50 | Abysses

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Lino sentit ses épaules se détendre à mesure qu'il s'éloignait de la maison. À vingt-neuf ans, il trouvait absurde de devoir encore fuguer comme un adolescent révolté, mais il n'avait pas d'autre option. Personne ne l'aurait autorisé à aller inspecter le yacht de plus près.

Le temps était froid et humide. Le vent traversait son pantalon noir, dont la matière souple et légère ne permettait aucune imperméabilité, et venait glisser le long de ses jambes, déclenchant des frissons engourdissant. Un calme tout aussi froid s'était installé en lui. Une éternité semblait s'être écoulée depuis sa dernière escapade clandestine, mais ce soir, il avait besoin de réponses.

Il atteignit le port, où l'air marin l'accueillit en s'infiltrant partout à travers ses cheveux comme une main entreprenante. Thierry lui avait confirmé l'achat du yacht blanc avant même sa mise en vente officielle. Cela ne pouvait signifier qu'une seule chose : quelqu'un d'autre connaissait les événements sanglants de l'entrepôt. Le doute enserra son estomac, mais il l'ignora, le chassant d'une expiration lente.

Son cœur battait plus fort à chaque pas alors qu'il se glissait sur le pont du yacht, ses semelles effleurant à peine le bois verni, étouffant le moindre crissement. Lino se baissa légèrement, cherchant à se fondre dans l'ombre comme un prédateur en chasse. Bien que ses mouvements soient félins, ils restaient empreints d'une rigidité nerveuse, chaque pas devenant une petite victoire dans cette mission qu'il ne maîtrisait qu'à moitié.

Il ne rencontra personne en longeant le pont extérieur et n'eut aucune difficulté à s'infiltrer à l'intérieur. Il ouvrit la porte qui donnait sur un petit escalier en bois foncé et tendit l'oreille, écoutant chaque craquement, chaque bruissement. Rien. Uniquement le murmure régulier des vagues frappant doucement la coque.

Il s'engagea dans l'escalier étroit qui menait à la cabine en bas, cette chambre qu'il redoutait tant de revoir. Chaque marche émettait un léger grincement sous son poids. Arrivé sur la dernière marche, son regard se posa immédiatement sur le lit défait, chaotique. Les couettes étaient enchevêtrées, le dessus-de-lit vert traînait presque par terre, et un oreiller gisait au sol. Lino sentit son souffle se bloquer dans sa gorge.

La scène se rejouait devant lui, les images floues et distantes, comme dans un rêve dont il ne pouvait se libérer. Il luttait contre le malaise qui montait en lui, refusant de laisser ces souvenirs envahir son esprit. Tout ici était resté figé, tout comme cette partie de lui qu'il refusait d'affronter.

Son regard se détourna du lit, comme s'il s'agissait d'un trou noir capable de l'engloutir à tout instant. Pourquoi était-il venu ici, déjà ? Les souvenirs, confus et oppressants, tourbillonnaient dans sa tête, brouillant ses pensées. Tout lui semblait désormais lointain. Il inspira profondément, mais même l'air était pesant, difficile à avaler. Une partie de lui voulait faire demi-tour, fuir, mais il restait immobile, incapable de choisir.

Cette chambre le rendait malade physiquement, lui retournant l'estomac jusqu'à la nausée. Pour y échapper, il ouvrit la première porte à laquelle il faisait face, celle à droite du lit.

Celle-ci donnait sur un salon spacieux, baigné d'une lueur douce émanant des lumières encastrées. Les banquettes blanches longeaient l'intégralité du mur du fond, créant une sensation de profondeur. Des peintures aux formes organiques et aux couleurs neutres ornaient les murs, tandis que le blanc immaculé du long bar contrastait avec la noirceur de la nuit visible à travers les grandes vitres qui entouraient la pièce. L'atmosphère, bien que chaleureuse, avait quelque chose d'aseptisé, comme si chaque surface avait été lavée de toute émotion. Lino sentit son malaise se renforcer en contemplant cet espace trop épuré, où rien ne semblait vraiment vivant.

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