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   Quelque chose se brisa en moi. Mais quoi ? Peut-être la ferme assurance de sortir indemne dans cette histoire. La vue du sang était pour beaucoup. Étalé sur la céramique blanche, il brillait de toute sa splendeur et m'intimidait. Voilà une étape de franchie, la prochaine fois ce sera... Pourtant, cette scène aurait dû m'enlever un poids sur le cœur. Une balle dans la jambe ne tuait pas. En tout cas, cela donnait le temps de se soigner. Mais là, voyant Jennifer par terre, les mains baignant dans son propre sang, je ne savais pas quoi penser. Ce fut la voix de Jennifer qui me ramena à la réalité. « Apollo ». Sa voix restait aussi douce qu'une mélodie et me fit frissonner de la tête aux pieds. Instinctivement, je me jetai à genoux, et lui murmurai à l'oreille : « Tu ne me connais pas, ok ». J'agissais en électron libre et il me fallut plusieurs secondes pour comprendre pourquoi. Elle me répondit avec des yeux incompris et allait me demander pourquoi, mais Sarah vint nous rejoindre d'une démarche chancelante. Elle passa le dos de sa main sur son front, gratta sa tempe avec la bouche de son revolver et fit encore un pas vers nous.

— Ça y est ? Tu es contente maintenant ? Regarde ce qui est arrivé par ta faute. On ne t'a jamais dit de ne pas trop fouiner.

   Elle me flanquait la trouille. Son visage restait calme, néanmoins sa voix la trahissait. Les sons ne sortaient pas comme ils le devraient. On dirait qu'elle manquait de souffle. J'aurais dû être en colère après elle, l'insulter, la traiter de chienne et de tout autre truc qui devrait la marquer. Mais je ne savais pas trop ce qui marquerait une folle aux traits d'assassin. En plus, quoique son index ne caressait plus la gâchette, l'arme lui collait toujours à la main : un argument de taille.

— C'est mon job de fouiner là où il ne faut pas, râla Jennifer.

— Eh bien aujourd'hui, t'en as pour ton compte.

   Un spasme parcourut ma poitrine. L'ignorance primait dans ma tête, pourtant, je me sentais de trop dans cette conversation.

— Tu donnes raison à tes parents en agissant de la sorte. Tu es... Dangereuse.

— Je ne suis pas dangereuse.

— Oui, tu l'es.

— Non, rétorqua Sarah qui tordait ses lèvres en secouant sa main armée.

— Oui.

— Non.

   Avant qu'elle ne puisse poursuivre par une réponse plus qu'évidente, je secouai Jennifer et essayai de l'avertir de ne pas mettre plus d'huile sur le feu à travers mes yeux. Sarah comprenait peut-être que cet acte la mettait dans de beau drap, mais rien ne garantissait qu'elle ne recommencerait pas. Très intelligente, elle comprit le message.

— Alors pourquoi viens-tu de me tirer dessus avec ton putain de pistolet ?

   Elle réfléchit quelques instants.

— Parce qu'une certaine personne ne semblait pas être en mesure de fermer sa gueule.

   Enfin le tacle que j'attendais. Au fond, je me sentis soulagé, car la conversation prenait une tournure plus ou moins normale. En-tout-cas, avec moi au premier rôle. Les répliques mille fois tournées dans ma tête n'attendaient que le feu vert pour sortir. Tout  ça ressemblait à une audience. Sarah jugeant avec son arme pendant, celui ou celle qui devait avoir une balle comme punition. Moi en tant que victime et avocat, tentant de convaincre que toute cette affaire ne valait pas la chandelle. Et Jennifer... Une appelée à la barre surprise.

   Mais, à cet instant où le sang d'une femme s'écroulait au compte-goutte, l'heure n'était pas aux explications. Bien sûr, j'aimerais trouver le fil de ce labyrinthe pour voir un peu plus clair. Pourquoi parlait-elle comme ça à la femme qui venait de la tirer dessus ? Comment cela se faisait-il qu'elle se trouvait là ? Je me sentirais tellement mal si elle m'avouait qu'elle avait senti que quelque chose clochait et qu'elle était venue s'assurer que tout allait bien. Quand bien même qu'elle appartiendrait à un service de renseignement, cela n'expliquerait pas qu'elle ait parlé des parents de Sarah. Une fois compris que je me perdais dans mes propres raisonnements, je soupirai et envoyai tout dans un petit coin. "Pour plus tard les explications, ok". Il fallait soigner Jennifer. J'ignorais ce que faisait une balle déchirant des muscles, mais sûrement pas soupirer de bonheur.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant