La publicité pour la soirée avait été admirablement menée par Agate et Yvan, mais jamais ils n'auraient jamais cru qu'ils manqueraient de sièges.
— On ira un peu plus vite dans les chambres, ils se les prêteront, plaisanta Yvan en adressant un clin d'œil complice à Agate.
— Ouais, ils vont pas nous faire chier. Quand c'est nous qui ne pouvons plus nous asseoir, ils disent rien ! Enchérit-il avec la même légèreté que son colocataire.
— Ils peuvent s'asseoir les uns sur les autres. Ça ne devrait déranger personne...
Agate rit. Dorian s'arrêta près d'eux et observa la salle par-dessus la rambarde.
— Putain, vous avez rameté toute l'île ou quoi ?
— On va partir du principe que certains ne sont là que pour le concert, que d'autres n'ont pas envie et que les derniers sont hétéros.
Dorian jeta un coup d'œil à l'horloge. Il ouvrit le haut de sa chemise et s'inspecta une dernière fois avant de descendre. Agate et Yvan l'imitèrent.
Raphaël s'était assis par terre dans le couloir, caché derrière les barreaux en bois comme l'avaient si souvent fait Louka et Calista avant lui. Son corps le faisait encore souffrir, mais le pire était passé. Il n'était plus nauséeux et se sentait récupérer une certaine stabilité psychique.
Les musiciens montèrent en scène. Ils étaient connus sur l'île et s'étaient fait une petite réputation dans des clubs en Floride. Ils captèrent l'attention immédiatement. Les garçons furent soulagés, leur rythme ne changea pas malgré le nombre de clients. Une bonne partie des nouveaux étaient là uniquement pour le groupe ou pour passer un moment entre amis.
Tout autour du carré et ses longs rideaux rouges ouverts, une dizaine d'hommes en costume se déplaçaient et discutaient entre eux. Raphaël les étudia tous scrupuleusement. Il passa de l'un à l'autre et remonta jusqu'à celui qui lançait de fréquents coups d'œil vers la porte du bureau. Intrigué, Raphaël resta accroupi pour se glisser jusqu'à l'autre escalier. Il se colla au mur, assez proche de la porte entrouverte. Malgré la musique, il réussit à percevoir la voix de Louka.
— Je ne vais pas m'encombrer d'un mec qui n'obéit pas et cherche les problèmes avec les autres.
— Oh oui, tu as raison...
Raphaël reconnut la voix de Lino. Il resta figé, la tête penchée vers le bureau tout en continuant d'observer le déroulé de la soirée en contrebas.
— Je peux toujours l'enfermer dans une valise et le jeter dans l'océan.
— Oui... Avec du verre pilé et un minuscule trou pour que l'eau s'infiltre très lentement...
Louka eut un rire bref.
— Mais dis-moi, un corps rentre dans une valise aussi facilement ? S'il est vivant, il ne se laissera pas faire...
— Aquilino, tu me déçois... On lui brisera les articulations.
— Suis-je bête... Et on laisse la clé du cadenas de la valise autour de son cou.
— Torture psychologique, j'aime.
— Je suis bon dans ce domaine...
Raphaël, horrifié, se releva. Il traversa le couloir et s'arrêta dans le petit escalier qui menait à la chambre, dans l'obscurité. Il inspira profondément et ferma les yeux en vidant ses poumons lentement. Il répéta le processus jusqu'à ce que ses nerfs se calment.
En fin de soirée, les clients commençaient à déserter, les musiciens avaient décollé depuis un moment. Calista jeta un œil à la salle depuis le balcon. Agate arrivait à remettre les choses en ordre entre deux passes. Ce n'était pas le cas de tout le monde et le rangement était loin d'être terminé – ni même commencé. Dorian s'arrêta près d'elle.
— Tu veux me voir ce soir ? Demanda-t-il en mettant de côté sa fatigue.
— Rejoins-moi quand tu as fini, répondit-elle sans le regarder avant de s'éclipser dans son appartement.
Depuis quelques mois, Dorian avait trouvé refuge dans les bras de Calista. C'était une consolation qu'il chérissait au point d'y mettre parfois un peu trop de cœur et de sentiments. Elle lui permettait, l'espace d'un instant, de se réapproprier son corps et le peu de pouvoir qu'il lui restait.
