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   Sa voix cornait toujours, quoi qu'elle  perdait en intensité. Un signe qui montrait que j'étais sur la bonne voie.

— Pourquoi est-ce que tu pleures ? demandai-je en remarquant que je voulais la réponse. Après tout, ce n'est pas une bêtise impardonnable.

   Elle se tut quelques instants, pour me laisser entendre le bruit de ses pas. Mon troisième œil me disait qu'elle se tenait derrière la porte.

— Je me déteste, répondit-elle en chuchotant.

— Pourquoi ?

— J'ai beaucoup de problèmes avec mes émotions. J'essaie, j'essaie, j'essaie, mais impossible de les contrôler.

— Ça arrive à tout le monde, tentai-je de la rassurer.

— Non, c'est un vrai problème, chez moi.

   J'ignorais d'où me venait cette motivation, mais je continuai à formuler qu'elle se trompait. Drôle d'envie, je voulais la consoler, lui sécher ses larmes, la prendre dans mes bras, et même lui murmurer des mots que la majorité des femmes aimeraient entendre. Elle finit par se calmer et ouvrit la porte. Ses yeux, désormais humides perdaient de leur tranchant. Des traces de larmes serpentaient sur ses joues. Comme elle ne bougea pas, j'avançai pour lui glisser le portable entre les doigts. Son seul geste fut de les replier. Ça me faisait de l'effet de la voir comme ça. Je lui pris le menton et l'amenai à lever la tête avec précaution.

— Pas la peine de te mettre dans tous tes états. Ce n'est rien.

   Elle garda le silence tout en restant immobile. Je lui essuyai les joues avec mes pouces. À mon contact, elle plissa les paupières en m'offrant un début de sourire. Mais pendant quelques millisecondes.

— Tu ne comprends toujours pas hein ? Laisse-moi être plus claire alors. Je suis amoureuse de toi.

   Une bombe nucléaire envoyée à Deadcity pour exterminer tous les zombis dévia de sa trajectoire pour atterrir en plein milieu de mon cœur. Tous mes sens volaient en lambeaux et se mêlaient aux murmures qui flottaient dans l'air. Ma gorge serrée m'empêcha de répondre quoi que ce soit. J'acceptai le silence en m'abandonnant à elle. Quoi dire de toute façon ? Amoureuse de moi. Voilà une sacrée info, quoique ce n'était pas la première fois de ma vie qu'on me le partageait. Je ne pouvais pas dire haut et fort qu'elle disait des conneries. Je haïssais l'amour au plus haut point. Non pas parce que mon cœur était en pierre ou autre truc aussi cliché qu'imbécile... Disons plutôt qu'assister en direct au merdier que cela engendrait, foutaient les jetons.

   Je déposai un regard bienveillant sur elle avant de l'emprisonner dans mes bras. Le temps s'adoucit tandis que nos cœurs enclenchèrent un rythme fou. Hésitante au départ, Sarah finit par m'étreindre de toutes ses forces. La génétique prit le dessus à ce moment-là. Je me masquai le fait que je créais un énorme malentendu, si je faisais ça. Mais elle m'aimait, disait-elle. Je la croyais parce qu'elle transpirait de sincérité. La vérité détenait une essence que son ennemie jurer ne pouvait imiter. Et je la voyais dans ses yeux et l'entendais dans sa voix. L'envie qui s'éleva finit par éclater. Je m'attaquai à sa lèvre inférieure en la suçant comme un sauvage. Elle répondit très vite à ma tocade, en s'occupant de ma lèvre supérieure.

   Le goût fut mielleux et me donnait l'impression de m'envoler pour un Nouveau Monde. Je ne savais pas combien de temps on se dévora l'un l'autre, mais ce fut assez pour être épuisé. Entreprenante, Sarah prit l'une de mes mains et la plaqua sur ses fesses. Je ne me fis pas prier et les caressai en augmentant au fur et à mesure l'intensité. Entre quelques lampées de salive, je me demandai si je devais coucher avec elle. Elle n'attendait que ça et devait en mouiller de plaisir rien qu'en y pensant. Mais je me souvins de sa virginité. Une virginité qu'elle m'offrait.

   Tout mon corps se crispa au rappel de ce souvenir. Un courant de fort ampérage me parcourra de la tête au pied. La virginité d'une femme était très précieuse. Quand on l'offrait, ça voulait dire beaucoup. Bien sûr que ça voulait dire beaucoup, elle m'aimait et me faisait confiance. Pourquoi agir de la sorte ? Ne savait-elle pas que les salopards pullulaient en ce bas monde ? Elle pouvait avancer toutes les raisons faites de paillettes et trempées à l'eau de rose qu'elle pouvait trouver, ça ne pourrait justifier ce qu'elle s'apprêtait à faire.

   Remarquant que je répondais plus à ses caresses, elle demanda, les dents collées contre les miennes.

— Qu'y a-t-il ?

— Tu es vierge ?

   Elle lécha l'une de mes lèvres avant de répondre.

— Je suis tout sauf une menteuse.

— Et tu penses être amoureuse de moi ?

— Oui. Très.

   Sa réponse ne me plut pas. J'appartenais à ceux qui croyaient que les "coups de foudre" n'étaient que de beaux prétextes pour baiser sans perdre du temps, sans trop grande obligation. Si je continuais sur cette logique, je devais me demander si elle cherchait à coucher avec moi le plus vite que possible. Si c'était le cas, cela me conviendrait. Mais si elle était sincère et qu'elle m'aimait pour de bon, je devais arriver à la piteuse conclusion que je ne méritais pas cet honneur.

— Comment peux-tu en être sûr ?

   Elle haussa les épaules.

— L'amour n'est pas quelque chose qui se sait. Ça se sent, c'est tout. Tu as peur ? questionna-t-elle d'une voix sérieuse.

— Non.

— Arrête de mentir, ça se voit sur ton visage.

   Ne voulant pas qu'elle puisse finir par mettre le doigt sur cette phobie qui devenait de plus en plus inquiétante, je déviais la question de manière à me faire sortir gagnant à tous les coups.

— D'accord, j'avoue. Je n'ai jamais pris la virginité de qui que ce soit.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant