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   Ses mots la stoppèrent et l'amenèrent à ouvrir les yeux qu'elle fermait à demis ; dans l'attente d'un baiser. Ses lèvres bougèrent, mais aucun son ne sortit. Je reculai d'un pas pour illustrer mon refus catégorique de l'embrasser.

— Je ne suis pas ce genre d'homme.

— Et je dois comprendre quoi par : « Ce genre d'homme. » ?

   Le son ressemblait à ceux résultant du frottement de deux objets métalliques. Cela me surprit, mais pas assez pour ne pas essayer de m'expliquer et d'étouffer tout malentendu.

— Il n'y a rien à comprendre. Je ne veux pas abuser de la situation. Avoue quand même que c'est précipité tout ça. On vient de se rencontrer.

   Elle retrouva sa mobilité et passa une main dans ses cheveux. Un geste de séduction ?

— Rien n'est jamais précipité. Il n'existe que des gens qui font ce dont d'autres rêvent. Tu me plais. Tu me plais beaucoup.

   Ces mots firent enfler en moi un bonheur que je ne soupçonnerais jamais dans une situation pareille. Je restai tout de même cohérent dans mes propos.

— Ça reste tout de même une mauvaise idée.

   Elle s'approcha de moi en mordillant sa lèvre inférieure. Une fois à ma hauteur, elle leva la tête pour me laisser lire cette lueur de plaisir qui dansait dans son regard.

— Qu'est-ce qui t'effraie à ce point ? Pour information, ce ne serait pas la première fois que ça arriverait sous le ciel bleu.

   En faisant jouer ses doigts sur ma poitrine, je me laissai envahir par le doute. Avais-je l'intention de laisser passer l'occasion de baiser une bombe ?

   C'était un mauvais choix. Mais le problème était que si je le faisais, si je me laissais entraîner dans ses combines sexuelles, je ne ferais qu'ajouter à la liste de cas prouvant que les hommes pensaient avec leur... Et qu'à la fin, son acte pouvait arriver à tout le monde et ne pas pouvoir résister à une tentation malgré les promesses de se battre corps et âme contre elle. Je saisis les mains de Sarah avec force et perçus ce petit sursaut qui fit onduler ses seins. Eh merdouille.

— Je ne veux pas être ce genre de salopard.

   Son visage ne fut pas ambré d'une once de peur. Elle semblait même être à son aise en sentant la pression de mes mains sur ses poignets. Je ne serais même pas étonné qu'elle lance qu'elle aimait la chaleur qui s'en dégageait, que ça la mouillait à fond. Elle ne dit rien d'aussi vulgaire, cependant, cela garda le même résultat.

— Maintenant, tu m'intrigues au plus haut point, mon beau. Qu'est-ce qui te tient si à cœur au point de refuser d'embrasser une magnifique femme comme moi ? Je me permets de le dire, car tu le penses.

— Rien du tout.

— Ah, personne ne peut me battre à ce jeu-là. Je sais quand les gens cachent des secrets. Quels sont tes secrets Apollo ?

   Elle commençait à m'agacer. Chaque seconde, l'envie de la soulever et d'aller la jeter sur ses fesses hors de ma chambre augmentait. Mais j'avouais que cette confiance en elle m'impressionnait, m'intimidait. Mon silence se renforçait, alors elle décida de revenir à la charge, maquillée d'une voix des plus obscures.

— Tu sais, moi, j'ai des tonnes de secrets que je protège. Peut-être que si tu me livres un des tiens, je te partagerai l'un des miens.

   Elle ajouta un sourire innocent qui accompagnait un sourire assassin. Quand elle prenait cette attitude, elle me donnait l'impression d'être une tueuse en série.

— Je n'ai pas de secrets.

— Tout le monde en a.

   Elle retira ses mains de la mienne avec douceur et alla s'asseoir sur le lit. J'espérais qu'elle n'irait pas à se déshabiller parce que je ne saurais pas si je pourrais résister. Elle ne fut rien de tel. Elle se contenta de s'allonger sur le lit claudiquant, en se tortillant comme un serpent, ajusta l'oreiller sous sa tête et joignit les mains au niveau de son ventre.

— C'est un tic. J'aime m'allonger sur les divans. Il paraît que l'on est plus ouvert à converser quand on est dans cette position.

   Je l'indiquai dans mon regard que je ne me coucherai pas à côté d'elle. Elle afficha une moue boudeuse puis dit.

— Ben au moins vient t'asseoir à côté de moi.

   L'affaire me sembla bonne. J'éloignai de deux pas le fauteuil et le lit, puis m'assis un peu intrigué par la suite des événements.

— Sérieux ? Je ne suis pas un monstre.

   Je compris trop tard qu'elle me reprochait de m'éloigner d'elle. J'avançai de quelques centimètres. Elle haussa les sourcils de manière à me faire comprendre de ne pas jouer avec elle.

— Bien, maintenant que tu as surmonté cette peur, on peut commencer.

— À quoi tu joues ?

   Elle écarquilla les yeux et répondit comme une évidence.

— Ben, on va faire de plus amples connaissances. Tu as bien dit que c'était trop rapide, que l'on ne se connaît pas, on va remédier à ce problème.

— Et après.

— Après, on pourra baiser.

   Cette fois-ci, elle dépassa les bornes. Je n'ai pu m'empêcher de me perdre dans un fou rire. Je fus rejoint par Sarah qui se pencha pour ne pas s'étrangler. Sa vulgarité me surprenait. Je pense que c'est à cause de l'idée que je me faisais d'elle en regardant son style vestimentaire et son visage. Je me demandai si elle aurait pu sortir une formule identique ? Non, jamais. Frapper mes bijoux de famille, peut-être. Mais jamais admettre qu'elle avait l'intention de "baiser" avec moi. J'essayai de deviner l'endroit où elle était et ce qu'elle faisait. Elle avait peut-être réussi à retrouver la personne qu'elle cherchait et serait bientôt au volant de sa voiture de location pour retourner à l'hôtel. Ou sinon, elle était en train de vivre une situation similaire à la mienne ? J'espérais que non. Je portai l'attention sur ma patiente. Je trouvais que la scène ressemblait à ceux qu'on trouvait dans la série Lucifer entre Lucifer Morning Star et la psychologue. Qui sait, j'avais peut-être une démone sur mon lit.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant