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— Et pourquoi ?

— Parce qu'on va avoir à un dîner en tête-à-tête.

   Le champ des possibles se réduisait de plus en plus. Dîner ? Sarah cuisinait comme un pied, elle en était consciente. À moins qu'elle prévît une petite sortie avec moi. Trop de risquer. Mais à quoi bon se fatiguer la tête en sachant qu'on ne pourrait être sûr qu'une fois le moment venu ? Je soupirai en prenant la boîte qu'elle m'envoya.

— Je tiens à ce que tu la portes. C'est à cause de ça qu'elle a su me retrouver, il faut bien qu'elle serve au moins à quelque chose.

   Je levai le couvercle pour voir des aiguilles compliquées qui s'agitaient derrière un petit cadre étincelant. Une montre. Quel plaisir d'avoir une femme aussi... galante à ses côtés. On ne pouvait éprouver que du bonheur. Toutefois, je ne la remerciai pas, trouvant préférable d'essayer de la raisonner sur ses comportements. Rien à voir avec tout sentiment de protecteur, j'intercédai même pour la libération de Jennifer que je qualifiais de primordiale. Oh, les séances me manquaient tant ! Bien sûr, je faisais attention de ne pas paraître zélé pour ne pas éveiller de soupçon et rester dans le cadre d'homme au cœur à la main. Certes, la procédure se révélait infructueuse — comme on pouvait s'y attendre — mais je ressentais une fierté endormie sous les décombres de mes choix. Sarah finit par sortir en évoquant qu'elle reviendrait pour nettoyer la blessure de Jennifer. « Je suis responsable », ne put-elle s'empêcher de lâcher avec un clin d'œil.

   Le costume semblait briller sur le lit et le plastique n'arrêtait pas de danser jusqu'à dégoûter mes yeux. Pourtant, il n'y avait ni de vent ni de quelconque source lumineuse qui dépassait les bornes. J'en conclus que tout n'était que dans ma tête. Je redoutais le pire. Peut-être comptait-elle me tuer avec sa nourriture ? Cela ne servirait à rien de cogiter, le mieux serait de me calmer et de laisser les heures se perdre dans cette chaleur étouffante. En voyant la sueur abondante sur la peau de Jennifer, je me demandai si elle était allergique à la chaleur. Le délire.

   Comme elle l'avait promis, Sarah revint plus tard nettoyer la blessure de Jennifer qui fondait désormais comme une bougie. Elle la proposa un bain qu'elle ne put refuser et me laissa savourer le plaisir de se retrouver seul, au beau milieu de nulle part. Elle revint vingt et une minutes plus tard (la montre me servait déjà) et portait désormais des vêtements de Sarah. Un léger chemisier qui laissait entrevoir son soutien-gorge et une grosse joggeuse. Elle m'apparut plus posée et sa beauté ne resplendissait que davantage. Je lui souris, demandai si elle se sentait mieux, me pris le vent de l'année avant de lui signaler que j'empruntais le lit un instant. J'enfouis mon visage dans l'oreiller un peu sale pour pouvoir hurler sans déranger. Je regardais Jennifer encore une fois.

— Elle prépare quoi ? demandai-je en espérant vraiment une réponse.

   Elle me toisa ! Ah les femmes, toujours si rancunières !

— Allez, dis-le-moi ! Tu ne sais pas à quel point ça me fait flipper en m'imaginant ce que cette folle prépare. Déjà qu'elle ne pourrait pas faire bouillir de l'eau... Un dîner ! Allez, au moins tu as pu jeter un coup d'œil à la cuisine, dis-moi quelque chose.

   Elle vint s'asseoir à côté de moi et me frappa le bras qui occupait sa place.

— Si tu veux au moins un indice, disons une chose qui va t'étonner. Dit-elle.

— Écoute, Jennifer, que tu sois en colère contre moi est tout à fait normal, mais comment dire, je n'ai jamais voulu tout ça.

— Arrête, Apollo. Combien de fois devrais-je te dire que tu n'y es pour rien. Et puis, ce n'est pas comme si on était un couple.

   Je respectai le silence qui s'invita entre nous. Il était utile pour assimiler ses mots qui coloraient les sentiments de Jennifer, mais si gênant...

— Et c'est ce qui me fait du mal. Savoir que cela ne te fait ni chaud ni froid me met dans un de ces états. Je préfère me convaincre que tu mens et qu'en fait, tu es triste. Et ça aussi me fait de la peine.

— Tu veux quoi à la fin ? demanda-t-elle en se tournant vers moi. Sa fraîcheur m'attrapait les narines et les lâchait plus.

— Peut-être que tu me dis quelque chose de normal vis-à-vis de la situation.

— Et qu'est-ce qui serait normal à ton avis ?

— Que tu m'insultes et que tu me traites de tous les noms.

   Ses yeux s'enfonçaient toujours dans les miens et ne semblaient pas vouloir s'arrêter. Tant mieux, je voulais qu'elle ressente ce qui me traversait. Qu'elle puisse toucher ma sincérité à travers mes yeux et qu'elle se mette à pleurer comme je le ferai dans quelques heures, semaines ou années. Quand j'aurais fini de vivre ma vie merdique sur cette terre et en repensant à mes souvenirs.

— Désolé, on n'obtient pas toujours ce que l'on mérite.

— Désolé, on n'obtient pas toujours ce que l'on mérite.     


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