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          ***Kathina***

Je n’en peux vraiment plus d’avoir Alain tous les jours à la maison. Je n’en peux vraiment plus de jouer la boniche.

-mais quelle idée de te marier si jeune aussi meuf ? me demande Iris mon amie.

-ne m’en parle même pas.

-écoute cherche à avoir ce bac et va à l’étranger.

-meuf j’ai abandonné l’école en cinquième, depuis Alain me fait passer en classe supérieure. L’année dernière ma tante est juste allée prendre mon bulletin trop tôt sinon le manège allait tranquillement continuer. On a acheter les épreuves du BEPC mais je l’ai eu de justesse. Là tu me parles du bac.

-genre tous ceux qui l’ont eu sont tous intelligents ? Les épreuves tu les auras à temps il suffit de les bûcher, pas besoin de comprendre quoi que ce soit. Tu peux l’avoir meuf.

-et après j’irai où ? Est-ce qu’il va accepter ?

-tu lui dis que tu veux aller pour un bain linguistique genre une année. Moi mon chéri va m’envoyer au Maroc.

-je vais aller en bain linguistique où ? Sûrement pas au Maroc.

-bah donc allons en Afrique du Sud. Moi je demande juste et il exécute.

-je vais lui en parler dès ce soir. Allons d’abord nous inscrire à auto école.

-c’est toi que j’attendais.

On va s’inscrire dans une auto-école en ville vraiment huppée. Ici l’objectif est vraiment d’apprendre à conduire sinon le chéri d’iris se charge de nous avoir le permis. Puis, au lieu de retourner à l’école, je l’accompagne faire ses ongles.

-meuf tu casses ton coffre quand ? Tu n’es plus chez ta tante qui surveille tout.

-je voulais le faire pour mon anniversaire mais après je ne sais pas, je me suis sentie nostalgique.

-sur les deux cent mille qu’Alain te donnait, tu épargnais cent cinquante. Multiplié par douze puis par quatre.

-non la première année c’est seulement cinq mois.

-plus l’argent des pointeurs et les petits billets que tu mettais. Meuf tu dors avec l’argent comme ça.

-merci à ma tante alors. Si elle ne surveillait pas, j’aurai tout dépensé.

-clair ! Non mais sérieux casse le coffre.

-bientôt.

-ou attend qu’on parte, tu vas nous mettre en haut.

-s’il accepte que je parte.

-meuf, tu as la chance d’avoir un mec qu’on peut faire plier avec le sexe. Nous autres là on doit réfléchir, mettre en place des stratégies etc. Il va accepter.

On se balade toute la journée et je rentre à la maison. Passer à la cuisine alors que tu sors des cours, c’est franchement pénible. Mais ça fait déjà deux jours qu’il mange dehors, si en rentrant il ne trouve pas à manger sur la table je n’imagine pas le bruit. Il m’étouffe, je regrette le temps où j’étais sa maîtresse.

Je déteste surtout à devoir supporter ses humeurs. Ça seulement ça peut me tuer. Et ce soir il est dans ses mauvais jours. Je prends mes cahiers et feint d’étudier dans la deuxième chambre. Quand il me voit étudier, il me fiche la paix. Et heureusement le lendemain il m’informe qu’il part de l’autre côté. Alléluia !

Du coup ce soir c’est la fête. J’appelle Iris et on sort. Pas mal de personnes essaient de m’approcher mais si tu n’as pas l’argent passe ta route. Comme je suis trop bourrée, je passe la nuit chez Iris.

Toute la semaine je redécouvre les joies d’être jeune et insouciante. Je sors, je rencontre du monde, je mange mal. Bref je vie ma belle vie. Et c’est ce qui m’a confortée dans mon choix de partir. Au moins pour une année, je dois partir. Je veux vivre. Le mariage n’est pas pour moi. Pas maintenant en tout cas.

          ***Sergie***

Je rentre d’un séjour en forêt avec ma sœur et des amies. Les filles sont restées un week-end seulement mais moi j’y suis restée cinq jours. J’avais besoin de m’aérer l’esprit.

Je suis revenue avec la résolution de ranger ma vie. Toute mon existence je l’ai construite autour de mon mari et mes enfants. Mon mari est parti et mes enfants partent un à un. Maintenant je prends du temps pour moi. A commencer par faire du sport. J’ai pris un abonnement en salle ainsi qu’un coach.

Aujourd’hui on tape. J’enfile mes gants et me défoule sur le sac. Oh que ça fait du bien. J’ai surtout hâte de voir les résultats.

