Liverport

10 | D'où l'on vient

Avec le retour de Raphaël, l'atmosphère s'était détendue. Les garçons avaient réinvesti l'espace et les clients et, si le club n'était pas vraiment rempli ce soir, les personnes présentes étaient néanmoins satisfaites.

— Vous venez demain ? Demanda Agate à une table, autour de deux heures du matin.

Les hommes se concertèrent.

— Y a quoi demain ?

— On organise un petit concert avec quelques musiciens du coin. Ça pourrait être sympa.

Il leur sourit.

— Amenez des gens si vous voulez... Les concerts, c'est pas que pour les gays, plaisanta-t-il.

Après la soirée, les garçons rangèrent et rejoignirent leur chambre. Raphaël dormait depuis déjà un bon moment.

Le salon avait vu s'installer sur sa scène enceintes et matériel électronique. Les garçons s'étaient réunis sur les banquettes et observaient tout en discutant. Les musiciens posèrent leurs instruments et sortirent une fois de plus pour fumer.

Raphaël était descendu deux bonnes heures après les autres. Il sortait de la douche quand il arriva à côté de l'estrade. Il pivota la tête pour voir la marque de la guitare.

— Tu viens ? L'incita Dany en tapotant la place à côté de lui.

Calista s'arrêta près de Raphaël et lui attrapa le visage entre ses doigts. Il ne bougea pas.

— Tu sembles éteint.

— Je viens de passer trois nuits, ligoté dans une cave, à crever de froid et de soif.

— Remets-toi dès maintenant. Tu ne peux pas te permettre de broyer du noir. Ça vaut pour tous les autres.

Elle monta l'escalier deux à deux jusqu'au bureau. Raphaël soupira et se laissa tomber à côté de Dany. Un blanc s'était installé.

— Faut le dire si je vous dérange.

— Pas du tout, répondit Yvan. Tu es au courant pour le concert ?

Raphaël jeta un nouveau coup d'œil à la scène.

— Maintenant oui. C'est vous qui jouez ?

Yvan sourit.

— Non. Les musiciens sont dehors. Personne ne sait jouer de quoi que ce soit ici.

— Ce n'est pas vrai, intervint Aaron. Je fais du clavier électronique. Je m'étais lancé là-dedans quand j'ai commencé à sécher les cours.

— Je n'aurais pas cru ça de toi, dit Raphaël.

— L'école m'ennuyait. J'ai fini par faire semblant d'aller en cours le matin et je revenais chez moi dès que mes parents étaient partis travailler. Je finissais ma nuit jusqu'à midi et ensuite je repartais. C'est à cette époque que j'ai commencé à m'intéresser à la mécanique...

Aaron parut triste.

— Et alors ?

— Alors j'ai fini ici.

— Je vois pas le rapport.

— Pour m'amuser, je crochetais des serrures et je volais des voitures. Je les refilais à un gars qui vendait les pièces. J'ai été surpris par un policier. Il a été assez brutal... Il m'a dit que j'allais faire de la prison. J'ai paniqué. Il m'a proposé un deal. Il m'a dit qu'une connaissance à lui cherchait quelqu'un dans mon genre pour un boulot. Et on ferait comme s'il ne s'était rien passé...

Raphaël hocha lentement la tête.

— Quel enfoiré...

Aaron se secoua légèrement.