Quand Esteban approcha du petit rassemblement qui s'était formé à l'avant du yacht, il remarqua d'abord la longue silhouette familière qui lui tournait le dos. Une grimace tordit sa bouche et il ralentit le pas. À quelques mètres d'eux, il lança d'une voix forte :
— C'est quoi ça, encore ?
Les hommes s'écartèrent et il remarqua Tyson, assis sur un transat. Sa chemise ruisselait de sang et une partie de son visage avait disparu derrière un pansement blanc et des bandages. La scène était impressionnante, mais les yeux d'Esteban continuèrent leur mouvement perpétuel entre la silhouette et son homme de main blessé. Toute l'attention était à présent sur lui, et la silhouette se retira sans même un regard en arrière, avant de disparaître derrière la cabine de navigation.
Les muscles d'Esteban se relâchèrent alors même qu'il n'avait jamais eu conscience de leur tension. Il bougea la tête et sa nuque émit un faible craquement.
— Expliquez-moi ce qui s'est passé.
Son ton était redevenu neutre, contrôlé. Les hommes s'interrogèrent du regard, mais Tyson prit la parole assez vite.
— J'avais coincé Lino sur le chantier... C'était facile.
Esteban leva un sourcil et pencha la tête sur le côté.
— Vu ta gueule, ça n'a pas dû le rester longtemps.
La mâchoire de Tyson grinça et il leva son œil intact vers Esteban.
— On a été rejoint par une tierce personne...
— Ouais, c'est juste à côté de chez lui, un de ses gars...
— Ce n'était pas un de ses gars, le coupa Tyson.
Esteban, qui détestait qu'on lui coupe la parole, balaya l'air de sa main.
— Tu t'es fait défoncer par un gars qui passait par là, c'est ça ?
Esteban l'attrapa par le col, le soulevant pratiquement du transat.
— Parce que si c'est ça que tu me dis, alors t'es encore plus inutile que je le croyais.
— Non, non !
— Laisse-le terminer, intervint la voix pénétrante de la silhouette qui se tenait plus loin.
Chaque poil d'Esteban s'hérissa aussitôt et sa prise se ramollit. Le derrière de Tyson retomba sur le transat.
— Ce n'était pas un de la Famille. C'était un... enfin, il est connu, un peu. Il faisait la même chose que moi, on suivait Lino tous les deux... Il s'est mis en travers. Ça m'a pris par surprise. Il m'a lancé son couteau. Après ça, je ne pouvais plus rien faire, ils étaient deux contre moi, j'ai dû partir...
Esteban tilta.
— Et ton flingue, il était où ?
Tyson ne répondit pas et se détourna. La langue d'Esteban claqua sur son palais et il se tourna vers la silhouette qui les observait. Il tendit les bras.
— Tu vois, c'est avec ça que je dois dealer tous les jours. Une bande d'incapables. Il faut toujours que je fasse les choses moi-même, de toute façon.
Il se tourna à nouveau vers Tyson dont la main était venue se reposer sur son profil blessé.
— C'était qui ?
Sa voix claqua dans l'air par-dessus le bruit des vagues qui venaient elles aussi de se joindre à son agitation.
— Le blond du Soprano... Le chanteur.
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Liverport
ActionEnrôlé de force dans une maison close, Raphaël est confronté à Lino, le mafieux captivant qui règne sur la ville de Liverport, île connue pour sa festivité et sa lascivité. Deux ans après la disparition de son père, Lino se trouve contraint de pren...