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—... Pas la peine de nier. Notre relation est très en deçà de ce que doit être celle d'un père et de son fils. Je n'ai pas toujours été un bon père et il y a des choses que j'aurais dû mieux faire. Comme venir assister à tes matches de soccer ou te montrer que tu comptais plus que mon travail. Je repense souvent au jour où tu as failli te noyer dans cette piscine sans le remarquer, et j'ai honte...

   Le regard de Sarah s'alourdit sur moi, puis fixa le portable à nouveau.

— Pardonne-moi. Maintenant que t'es aller te réfugier en Australie, je me sens plus seul que jamais. Tu me manques et ta mère me manque. Tu penses peut-être que c'est hypocrite de ma part d'écrire ça, mais j'aimais ta mère tout autant que toi. Tu ne m'as jamais permis de m'exprimer sur ce qui s'est passé ce soir-là. Tu t'obstines à croire que tout est de ma faute, mais je n'ai trompé ma femme qu'une seule fois durant toute ma vie. Une seule.

   Les veines de mon cou me montrèrent ma colère. Les souvenirs de cette soirée ouvraient la porte pour refaire surface. L'air humide à cause de la pluie qui frappait la terre. Les nuages gris qui enveloppaient le ciel... Je pinçai ma peau pour créer une autre douleur afin d'échapper à la première. Je ne voulais plus de cette sensation de creux dans mon cœur. Sarah, quant à elle, continua de lire cette lettre comme s'il s'agissait d'une histoire palpitante. Mon téléphone aurait dû être protégé. Jamais elle ne devrait lire ce mail. Ma vie privée ne la concernait pas.

— Si toutefois t'es d'accord, quand tu reviendras à Londres, on se verra pour parler une bonne fois pour toutes. Signé papa.

   Sarah cacha l'écran du téléphone sur le canapé avant de me regarder. Des larmes affluaient dans ses yeux ?

— Waw, s'exclama-t-elle. C'est intrigant. Alors quand est-ce que tu comptais me parler de ce problème avec ton père ?

— Cela ne te regarde pas. me contentai-je de souligner malgré la fureur qu'elle m'inspirait.

   Prenant ma réponse au quart de sa valeur, elle se leva pour venir mettre sa tête sur ma jambe.

— Bien sûr que cela me regarde mon chou. Tu es mon copain. Et puis ça te fait souffrir...

— Cela ne te regarde pas, alors je t'en prie, fiche-moi la paix. Je t'en prie !

   Elle jugea que c'était trop de "je t'en prie" et conclut que je ne voulais vraiment pas discuter. Un peu de compréhension ? Peut-être quelques uns de ses neurones fonctionnaient toujours.

— Si ça peut te soulager, mon père aussi est un connard. C'est le genre d'homme qui me donne envie de manger des épingles. Son autoritarisme m'étouffe. Tu te rends compte que c'est à cause de lui que mon adolescence fut un cauchemar ? À cause de lui, j'ai été obligé de faire ma scolarité à domicile.

   Curieux, je lui demandai pourquoi. En fait, j'espérais avoir la certitude que son problème était d'ordre familial. Peut-être que son père était un maniaque qui cachait sa princesse dans une tour inaccessible. Comme la méchante sorcière dans Raiponce. La génétique pouvait expliquer bien des choses. Elle m'offrit un regard bourré de mystère qui disait : essaie de deviner. J'occultai tous les autres mots qui sortirent de sa bouche. Mes problèmes étaient trop importants pour pouvoir me ruer sur ceux des autres. Toutefois, quand elle cita le mot "mère", mon attention devint vive.

— Et ta mère ? Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

   Ma mâchoire contractée lui suffit comme réponse.

— Elle a divorcé parce que ton père l'a trompé ?

   Chacun de ses mots fut un supplice. Elle ignorait ce qu'elle me forçait d'endurer avec son petit manège. Pourquoi une parfaite inconnue se donnait le droit de s'infiltrer dans quelque chose qui ne la regardait pas ? Mais à quoi bon lui donner une raison de continuer. Après quelque minutes à tergiverser, elle me traita de rabat-joie et finit par abandonner. Très cliché de sa part, elle m'imita pour se vouer à une contemplation de mon torse et de mes doigts, avant de saisir mon portable pour partir à la recherche "d'autre truc intéressant". L'orage passé, j'attendais le beau temps. Je ne croyais pas qu'autre chose pourrait toquer sa curiosité. Seul les déboires de mon travail, les prises de gueule avec mon père, mes doutes concernant mon passé, rythmaient ma vie.

— C'est quoi ça ? marmonna-t-elle.

   Ses yeux s'écarquillaient tandis que des vagues tumultueuses se creusaient sur son front. Elle défila l'écran avec son pouce et gardait ce qu'elle découvrait pour elle. Néanmoins, ça ne me disait rien qui vaille. Son nez palpitait d'une façon trop étrange pour ne pas semer le doute.

   Au bout de quelques second sonorisées par son souffle saccadé et l'accélération de son cœur, elle se leva et me lança le téléphone.

— Et de ça alors, quand comptais-tu m'en parler ?

    Je saisis le portable. Dès le premier coup d'œil sur l'écran, tout s'éclaircit.

— Quoi ? Ce message ? Tu te fous de moi ?

— C'est qui cette pétasse ? demanda-t-elle en faisant ouste de ma demande.

— Ce n'est pas une pétasse.

— C'est qui alors ? Si j'ai bien compris, tu l'as rencontré en Australie comme moi ?

   Et voilà, c'était reparti pour un tour. Même dans un couple monté de toute pièce, la dispute demeurait un roi incontesté. Tandis qu'elle me passait un savon, je contemplai sa jalousie en questionnant si je devais en rire ou en avoir peur. J'en restai silencieux durant quelque temps, ce qui l'énerva encore plus.

— RÉPONDS-MOI BORDEL.

   Je fis ce qu'elle m'ordonna et dit ce qu'elle voulait entendre. Les femmes pouvaient être si débile que c'était difficile de ne pas en profiter.

— Rassure-toi, elle n'est pas comme toi. Je ne ressens rien pour elle. Et je n'ai jamais couché avec elle.

 Et je n'ai jamais couché avec elle

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