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   Il ne fallait jamais juger trop vite, car cette attitude était source de confusion. Ce proverbe inventer quelques minutes plus tard résonnait dans ma tête, narguant la position dans laquelle je me trouvais. Eh oui, j'étais littéralement dans le lit de Jennifer pour... dormir.

— Alors, elle te plaît, cette chambre ? demanda-t-elle pour briser le silence que nous partagions.

— Qu'est-ce que cela peut bien faire ?

— Je ne sais pas, mais comme tu la regardes depuis tout à l'heure sans lâcher un mot.

— Ça va. Je suis juste un peu... Perdu.

— Avoue, chuchota-t-elle en laissant couler quelques secondes. Tu t'attendais à une nuit torride et rythmée par des cris d'extase de deux personnes qui s'envoient en l'air.

   Je déposai mon attention sur Jennifer. À cause de la petitesse du lit, nous étions presque collés. Si quelqu'un nous surprenait en plein sommeil, il penserait que nous avions l'habitude d'être dans ce genre d'endroit solitaire, coupé du monde.

— Un tout petit peu, répondis-je.

— Avoue !

— OK, j'avoue.

   Elle émit un petit rire qui se perdit dans la pénombre.

— Ces genres de choses n'arrivent que dans les romans.

   J'avais l'envie de répliquer qu'elle se trompait, que j'étais une preuve vivante qu'elle avait tort. Mais une voix m'en dissuada.

— Tu n'as pas peur de dormir avec quelqu'un que tu ne connais pas.

— Qui te dit que je ne te connais pas ? Je te rappelle que je suis une agente secrète. Et que j'ai droit à toutes les informations pouvant être contenues sur un disque dur.

   La perspective qu'elle puisse connaître des choses sur moi, sur ma vie privée, ne me fit pas peur. En tant qu'avocat, je savais à quel point ce serait illégal. Or, quand je pensais qu'effectuer une petite recherche sur moi signifiait qu'elle s'intéressait à moi d'une manière ou d'une autre, ouf !

— Et tu sais quoi de moi ?

— Pas-grand-chose. À part que tu es le fils d'un grand avocat de Londres et que tu es né un 8 juin.

— Tu sais que tu as failli gâcher le plaisir de notre premier rencard.

— T'aimerais m'inviter à sortir ?

   Sa question resta en suspens dans la pièce pour m'oppresser le cœur et la tête. Durant toute mon adolescence et mon début en tant qu'adulte, je n'avais pas eu beaucoup de petite amie. Peut-être à cause du fait que je fusse populaire, mais à chaque fois que j'abordais une fille à l'école, elle se mettait à jubiler des choses comme : « Bien sûr que je veux sortir avec toi, je t'aime depuis qu'on s'est croisé » ou « je t'ai toujours aimé ». Malheureusement, ça ne s'était pas amélioré quand j'entrai à l'Université et dans la boîte de mon père.

   Dans mon domaine, je côtoyais pas mal de femmes que certains pourraient qualifier de déesses. Pourtant, ce n'était que des femmes beaucoup trop superficielles et artificielles. Dans leur regard, je pouvais comprendre qu'elle ne cherchait pas un partenaire, mais une source de revenus potentielle. Il y en avait qui y en allait jusqu'à essayer de me séduire durant une audience.

   Quand ça devenait beaucoup trop pressant, je me permettais de sauter quelques-unes au passage sans envisager quelque chose de sérieux. Une semaine, voilà le temps que je pouvais me permettre de les supporter. Les derniers événements de ma vie me donnaient peur de tout ce qui était en relation avec le mot couple.

Pourtant, à côté de Jennifer, je ne ressentais pas du tout ces choses-là. C'était chaud, naturel, imprévisible et ça chantait tout bas de laisser couler. J'admettais que ça faisait bizarre de sortir avec quelqu'un qu'on venait juste de rencontrer. Mais des fois, on avait l'impression qu'un seul regard, deux petits mots et trois petites caresses suffisaient à donner l'impression d'avoir toujours connu cette personne. On l'avait juste oublié dans une partie de notre cerveau.

   C'est ce que je ressentais.

— J'aimerais bien, finis-je par répondre.

   Elle ne me répondit pas, laissant le silence m'engourdir les nerfs. Après quelques secondes à me questionner sur son silence, je sentis quelque chose de chaud parcourir mon bras. Elle me captura le bras et vint poser sa tête sur mon torse le plus naturel que possible. Comme je vous l'avais dit, parfois des choses simples pouvaient dire beaucoup de choses.

   Demain arriva trop vite. J'avais eu envie de prendre une douche avec elle, mais à mon réveil, Jennifer était déjà sur son trente-et-un. Ses transformations me surprenaient toujours. On prit un peu de temps pour parler de chose dont je ne me souvenais plus, chercher un talon égarer, reparler de chose inutile avant de mettre sur la table ce qui me trottait la tête depuis mon réveil. « Quand est-ce qu'on se reverra ? » Elle m'avait souri à ce moment-là avant de me dire qu'on verra cela en temps voulu.

— En attendant, je te conseille de prendre du bon temps pour visiter Sydney, il y a de tas de belles choses à voir et de gens à rencontrer.

   Elle ne croyait pas si bien dire.

   Elle ne croyait pas si bien dire

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