Je descendis au rez-de-chaussée où j'espérais trouver mes hôtes, mais ils n'étaient pas là. La radio ne diffusait rien, et un silence de mort alourdissait les pièces. Peut-être qu'ils chauffaient encore le lit. Je profitai alors pour savourer cette maison si vivante en contemplant ses meubles, ses décorations, ses peintures dignes d'une déjantée, ses figurines et cette aura. Je m'assis sur le canapé après avoir choisi une station qui propageait de bonnes ondes et patientai. Bertha apparut sept minutes plus tard dans un pyjama bleu au motif de corail. Ses cheveux étaient dans tous les sens et son visage, tout rabougri. L'ensemble formait un contraste effrayant.
— Bonjour, tu as passé une bonne nuit ?
— Ah, bonjour Apollo ! Oui, oui, ça va.
— En effet, tu as une mine splendide.
Elle était plus grande que moi et je lui devais le respect, mais la phrase sortie sans ton malveillant, comme lorsqu'on s'adressait... à une amie.
— Ne te moque pas. Hier soir, j'ai travaillé tard et ce que tu vois en est le résultat.
— D'accord.
Elle se dirigea vers la cuisine. J'espérais qu'elle constatait mon costume soigné, ma mallette, et même la pitoyable odeur de l'eau de Cologne. Comme ça, elle serait préparée à recevoir mon speech d'adieu. Imitant ses pas, j'attendis qu'elle eût terminé de se servir un verre de lait pour demander.
— Où est Harry ?
— Oh, tu sais, toujours ses habitudes matinales.
— Ah, quel dommage ! J'aurais tellement aimé lui dire au revoir.
Arrêtant tout pour me regarder, elle sembla remarquer pour la première fois ce look qui ne pouvait signifier que mon départ.
— Tu pars.
Bien que ce n'était pas une question, je répondis tout de même. Elle hocha la tête avant d'afficher un sourire chaleureux.
— Laisse-moi t'offrir un verre de lait.
Une offre aussi alléchante ne se refusait pas.
— Ça m'a fait plaisir de vous rencontrer Bertha.
— Et moi donc, Apollo.
Une larme vint perler dans son œil droit. De bonheur ou de tristesse ? Réponse inconnue. Alors, je fis semblant de ne pas la voir.
— Viens récupérer ton tableau. Reprit-elle en se dirigeant vers son atelier.
La tête chargée à bloc, je l'avais oublié. La pièce de travail était plus désordonnée que la dernière fois. La peinture reposait dans sa beauté près de la fenêtre. Mon visage y figurait tout de même et le style tapait à l'œil. Je ne connaissais rien en peinture, à part le fait que la Joconde avait été peinte par Picasso. Mais regarder ce portrait m'amenait à penser à des trucs. Pas besoin d'être un spécialiste de la cuisine pour reconnaître le délice d'un plat. Ça se faisait de façon naturelle. Il en valait de même pour toutes ces couleurs qui s'embrassaient pour créer ça. Bertha s'attarda devant sa création avant de la flairer puis d'y passer un petit doigt. Elle alla prendre une petite caméra Canon qui se trouvait dans un tiroir pour faire un cliché. Après, elle s'écarta et me fit signe de le prendre.
— Pas besoin de dire que c'est à manier avec soin, n'est-ce pas ?
— En effet. Vous êtes sûrs de votre choix. J'aime payer les talents des autres.
Le souvenir de son visage, lorsque j'insistais pour payer, revint dans ma tête. Je ne comprenais toujours pas sa réaction et je redoutais qu'une situation identique se reproduise. Ce ne serait pas plaisant de se quitter sur une dispute. Un petit sourire de sa part apaisa mon esprit.
— On ne paye pas qu'avec de l'argent mon chéri.
Cette réplique me laissa pantois. Qu'est-ce que j'avais bien pu faire pour ne pas payer ? Rien du tout. À part, peut-être, jouir de leur générosité. Sur le coup, même Sarah (arrivée pourtant hier) me semblait plus digne. Avec ses petits airs adorables faisant du ménage. Tandis que je persistais à faire de Sarah ma bête noire, l'artiste alla chercher une boîte en carton.
— Si tu veux, tu pourras le faire encadrer.
— Peut-être. Tu peux mettre ta signature ?
Tandis qu'elle s'exécutait, je la remerciai en pensant que grâce à cela, j'allais pouvoir me souvenir de sa générosité. Comme ma mémoire me jouait parfois des tours, je me rassurais que son nom ne sortirait pas de ma tête. Je soulevai le tableau avec précaution et la transportai dans le salon. Sarah, assise sur le canapé, portait maintenant un petit pantalon en jean et un corsage qui laissait entrevoir sa poitrine. Il faisait chaud, certes, mais en arriver jusque-là me rendait perplexe. À demi, vu que mes yeux se régalaient de la vue.
Bertha, surgis quelque temps plus tard avec une grimace sensible que Sarah n'avait pas remarquée. Elle laissa ses yeux traînés sur le corps de son invité avant de regarder la sienne.
— Bonjour Bertha.
Cette dernière la répondit avec tellement de chaleur que cela sonnait faux. Elle ne m'adressa pas la parole, ce qui me déçut. Je lui lançai tout de même un petit mot avant de filer vers le garage, une boîte sous mes aisselles et la mallette traînant derrière moi. Ma voiture resplendissait. On ne pourrait même pas dire qu'elle avait subi un accident. C'était bien ainsi, sinon la boîte de location en tirerait profit pour se payer ma tête. Je m'avançai vers elle, résolue comme un pirate avant de m'arrêter net devant la portière. Frappé par une révélation qui ne me plaisait pas du tout. Ce qu'il manquait dans ma mallette. La clé de ma voiture. Dès cet instant, il aurait fallu comprendre que quelque chose ne collait pas. Qu'il y avait anguille sous roche et que je ferais mieux de ne pas m'approcher de Sarah. Mais l'engrenage marchait déjà.
* La Joconde a été peinte par Léonnard de Vinci
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À tout prix
Roman d'amourTomber sur une folle amoureuse de votre beau sourire, de vos muscles saillants, de votre parfum et de tas d'autres détails, ça vous tente ? En-tout-cas, c'est ce qui arrive à Apollo Malcolm, en visitant l'Australie. Résultat : Il se réveille dans un...