51

156 4 14
                                    

— Et jouer avec les sentiments d'une femme ?

— On n'a fait que coucher ensemble. Ce n'est pas si exceptionnel que ça.

   Le canon du revolver embrassait à présent mon front. Le froid du métal se propageait dans tout mon corps à une vitesse impressionnante.

— Et bien c'est exceptionnel pour moi. Tu crois que c'était que pour le plaisir que cela me procurait que j'ai logé ta bite au fond de moi ?

   Alors tu n'aurais pas dû jouer la pute à chercher à m'exciter comme ça. Si j'avais su, je t'aurais résisté et fui. Comme je ne répondais rien, elle ajouta.

— Quoi ? Tu n'aimes pas ma vulgarité ? Ta bite défonçait ma chatte comme aucune autre bite. Ça me fit mal au début, mais j'ai supporté la douleur et ensuite, oh ensuite, j'ai compris pourquoi les gens râlaient de plaisir.

— Ne pointe pas cette arme sur moi !

   Elle la baissa pour m'offrir un sourire qui n'avait rien de naturel. Ses canines apparaissaient de plus en plus pointues. Et diable qu'elle ressemblait à un monstre à ce moment-là.

— Quoi ? Tu n'aimes pas te faire menacer ? Tu as peut-être raison, une petite bêtise et boum !

   Elle mima un tir et mon corps flancha. Ma vie ne tenait qu'à un fil.

— Mais tu sais que jamais je ne te ferais de mal.

   On tournait en rond. Tant de contradictions se trouvaient dans cette histoire. Elle me kidnappait, mais par amour. Elle me pétait la gueule, mais parce que je l'avais cherché. Elle me menaçait avec son arme, mais me disait que jamais elle ne me ferait de mal. Cela m'usait, fatiguait et devenait trop familier. Une décision s'imposait à moi. L'heure de la prise de conscience venait de sonner.

— C'est impossible pour moi de supporter ça. Au départ, je croyais à une grosse blague. Je me disais que tu te payais ma tête, qu'à un moment ou un autre, tout ça allait s'arrêter. Mais je comprends maintenant. Tu es malade.

   Sarah m'écoutait avec calme tandis que plusieurs de ses mèches de cheveux dandinaient sur ses seins.

— Tu es... Folle et j'ai peur que tu finisses par tuer quelqu'un.

— Je ne suis...

— Tu l'es, coupai-je en fronçant mes sourcils.

   Je l'invitai à regarder la table qui gardait les vestiges de notre repas, les lumières des bougies rendues inutiles par celles des ampoules, les pétales de roses qui devaient se demander ce qu'elles foutaient là.

— Mais c'est romantique. Se justifia-t-elle.

— Vraiment ?

   Elle déposa ses yeux sur son arme et sur la menotte.

— Tu dois arrêter tout de suite. Tu m'as tué toute envie de sortir un jour avec toi. Alors parler de fiançailles est plus qu'inutile.

   Les derniers mots étaient plus que sélectionnés. Elle devait comprendre que je ne ressentais rien pour elle et la donner tout un tas de raison de me relâcher. Ou me donner une balle. Le vent souffla entre nous. Froid plus que jamais, il me donnait des frissons. Les dents de Sarah mordaient ses lèvres comme si elles étaient des chewing-gums. Son silence me mettait mal à l'aise, mais au point où j'en étais, tout venant d'elle m'y mettrait. Elle secoua la tête tandis que des larmes brillaient dans ses yeux.

— Tu... Tu... Tu ne peux pas dire ça. Ça me fait si mal, tu n'as pas idée.

   Et voilà, ce qui me faisait tant peur et me donnait l'impression d'être la plus grosse enflure de toute la terre. Impossible de jouer la comédie à ce point-là. Et si toutefois, c'en était, elle me convainquait. Cette capacité à communiquer une tristesse aussi forte sans forcer me poussait à croire qu'elle...

— Je le dois. Ce que tu fais est dangereux et je dois être sincère avec toi, c'est la moindre des choses.

— Tu ne m'aimes pas ? questionna-t-elle en s'étranglant avec ses mots.

— Tu me plais, mais pas au point de vouloir t'épouser.

— Salaud !

   À cette phrase se succéda un son strident qui m'ébranla de la tête aux pieds. Sarah venait de presser la gâchette et j'avais cru que c'en était fini de moi. J'allais rejoindre ma mère au paradis. Mais non, elle avait visé le plafond. Le revolver crachait une minuscule fumée qui devenait invisible à son ascension. Sarah gardait toujours l'arme pointée vers le plafond, mais ses yeux, quoique toujours noyés de larmes, avaient changé.

— C'était un avertissement. Alors, ferme-la !

   Je voulus lui répondre par le positif en baissant la tête, comme le ferait une de ses victimes prises entre deux humiliations, toutefois j'étais un homme. Plein de défauts, certes, mais traînant derrière lui toute sa fierté. Comment accepter une situation pareille ? Je sentis le même sentiment de révolte que tout à l'heure. Il prit de l'ampleur jusqu'à me faire relever la tête pour faire un pas dans sa direction, les paupières ne bougeant pas d'un poil et les muscles tendus à l'extrême.

— Vas-y ! Fais-le ! Tu peux me tuer ici. Au moins, cela prouverait à quel point tu es ce que tu es. Fais-le parce que je ne supporterais pas ça une seconde de plus.

   J'espérais qu'elle ne jouait pas le jeu de la provocation à son tour. Bien sûr, je pensais tous mes mots, mais il y avait toujours cette peur qui régnait là-dessous et qui m'amenait à avaler ma salive. Quoique cliché, je trouvais qu'il était trop tôt pour mourir. Sarah replaça l'arme sur mon front. J'attendais un mot menaçant de sa part, mais elle se tut, préférant me défier du regard. Le temps devint éternité, tandis qu'elle ne bougeait pas d'un poil.

— Mais fais-le. Soupirai-je sans toute fois presser mon front sur le canon.

   Une voix me disait qu'elle bluffait, que jamais, elle ne pourrait tuer quelqu'un. Si elle était aussi dangereuse qu'elle le prétendait, alors pourquoi prendre toutes ces pincettes avec Jennifer. Une petite erreur et bam, tout aurait pu être réglé en un rien de temps. Oui, elle bluffait. Inspirée par mon hypothèse, cette confiance qui poussait à sourire en danger de mort m'attrapa le col.

— Mais vas-y ma chérie ! Je te le répète, fais-le. Tout sera terminé rien qu'avec un léger petit geste de l'index. VAS-Y. FAIS-LE BON SANG !

   Elle sursauta, mais se reprit très vite. Pour assurer le suspens, elle actionna la petite chose qui se trouvait en haut, comme on le faisait dans les films. Là, je me suis peut-être mis à redouter le pire. Ah, les testostérones poussaient à faire des choses ridicules. Pousser quelqu'un à vous tuer par exemple. Mais Sarah finit par baisser son arme et m'arracher un grand soupir intérieur.

— Je te l'ai déjà dit, je ne te ferais jamais de mal. Mais si c'est comme ça.

   Elle envoya la crosse de l'arme dans mes dents.


Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.
À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant