33 | Mesquin

38 5 0
                                    

Lino eut un mouvement de recul.

­— Il a reçu quoi ?

— Cha langue, répondit Calista la bouche pleine.

Le jeune mafieux regarda autour de lui. Les tables du restaurant étaient suffisamment espacées les unes des autres, mais il s'assura que leur conversation reste privée en baissant le ton et en se penchant un peu plus par-dessus la table.

— Est-ce qu'on est sûr que c'est celle d'Astrid ?

Calista hocha la tête et se rinça la bouche avec le fond de son verre de vin. Lino l'observa s'essuyer avec sa serviette et nota son indifférence devant la situation.

— Je sais que tu ne l'aimais pas et que ça te fait ni chaud ni froid, mais cette langue aurait pu être la tienne.

Cette fois, il capta son attention.

— C'était totalement dirigé contre lui, poursuivit-il.

— Je ne suis pas inquiète. Je sais me défendre.

Lino souffla du nez et ses sourcils se froncèrent. Son léger pincement arracha un sourire à Calista. Elle haussa les épaules.

— Il va s'en remettre, dit-elle. Il ne l'aimait pas vraiment.

Les yeux du jeune homme roulèrent dans ses orbites et il soupira.

— Ce n'est pas le genre de cadeau qu'on aime recevoir. Un morceau de sa copine...

Calista se leva et laissa tomber sa serviette tachée de rouge sur la nappe.

— Merci pour le repas, vu que c'est toi qui invites.

Elle s'éclipsa aussitôt par la porte en verre qui avait vu sur la digue. Il la laissa partir sans rien dire, amusé par sa malice.

Son humeur lugubre ressurgit néanmoins aussi vite. C'était un problème de plus. Et des problèmes, il en avait bien assez. Il aurait bien voulu en parler directement au premier intéressé, mais Louka quittait rarement le Soprano et c'était le dernier endroit auquel il avait envie de se rendre en ce moment. Il allait devoir prendre sur lui.

— Vous souhaitez régler maintenant ou je mets sur votre note, monsieur Lehum ? Demanda le serveur, l'arrachant à ses pensées intrusives.


Comme il s'y attendait, Louka était assis à son bureau, les lèvres trempées dans son verre de whisky. Lino inspecta la boîte dans laquelle était arrivé ce qu'il restait du corps d'Astrid et releva les sourcils.

— Une idée de qui a pu faire ça ?

Louka secoua doucement la tête en signe de négation.

— C'est pas comme si je manquais d'ennemis. Cette île est polluée de tarés.

— Et... pour le reste du corps ?

Louka haussa les épaules et prit une autre gorgée. Lino fit signe à Jimmy qui emporta la boîte pour s'en débarrasser. Il savait que son ami était affecté, pas vraiment comme il aurait dû l'être, mais sa présence ne l'aiderait pas. Il allait devoir trouver le coupable.

Il relut la note encore une fois et le même frisson d'effroi leva une nausée qu'il refoula dans une grimace.

— Elle ne t'avait parlé de rien en particulier ?

— Nan.

Le visage de Louka prit néanmoins une expression différente, plus soucieuse ou interrogative selon les angles.

La dernière journée qu'il avait passée avec Astrid était en boucle dans sa tête. Elle avait été partiellement gâchée par l'intervention d'Esteban. Et c'était ce point qui lui semblait le plus important. Il se souvenait de la réaction d'Astrid, se serrant contre lui et se cachant derrière son bras ainsi que du regard glacial qu'Esteban lui avait porté.

LiverportOù les histoires vivent. Découvrez maintenant