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   Sarah en profita pour ramper vers le pistolet, mais Jennifer revint à la charge en attrapant l'un de ses pieds. Je restais immobile à regarder cette scène, mais quand Sarah donna un coup de pied dans la jambe blessée de Jennifer, j'attrapai l'arme que les doigts de Sarah frôlaient dangereusement. Je ne la menaçai pas, car je savais qu'il me serait impossible de la tirer dessus. Sarah, toujours par terre, eut un petit rire amusé avant de se relever. Elle allait peut-être me demander ce que j'allais faire, mais Jennifer, transpirante de fureur, ne la laissa pas le temps en tirant ses cheveux. Une vraie bataille de gonzesse qui n'avait rien à voir avec de coup de pied millimétré, d'uppercut, d'esquive et de contre-attaque. Mais cela gardait la même expression mortelle. Morsure, griffure et coup bas.

— Mais vous allez arrêter bon sang ! Hurlai-je pour essayer d'attirer leur attention. En vain.

   Jennifer, gênée par sa menotte et sa blessure, prenait diverses baffes de la part d'une Sarah en mode furieuse. Quand elle prit le dessus sur Jennifer en essayant de l'étrangler par-derrière, elle ne put s'empêcher de lâcher un petit rictus dissolu.

— Crève, crève, crève et crève sale pute ! chantait-elle.

   J'allais apporter mon aide, mais Jennifer me fit signe de ne pas m'approcher avant de mettre un grand coup de coude dans les côtes de Sarah. Sous la douleur, cette dernière lâcha sa prise pour tordre de douleur. Jennifer se releva avec un certain plaisir et assomma un coup de pied dans son ventre. Elle n'y était pas allée de pieds morts. Comme elle allait réitérer son geste, je lui dis d'arrêter.

— Quoi, ce n’est pas sur toi qu'elle a tiré que je sache !

— On la maîtrise donc pas la peine de la frapper.

— Tu sais quoi, tu m'exaspères !

   Mais elle finit par se retourner, lasse de savoir que je disais vrai. Et c'était là que je l'avais vue, brillant sous la lumière des ampoules et de la colère de sa porteuse. Sarah tenait le couteau qui m’était sorti de ma tête, et s'élançait avec cette chose indescriptible qui représentait le malheur. Si seulement cette arme ne se trouvait pas dans ma main. Si seulement, il n'y avait pas eu ce couteau. Peut-être que tout aurait été différent. Sans réfléchir, je levai l'arme et appuyai sur la détente. Le bruit strident résonna encore plus que celle d'avant.

   Mes yeux regardaient la bouche fumante de l'arme et ne voulaient pas regarder autre chose. Mais, je ne pus m'empêcher de lever la tête pour voir Sarah, sa main avec le couteau rivé vers le ciel, à un demi-mètre d'une Jennifer surprise par mon geste et encore plus quand elle se retourna pour voir un filet de sang qui glissait le long du corps de Sarah. Cette dernière laissa échapper son arme (à moins qu'elle n'eût plus la force de la porter) avant de chanceler dangereusement. Elle semblait lutter de toutes ses forces pour ne pas tomber, mais mon intrusion me disait que c'était peine perdue. Je lâchai et courus vers elle et la rattrapai dans sa chute.

— Non, non, non. Pas ça.

   Sarah passa une main là où elle était blessée avant de regarder cette peinture rouge qui la tachait.

— Je… Je crois que ça… Coule à flots, lâcha-t-elle avec un ton qui se voulait drôle, mais la peur vibrait avec force.

   Jennifer vint s'agenouiller près de moi, saisit le couteau. Je pensai au pire, mais elle ne fit que déchirer son haut pour la mettre à l'endroit où elle saignait.

— Il faut ralentir l'hémorragie. Dit-elle en surfant sur des vagues paniquées.

— Toi… Tu ne me touches pas. Sale garce. Souffla-t-elle.

— Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé. Je suis désolé, répétais-je en caressant son visage. Maquillant sans faire exprès son visage de son sang.

— Oh ! Mais… Tu… Pleure.  Grande respiration. Je savais… Que tu tenais à moi.

— Arrête avec tes sottises. Je t'en prie, pardonne-moi.

   Et là, avec un espoir tiré de mon plus profond désespoir, je demandai à Jennifer de m'aider à la mettre dans la voiture afin de l'amener à l'hôpital. Toute fois, la réalité vint la briser. Même si l’on arrivait à trouver une batterie pour la voiture dès maintenant et qu'il y avait un hôpital à moins de deux kilomètres, cela ne servirait à rien. Elle avait perdu trop de sang. Les yeux voilés et le corps vibrant, je constatai, l'amas du liquide rouge qui serpentait entre les petites pierres. Et malgré cela, oui malgré ça, je me convainquais qu'on y arriverait à temps. Il le fallait. Et si l’on ne trouvait pas de voiture, je la porterais. Je la porterais. Je la porterais.

— Arrête, Soupira Sarah en caressant mon bras. Il faut toujours… Que tu casses l'ambiance. Je pense que c'est foutu. Je vais-m’en… aller… Ici.

   Je ne trouvai rien à dire. Elle disait vrai et malgré le fait qu'elle était la première concernée, elle ne se voilait pas la face.

— Je suis désolé, je ne voulais pas faire ça.

— Je… sais. Dis. Tu m'as... aimé, n’est-ce pas ? Tu m'as aimé…

   Je me bâtis pour trouver un peu de souffle afin de dire.

— Comme personne.

— C'est… beau ça. J'aurais… Aimé qu'on se… Mari avant. Genre, ils se marièrent… et eurent beaucoup… Trop d'enfants.

   Elle sourit tandis que son regard se perdait dans le vide. Je caressai encore son visage qui perdait de couleur. Devant cette maison au beau milieu de nulle part, sous un tas de gravats ensanglanté, dans les bras d'un homme qu'elle aimait à sa manière, ce fut là, la dernière phrase de Sarah avant de plonger dans un long sommeil.

 Devant cette maison au beau milieu de nulle part, sous un tas de gravats ensanglanté, dans les bras d'un homme qu'elle aimait à sa manière, ce fut là, la dernière phrase de Sarah avant de plonger dans un long sommeil

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