§ Chapitre six §

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La vapeur me souffle au visage pendant que je verse le thé dans les deux petites tasses en face de moi. Je tente de dissimuler ma gêne et mon angoisse, mais mes mains ne cessent de trembler. L'odeur du thé me chatouille les narines et me calme un peu seulement.

- Tu ne la réprimandes pas? Fit-il, de sa voix roque.

- Addison? Non! Elle ne fait jamais...presque jamais de faux pas.

- Addison hein? Il m'examina un long moment, sans jamais regarder de nouveau sa fille.

Par pitié faite qu'il regarde ailleurs. Je vous en prie... Sa présence suffit à mon mal être, pourquoi faut-il qu'en plus il me scrute?! Je repose la théière à sa place, et me dirige vers la porte. Plus que quelques pas, et tu seras sauve. Plus que quelques pas, entre toi, et cette délivrance.

- Addison? Addison Clark-Lee ? Est-ce là ton nom jeune fille? Demanda-t-il dans mon dos.

Mes yeux firent la navette entre Xanford et Deanna Browndeck, une boule dans ma gorge commença à se former.

- Oui monsieur... Dis-je, la voix mal assurée, la sueur au front, et les mains moites.

- Tu ne me salues pas?! S'écria-t-il.

- Si! Bien sûr monsieur. Répondis-je en faisant une révérence.

- Approche.

J'hésitais. Je ne voulais pour rien au monde approcher cet homme, et encore moins lui devoir le respect. Je m'avançai, les doigts entortillés dans le dos, les dents serrées, et le coeur tambourinant de plus en plus fort dans ma poitrine, avant de manquer un battement lorsqu'il me saisit le bras. Les larmes revinrent, mais il était hors de question que ce monstre voie à quel point je le craignais.

- Tu as la chair toujours aussi douce... Chuchota-t-il à mon oreille avant de me tirer plus près de lui encore.

J'étais à présent agenouillée sur le côté du fauteuil sur lequel il était assis. J'avais l'air si misérable et soumise; rabaissée au rang de lèche bottes. Bientôt il me faudrait lui baiser les pieds et les mains, tout en le suppliant de me laisser partir. Je ne veux pas qu'il me touche, je ne le laisserais pas faire! Je ne me laisserais pas faire. Me voilà à calculer mes chances de m'en sortir si je me débattais. Si je ne le laissais pas obtenir ce qui, contre mon gré, lui a toujours appartenu jusque là. Mon corps. Néanmoins, je peux me vanter qu'il n'ait jamais eu mon âme, ni mon coeur. Il m'a souillée extérieurement, mais ma carapace intérieure est plus épaisse qu'il ne le pense.

- Père... Laissez la se relever. Hésita Deanna, assise bien tranquillement, à regarder la scène qui ce déroulait devant ses yeux.

- Elle mérite d'être corrigée pour son retard! S'emporta-t-il soudain.

Je ravalais mes larmes et levais les yeux sur lui. Il me toisa, cette lueur de cruauté toujours plantée au même endroit de son iris noire corbeau. Il voulait me faire mal. Ne pense t-il pas en avoir fait suffisamment ? Ne pense t-il pas m'avoir trop souvent blessée? Meurtrie? Mon visage ce ferma à contre coeur. Mes sourcils se fronçèrent, mes lèvres se fendirent, et mes yeux se plissèrent, rendant presque flou ce visage tremblant de rage. Je fais cela, pour la petite fille que j'étais la première fois.
Sans cri égard, il envoya valser les tasses fumantes de thé dans le murs et me tira par les bras avant de me balancer sur la petite table basse. Mes yeux se tournèrent alors vers Deanna Browndeck, mais j'eus beau la chercher, elle avait disparu. Elle s'était éclipsée. Là, je ne pus retenir mes larmes.

- Ma fille est très gentille avec son petit papa... Rigola-t-il en se penchant sur moi.

Je me sentais partir dans ce trou noir et profond de l'ignorance. Là où ma conscience se rend lorsque je ne veux avoir aucun souvenir d'un moment passé. J'étais vide d'énergie et la peur m'avait quittée pour un sentiment de trahison encore plus amer. J'étais paralysée par cette situation, que j'avais malheureusement vécue tant de fois auparavant. Sauf que, à chaque fois, elle était là. Elle se battait pour moi. Affrontait son père et les coups à ma place. Avant, Deanna était là pour moi...

- Ça fait si longtemps que je n'ai pas été en toi ma petite Addi... Continua-t-il en soulevant mes bas.

- Lâche la!!! Hurla une voix, tandis qu'une lame menaça la gorge de Xanford.

Il recula en douceur, ses mains quittant mon corps et le tissu qui m'habillait. Les larmes roulaient solitairement sur mes joues, et les sanglots me secouaient. Je ne sais pas si c'est Deanna qui est revenue. Je ne sais pas si c'est un garde aux moeurs élevées qui s'est interposé. Je ne sais même pas, si cela est la réalité, ou bien l'un de mes cauchemars. Les paroles échangées entre les deux autres personnes dans la pièce, sont inaudibles à mon oreille. Je n'entends que mes pleurs et ma détresse en cet instant, parce que plus rien ne m'importe.

- Addi...Addi... Fait la voix de Deanna. Mon cauchemar ce serait-il transformé en rêve?

- Deanna... C'était la première fois depuis deux ans que je ne l'avais pas appelé par son nom.

- Oui, oui! Je suis là! Oh pardonne moi...je t'en supplie... Sanglota-t-elle.

- Pourquoi tu pleures...? Avais-je demandé.

- Parce que je suis une personne horrible !

- Tu n'es pas une personne horrible. Tu es quelqu'un de bien, à qui il est arrivé de mauvaises choses. Soupirais-je, à moitié dans les pommes.

Elle ne répondit rien durant plusieurs minutes, préférant pleurer à chaudes larmes sur ma main, qu'elle serra contre sa joue.

- Pardon... Pourquoi faut-il que tout ait autant changé...

- Parce que...certaines choses ne sont pas faites pour durer... Répondis-je inconsciemment avant de me laisser aller à la fatigue.

- Je ne te laisserai plus. Je ne ferai plus jamais la même erreur... Et je vais te prouver que je mérite une seconde chance, tout comme notre amitié.

Carpe DiemOù les histoires vivent. Découvrez maintenant