ce que je pouvais reprocher aux Gardiennes, elles semblaient toujours plus se soucier du monde que la plupart des habitants coincés dans ce bourg. Les personnes qui commencent leur vie là-bas l'y terminent, parce que jamais aucun habitant n'aura suffisamment d'argent ou de chance pour s'en aller. Mais moi j'ai eu ma chance. Pourquoi le destin, ou tout simplement le hasard, m'a choisi moi, plutôt qu'une autre pour être sauvée? Il m'arrive quelque fois de penser que je ne méritais pas cette chance, cette occasion que Marguarette, Khléa, Ophélia, ou encore Olivia, aurait tant plus mérité que moi. Mais c'est moi, j'ai été choisie, peut-être en valais-je la peine finalement? Ou pas. La balle est de nouveau dans le camp du destin pendant que mon nombre de cartes diminue jour après jour.

Il faut vraiment que j'écrive dans ce fichu journal. Mais où il est?! Mes doigts ne touchent que ce foutu mur ou bien le dos de cette satanée commode! Je vérifie si je ne l'aurais pas mis sous mon oreiller mais rien. J'ai perdu mon journal!

- Où est-ce qu'il peut être? Marmonnais-je en fouillant chaque recoin de la pièce.

Je fus surprise en entendant frapper à ma porte. Je sursautais avant de demander qui ce trouvait derrière.

- C'est moi Addi... Daniel.

- Oui je sais qui tu es, je t'ai reconnu tu sais.

- Tu veux bien m'ouvrir?

Carpe DiemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant