Et puis ce souvenir de ma mère dans un endroit similaire refit surface. Merde ! Pourquoi le passé nous hantait-il encore et encore ? Me voilà à des milliers de kilomètres de chez moi et pourtant, il me suivait comme mon ombre. Je fis signe à Jennifer avant de me retirer et d'aller m'asseoir sur un banc. J'y fermai les yeux pour voir cette chose qui me rongeait tant. Et comme à chaque fois que j'essayai ça, ma gorge devenait sèche, mes yeux s'humidifiaient et mes dents se grinçaient. J'avais la rage.— Ça ne va pas ? me demanda Jennifer qui vint s'asseoir à côté de moi.
— Oui, ça va. J'ai juste... Juste... Non, ça ne va pas.
— Qu'y a-t-il ?
Je la regardai. Elle semblait sincère avec cette lueur dans ses yeux qui disaient : « Allez, tu peux te lâcher. Même si l’on ne se connaissait pas il y a 24 heures. » À quoi servaient les doutes dans ces genres de situations ? À mettre en garde, peut-être, mais je le fis. Je contai une partie de mon enfance solitaire perdue par le désir d'attirer l'attention. D'une mère qui aurait dû recevoir beaucoup plus d'attention de la part de son fils aveuglé... Mes vaines tentatives de paraître grand devant un père toujours absent.
— Tu sais, dis-je dans une énième phrase. Un jour, j'ai voulu montrer à mon père que j'étais capable de faire des exploits. Des choses dignes d'être félicitées. Nous étions parties en vacances. J'avais onze ou douze ans. Nous étions restées à la piscine de l'hôtel où nous étions descendus. Ma mère, elle, était sortie faire des achats. Tu sais ce qui m'était passé par la tête pour arriver à mes fins : plonger dans la piscine sans même savoir nager. Le pire dans tout ça, c'était que j'agissais en connaissance de cause. Bien sûr, trop occupé, il n'aperçut pas que je logeais la piscine à la recherche d'un endroit où sauter. (Pause). Alors, ce qu'il devait arriver arriva. J'ai sauté le plus loin que possible. Je me suis mis à paniquer quand j'ai compris que la piscine était profonde. Entre mes tentatives d'avoir la tête hors de l'eau et la peur, impossible d'appeler à l'aide. S'il n'y avait pas eu quelques personnes vigilantes ce jour-là, je me serais noyé à quelques pas de mon père.
Cette phrase pesait lourd, si lourde que je fus incapable d'articuler autre chose. Jennifer, qui m'écoutait dans mon monologue, resta muette, les yeux grands ouverts de compassion ou de pitié.
— Les parents ne sont pas ma tasse de thé, lâcha-t-elle au bout de quelques secondes. Mon père était un drogué qui a passé 75 % de sa vie et le reste à faire des trucs illégaux. Tout de suite après ma naissance, on l'a coffré pour le meurtre d'une personne. Il a pris perpète. Quatre ans après, ma mère ne pouvait plus subvenir à mes besoins, m'a donc mis dans un orphelinat, avant de mourir quelques années plus tard d'une overdose.
Tout comme moi, elle marqua une grande pause avant de continuer.
— C'est dur, mais c'est ainsi. J'ai appris à vivre avec et toi aussi, il faut que tu apprennes à vivre avec tes peines bien enfouies dans ton cœur, car elles ne disparaissent jamais. Déprimé n'arrangera rien à ce qui s'est passé. Seul le présent compte.
Elle avait sorti ces mots avec une telle simplicité que ça me donnait des frissons. La relation avec ses parents et la mienne avait un monde de différence. Et pourtant, elle restait si calme, si sereine. Même si je comprenais qu'au fond, elle souffrait, cela ne diminua rien dans mon estime, au contraire.
— Arrête, ce n'est pas comme si j'étais déprimé.
— Je n’ai rien dit, s'exclama-t-elle en levant ses bras.
Elle se leva en me tendant la main avec un sourire. Je n'hésitai même pas. J'abandonnai mes soucis sur le banc pour prendre sa main. Pour prendre le présent. Nous rejoignîmes la petite foule qui écoutait toujours le guide qui argumentait maintenant sur des koalas. Sincèrement, je commençais à m'ennuyer. Et Jennifer le savait donc, je ne fus pas étonné lorsqu'elle me demanda si l’on se tirait d'ici pour se faire une journée de folie.
*
Le temps filait lorsqu'on faisait des choses qui nous faisaient vibrer. Il était déjà 17 heures. Le soleil annonçait son sommeil tandis que les phares des voitures commençaient à s'allumer. J'ai vécu une journée incroyable. La plus belle depuis que j'étais ici. Après avoir visité le zoo, nous sommes allés à ce qui semblait être un parc d'attractions. Nous avons dégusté des choses piquantes à brûler la langue, salées à être malade, sucrées à perdre des dents. Bien meilleur de ce qu'on offrait à l'hôtel. Nous avions joué à des jeux peu recommandables. Visiter la ville comme si l’on cherchait un prisonnier en cavale. On a visité un musée, ce qui me permit de découvrir la passion de Jennifer pour les histoires et les mythes. Nous avions admiré une plage sans oser y mettre les pieds, reposés sur le gazon d'un parc, etc.
Maintenant, on venait d'arriver à une boîte de nuit. Jennifer avait envie de boire de l'alcool et de danser, en faisant attention cette fois. Pourtant, quand on entra dans le club, elle voulut s'en aller.
— Il y a des stripteaseuses ! Je ne savais pas, dit-elle d'une voix aiguë.
— On ne met pas toutes les informations sur Google maps. Allez reste, on va s'amuser.
Elle réfléchit un court instant avant d'accepter. Dans les basses étourdissantes et les gens empestant l'alcool, nous nous traçâmes un chemin pour nous diriger vers un barman barbu. Nous commandâmes deux bières tandis qu'une stripteaseuse se dandinait les fesses tous près.
— Je n'aurais jamais pensé que tu pouvais être embarrassé pour ces genres de chose. Pour un agent secret, ça fait pas très pro.
— Une agente doit parfois se montrer vulnérable pour surprendre ses cibles.
— C'est vrai. Mais pour un club de striptease, c'est... Humiliant.
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À tout prix
RomanceTomber sur une folle amoureuse de votre beau sourire, de vos muscles saillants, de votre parfum et de tas d'autres détails, ça vous tente ? En-tout-cas, c'est ce qui arrive à Apollo Malcolm, en visitant l'Australie. Résultat : Il se réveille dans un...