-très bien Sergie. m'encourage le coach. On se voit mercredi.

-je ne sens plus mes jambes.

-ce n’est que la première séance, vous finirez par vous habituer.

Je prends ma douche sur place car je dois prendre le taxi pour rentrer. Quand j’arrive à la maison, Vanessa a fait à manger. Nous sommes quatre dans cette maison, ça ne sera plus exclusivement à moi de faire à manger. Même Frédéric le dernier de douze ans y passe. Je l’ai dit, je prends maintenant du temps pour moi.

-Vane tu m’as acheté la glace ?

-oui. Il ne faut pas mourir ici oh ! elle se moque.

N’ayant pas de baignoire, c’est dans une grande bassine que je plonge. Le coach n’a vraiment pas été tendre avec moi.

Vêtue d’un simple serviette, j’appelle ma sœur assise sur le lit. Je lui raconte ma première journée à la salle et comment tout le corps me fait mal.

-et demain je dois marcher une heure.

-tu es motivée dis donc.

-très. Et ensuite je vais demander le divorce.

-tu es sûre ?

-oui Sergina. Je réfléchis, je cherche, mais je ne trouve pas la raison. Ce que j’ai fait pour mériter ça. Et lui non plus n’est pas capable de me donner une seule raison.

-je te sais impulsive, j’espère que ce n’est pas la colère.

-la colère est passée pour laisser place à la déception.

-je te soutiendrai quoi que tu fasses à condition que tu réfléchisses mûrement à la question.

-merci sœurette.

On rigole, raconte jusqu’à ce que la porte de ma chambre s’ouvre et qu’Alain entre dans la pièce. Je poursuis ma conversation téléphonique. Je suppose qu’après un mois, il est venu récupérer des vêtements.

-bonsoir.

-bonsoir Alain.

Je vais dans le placard prendre une robe. Le corps me fait toujours mal, surtout les cuisses.

-c’est comment ? Tu as mal quelque part ?

-non c’est rien. Tu as besoin de quelque chose ?

-comme quoi ? Ce n’est plus ma maison ici ?

-ah ok !

J’enfile ma robe au dessus de la serviette et quand je suis couverte, je fais glisser la serviette. Je sors regarder ce qu’il y a de bon pour mon nouveau régime. Si le coach pense vraiment que je vais manger son muesli, c’est qu’il est fou.

Oh oh ! J’ai parlé trop tôt. Vanessa a fait du poulet à la pâte d’arachide.  La poule dure oui, mais le poulet. Finalement je me contente du muesli.

Les enfants sont en ligne avec leur grand frère en appel vidéo. Je m’inclue dans leur conversation et on rigole pendant plus de deux heures.

-qui veut se faire corriger avant d’aller dormir ? demande Frédéric Ludo en main.

-je ne joue pas avec les tricheurs. Vanessa déclare forfait.

-je dois aller bosser. ajoute Aline.

-je vois que je vous effraie. Et toi maman ?

-on mise combien ? je le défie.

-cinq cent. il répond confiant et sur de lui.

-très bien.

Au début de la partie ce petit insolent me bouffe tous mes pions. Sept pions sur huit en prison et les six défilent de son côté. Mais un grand reste un grand. La remontada n’était pas de son âge. Il perd avec cinq pions en prison. Ses sœurs ne cessent de le chambrer et m’encourager car quand c’est Frédéric qui mène la partie, tu peux même avoir des envies de suicide.

-mon argent Monsieur.

-demain.

Je passe toute la soirée avec mes enfants, c’est en retournant dans la chambre que je me souviens de la présence de l’autre. Je me couche près de lui sans un mot.

Quand mon réveil sonne à 5h du matin, je me motive comme je peux pour quitter le lit. J’enfile ma tenue de sport et vais me brosser les dents.  Dans la douche, devant le miroir, je me demande si finalement c’est une bonne idée. C’est un quartier calme mais s’il y a un bangado (bandit) qui traine à cette heure ou rentre du travail ?

Arrière de moi satan ! Esprit de découragement tu te tais ! Je remonte ma capuche et c’est parti en avant. Avec mon casque aux oreilles, j’avance motivée. Je ne cours pas, je marche. Un pas après l’autre, motivée comme jamais. En plus mon ensemble m’aide à transpirer plus rapidement.

Quand je rentre je suis simplement hors circuit. Incapable de bouger, même aller me doucher je n’en trouve pas la force. J’ai mal partout. Je m’écroule sur le lit et m’endors. 

