Le soleil frappait dans les fenêtres de toit et inondait de sa douce chaleur le dortoir encore plongé dans le sommeil. Raphaël fixait la tache jaune qui grandissait sur le parquet à mesure que les minutes s'écoulaient. Toujours aucun signe de l'alarme. Il se résigna à se lever et prit soin de marcher sur les lattes qui grinçaient le moins. En arrivant en bas, la porte d'entrée était ouverte, mais aucun signe de Jimmy ou Jerry. En tournant la tête vers le bureau, son regard fut attiré par la forme noire allongée sur une banquette. Il ne voyait que des jambes, mais n'avait pas besoin de plus pour savoir de qui il s'agissait.
Son ventre gargouilla et il se dirigea vers la cuisine. Il restait du pain de mie et quelques tranches de jambon dans le frigo. Il attrapa un couteau et beurra une tartine avant de couper le sandwich en diagonale. Il redressa la tête, fixant le mur, et resta immobile un instant. Quand il revint à lui, il empila les deux triangles dans sa main droite et retourna dans la salle.
La forme sur la banquette n'avait pas bougé. Il s'en approcha et se pencha légèrement. Lino était endormi, sa tête reposait sur l'une de ses mains, son autre bras était ramené contre sa poitrine.
Raphaël releva les yeux vers la porte du bureau. Elle était fermée. Il tourna la tête vers l'entrée. Toujours personne. Son attention se focalisa à nouveau sur Lino. Il resserra sa main gauche autour du manche du couteau, mais relâcha aussitôt la pression. Il le laissa glisser le long de ses doigts et leva le bras au-dessus de la banquette. Tenue par le bout du manche, la lame vacilla au-dessus du visage endormi de Lino. Raphaël bougea légèrement le poignet pour en accentuer le basculement.
Il pouvait le tuer, ici, maintenant ; lui défoncer la gueule à coups de couteau, deux, trois, quatre-vingts fois.
Et leurs deux vies s'arrêteraient, ici, maintenant.
Raphaël inclina la tête sur le côté. Il parcourut les traits de Lino, l'angle de sa mâchoire, ses longs cils, ses cheveux noirs dont il se remémorait l'odeur et la douceur sur sa joue...
Il serra les dents.
Le couteau stoppa son oscillation.
Raphaël laissa retomber son bras contre sa jambe et croqua un bout de son sandwich. Il se détourna pour aller se servir un verre de jus d'orange dans la cuisine.
La montre de Louka indiqua dix heures. Sa tasse de café à la main, il passa dans le bureau et activa l'alarme. Un mouvement brusque et un bruit de verre tombant sur le sol rompirent le fil de ses pensées. Il soupira et retourna sur ses pas, dans son appartement. Assis dans le canapé, Lino releva les yeux du sol.
— J'ai sursauté.
Louka contempla les dégâts. Le verre n'était pas brisé, mais son contenu s'était répandu sous le canapé et s'écoulait dangereusement vers les câbles électriques de la télévision.
Il posa sa tasse dans la petite cuisine pour attraper deux torchons. Il poussa du pied le canapé – Lino toujours dessus – et les déplia pour les jeter sur la flaque de jus d'orange.
— Tu n'es pas inquiet à propos de ce Esteban ? Demanda-t-il.
— Pourquoi je m'en inquiéterais ?
— J'ai entendu des histoires bizarres.
Louka récupéra son café et le termina d'une traite tout en observant son ami. Lino avait les doigts croisés sur ses genoux et son regard errait sur les murs blancs. Il l'avait trouvé endormi sur la banquette, qu'il occupait un peu trop souvent à son goût, et ne pouvait que constater sa fatigue.
— T'étais où hier soir ? J'ai vu Left, mais pas toi.
— Tu m'as cherché ?
— Non.
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Liverport
AcciónEnrôlé de force dans une maison close, Raphaël est confronté à Lino, le mafieux captivant qui règne sur la ville de Liverport, île connue pour sa festivité et sa lascivité. Deux ans après la disparition de son père, Lino se trouve contraint de pren...