Si elle y avait d'abord trouvé un vrai plaisir, ça ne ressemblait plus qu'à un bête passe-temps.
Calista occupait l'appartement de droite, au premier étage, au-dessus de la cuisine des garçons. C'était un petit trois pièces dans lequel ils avaient vécu, sa mère, son frère et elle. Depuis la mort de leur père, Louka s'était exilé dans l'appartement accolé au bureau qui lui avait appartenu.
Elle prit place sur le canapé et sa main se posa sur l'épaule de Dorian. Elle la laissa glisser le long de son torse tout en maintenant le contact visuel. Dorian avait des yeux bleu nuit dans lesquels elle appréciait se plonger. Il passa son bras autour d'elle pour la rapprocher de lui. Il avait appris ce qu'elle aimait et ce qu'il n'avait pas le droit de faire, mais parfois, comme maintenant, elle laissait passer une exception. Un sourire se peint sur ses lèvres et elle vint les lui mordre pour le rappeler à l'ordre. Il émit un petit bruit d'aspiration et son expression se fit boudeuse. Satisfaite, Calista s'attaqua à nouveau à sa bouche, cette fois pour l'embrasser. Sa langue franchit la barrière de ses dents pour rencontrer la sienne. Il passa la main dans ses cheveux, le long de sa nuque et la glissa sous son haut. D'un regard, il lui demanda la permission de poursuivre qu'elle lui accorda en levant les bras pour l'aider à la déshabiller. Elle prit la relève pour enlever le reste et il la laissa se charger de lui. Elle se pencha ensuite et ramena ses cheveux sur le côté pour le prendre dans sa bouche. La tête du jeune homme bascula en arrière par-dessus le dossier du fauteuil. Il soupira, les yeux clos, au contact de cette douce caresse. Avant que la sensation ne soit trop intense, elle le relâcha et planta ses dents sur l'intérieur de sa cuisse, y laissant la trace violette d'un suçon très désagréable. Il grimaça. Elle remonta vers lui et passa une jambe de chaque côté des siennes pour le chevaucher.
— Attends-moi pour jouir.
Il hocha la tête, le souffle déjà court d'excitation.
Elle laissa son esprit vagabonder et l'image de Raphaël s'imprima derrière ses paupières. Elle le revit se déshabiller et ressentit à nouveau ce tressaillement intérieur de désir et de tristesse. Elle repensa à Vincent, dont le visage s'était peu à peu effacé et son cœur se serra.
Elle coucha avec Dorian en pensant à lui.
Elle resta allongée contre lui, plusieurs minutes après l'avoir laissé jouir, en fixant le plafond.
— C'était bien, dit-elle.
Sa voix sonna glaciale. Elle se leva et disparut dans la salle de bain, signe pour Dorian que la partie était finie.
Quand il entra dans le dortoir, les autres étaient couchés ou sur le point de le faire.
— Une bonne soirée ? Demanda Yvan en lui souriant.
— Ouais, t'as pas eu l'air trop débordé, lança Raphaël.
— De quoi tu parles, fils de pute ?!
Dorian rougit de colère. Agate soupira.
— Vous allez nous faire le même sketch tous les soirs ?
— C'est le gars qui bosse même pas qui ouvre le plus sa gueule !
— ÇA SUFFIT ! Cria Agate.
Il n'était pas du genre à lever le ton et la surprise fut telle que Dorian arrêta même de respirer.
— Dans quel état tu étais quand tu es arrivé, hein ? Tu pleurais toutes les nuits ! Ça a duré trois mois ! On passait notre vie à te remplacer quand on se doutait que tu allais mal le vivre. Ça fait pas deux semaines que Raphaël est là et il s'est mieux intégré que toi en trois mois !
Collin dissimula son sourire derrière ses draps. Ils avaient tous pris le relais à sa place à un moment ou un autre et il n'avait jamais rendu la pareille en un an.
Dorian avait à la fois trop de fierté pour l'admettre et trop de respect pour Agate, alors en compromis, il lança un regard noir à Raphaël et se coucha silencieusement.
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Liverport
AzioneEnrôlé de force dans une maison close, Raphaël est confronté à Lino, le mafieux captivant qui règne sur la ville de Liverport, île connue pour sa festivité et sa lascivité. Deux ans après la disparition de son père, Lino se trouve contraint de pren...