21 | ⚠️ Écorchés

116 11 4
                                    

Sous le coup des vingt-trois heures, les premiers clients prirent place dans la pénombre du Soprano. Comme toujours, Yvan était en première ligne, appuyé à la rambarde de l'escalier. Il les accueillait d'un petit signe de tête et d'un sourire aguicheur. Il aimait jouer de ses charmes et il n'en manquait pas. Raphaël resta en retrait derrière la scène agissant comme une barrière entre lui et les clients. À deux pas de lui, Allan soupira.

— Bon, je vais accomplir ce pourquoi personne ne me paye, dit-il avant de s'éloigner.

Raphaël souffla du nez et le suivit du regard alors qu'il se dirigeait vers la table ronde déjà occupée, dans le fond de la salle.

Quand il se décida à bouger, – pour se faire voir par Louka plus que parce qu'il en avait envie, – il se faufila entre les tables et salua les habitués avec qui il avait développé une affinité au cours des concerts. Il réussit à esquiver les demandes plus entreprenantes et se réfugia à nouveau sous l'escalier pour guetter l'arrivée des clients. Il s'étonna de n'en avoir toujours pas aperçu un en particulier, mais aussitôt cette pensée évoquée, Aquilino Lehum franchit le seuil du Soprano. Il balada son regard sur la salle – un peu plus remplie que d'usage – et s'assit dans le carré VIP. Il croisa les jambes et rabattit son bras pour poser son coude sur l'appui-tête. Il donnait l'impression d'être à l'aise et sûr de lui. Il garda la tête haute et croisa chaque regard sans l'éviter. Un parfait écran de fumée.

Lino connaissait sa cachette et ne tarderait pas à tourner les yeux dans sa direction, mais alors qu'il allait changer de point d'observation, une paire de mains lui saisit la taille. Raphaël fut rabattu contre le torse d'un homme qui posa le menton sur son épaule en l'entourant de ses bras.

— Tu te caches et tu as l'air sauvage ; tu dois être Raphaël.

— Bravo.

Raphaël essaya de mieux le distinguer en tournant la tête, mais l'homme le maintint trop fermement pour le lui permettre. Il distingua néanmoins le sourire aux coins de ses lèvres.

— Accorde-moi vingt minutes de toi et ça sera parfait.

— J'ai le droit de refuser ?

L'homme s'inclina pour l'embrasser sous l'oreille.

— J'ignorais que vous aviez le droit de dire non. Ça a bien changé ici.

Raphaël s'offusqua et essaya de se dégager.

— Ah ouais ? C'est une vérité générale ça ?

L'homme émit un petit ricanement et le relâcha. Raphaël s'éloigna à vive allure. Il n'avait même pas cinq minutes de lui à accorder.

Calista l'intercepta quelques mètres plus loin.

— Il voulait quoi, le gars sous l'escalier ?

— Que je monte avec lui.

— Pourquoi t'es pas en haut alors ?

Raphaël lui lança un regard froid.

— Tu t'es pris pour une pute de luxe ? Tu crois que tu peux sélectionner tes clients ?

Lino perçut la voix de Calista à travers la musique. Il se redressa et concentra son attention sur elle, mais Left surgit près de lui.

— Putain, tu réponds jamais au téléphone ? Demanda-t-il excédé.

— On me l'a volé, répondit Lino surpris.

Il avait dit la première chose qui lui était venue en tête. Left resta figé quelques secondes.

— C'est pas une raison !

Calista claqua des doigts devant les yeux de Raphaël.

— Obstine-toi à refuser les clients et tu quitteras cette terre dans la douleur. Grouille-toi d'aller jusqu'au comptoir où je m'en chargerais personnellement.

LiverportOù les histoires vivent. Découvrez maintenant