A mon réveil les enfants sont déjà partis. Ils ne m’ont même pas dit au revoir, ou peut-être qu’ils ont essayé mais que j’étais trop claquée pour entendre.

-bonjour Sergie. Je t’ai préparé le petit-déjeuner, j’aimerais qu’on le prenne ensemble.

-j’arrive.

Je me douche d’abord, une robe simple juste pour aller manger. Il nous a sorti la totale : œufs, bacon, saucisses, haricots, pain toasté, un vrai petit-déjeuner à l'anglaise.

-bon appétit chérie.

-merci.

-tu pars à quelle heure au travail ? Je te dépose ?

-je prends mon service à 9h.

-il est déjà 8h et je suis déjà en retard.

-ça ne me dérange pas de prendre le taxi.

-non je vais te déposer.

Je m’habille et me maquille. L’affaire du sport la vraiment. Et dire que demain je vois le coach. Le corps me fait mal.

Alain me dépose à l’hôpital et m’informe qu’il viendra me chercher. Je ne dis absolument rien. Je vais chercher mon argent toute la journée jusqu’à 18h. Je ne descends que lorsqu’Alain me signale qu’il est garé devant l’hôpital.

On ne va pas à la maison directement, il m’invite manger un poisson braisé. J’ai envie de reprendre mes mauvaises habitudes en commandant du riz et  de la banane frite plus une boisson gazeuse mais non. Je prends juste une petite portion de riz et de l’eau pour accompagner mon poisson.

-tu aimes chérie ?

-ça va. Le poisson est frais.

-bon appétit mon amour.

-tu joues à quoi ?

-doucement Sergie toi aussi. Tu te fâches trop vite. On est bien là non ?

Je me tais et mange mon poisson.

-je vois que tu as commencé le sport.

On parle de mes nouvelles activités. Jusqu’à la fin du repas puis il se racle la gorge.

-j’ai préféré m’éloigner un peu parce que tu étais vraiment en colère. Je n’avais jamais vu cet aspect de toi et j’ai pris peur.

-…

-je t’aime Sergie. Tu es la mère de mes enfants, ma partenaire depuis plus de vingt ans. Tu penses que quelqu’un peut se mettre entre nous ?

-une gamine de seize ans.

-est-ce que Kathina enlève l’amour que j’ai pour toi ? Est-ce que j’ai demandé le divorce ou est-ce que je suis parti de la maison ? Je suis là non ?

-…

-tu restes ma femme, la personne qui était avec moi quand je n’avais rien. Tu penses que je vais t’abandonner ? Abandonner tout ce qu’on a construit comme ça ?

J’écoute son baratin d’une oreille. Tout son bla-bla ne m’intéresse pas. La panse bien pleine, on rentre à la maison et là il m’invite en boîte de nuit. Un mardi. Alors que je prends mon service demain à 9h.

-laisse-toi vivre Sergie.

L’idée finit par me séduire. Ça faisait longtemps que je n’étais pas allée danser. Je me suis amusée comme  je ne l’avais pas fait depuis un bon bout de temps. En rentrant je me suis donnée à mon mari. Ce soir j’ai dû à contrecœur reconnaître que j’avais effectivement une part de responsabilité dans la crise que nous traversons. Je pensais être une femme parfaite mais il faut reconnaître qu’au lit je suis moyenne. Je peux aisément voir qu’il est plus épanoui dans son lit que dans le mien.

Ça fait mal mais que faire ? Je ne peux pas être parfaite sur tous les plans. Je n’ai plus le corps ou la force de lui faire ces choses qu’elle lui fait. Et puis c’est une forme de respect de ne pas me demander des choses salaces.

Ceci booste mon égo. De savoir qu’à part le sexe, elle ne peut rien lui apporter. Qu’elle n’a rien de plus que moi. Moi je suis une femme, une vraie. Cette jeunesse qu’il suit finira inévitablement par s’en aller et là on verra qui est qui.

Alors qu’il aille. Qu’il aille lui demander des choses diabolique qu’ils peuvent faire ensemble. Quand il aura besoin d’une femme, il se tournera toujours vers moi.
.
-donc tu ne vas plus demander le divorce ? Sergina me demande au téléphone.

-non.

-tu as bien réfléchi ? Tu ne reviendras pas sur ta décision ?

-non.

-ok ! Comme je l’ai dit, je te soutiens quoi que tu décides du moment que ça soit une décision mûrement réfléchie.

-merci encore sœurette.

KathinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant