45

174 8 26
                                    

— Ben tu vois, ce n'était pas si compliqué que ça ! exclama Sarah. Maintenant, si tu veux bien, j'aimerais que tu m'expliques comment tu es remonté à ma trace. Ça me titille.

   Jennifer jugea que son désir était un ordre. Elle l'expliqua qu'au début, l'affaire semblait ardue. L'Australie l'était inconnue et Sarah n'y avait pas de proche sur lequel s'acharner. Elle passa une bonne partie de son temps à réfléchir à la bonne stratégie à adopter. Mais un jour, Sarah utilisa l'une des cartes de crédit de son père. 9 999 dollars ne passaient pas inaperçus. Jennifer poursuivit en disant qu'elle eut une révélation. Façon de parler, bien sûr. Elle s'était dit que Sarah n'avait peut-être pas tout préparé. Un nouveau pays restait quand même un nouveau pays.

   Elle garda le silence durant plusieurs secondes, attirant notre regard de manière excitante. Sarah laissa sa bouche à moitié ouverte, désirant le fin mot de l'histoire. « Alors j'ai pensé que tu devais au moins avoir quelqu'un qui t'a aidée depuis les États-Unis. Comme tu n'avais pas beaucoup d'amis, j'écartais tout de suite cette possibilité. Je décidai de fouiller en partant de l'entreprise. Ton père m'avait donné libre accès à toutes les données pour pouvoir tout mené à bien et c'est ainsi que je remontai à un certain Thomas Foley. »

   Sarah secoua la tête avec gourmandise avant d'applaudir comme une possédée. Elle voulait paraître drôle et très décontractée, mais la contraction de sa mâchoire était plus que visible.

— Wow, tu es très intelligente. Mais avoue que c'est par un grand coup de chance que tu es remontée jusqu'à moi.

— Un tout petit peu, mais dans ce métier, ce n'est qu'une question de volonté et de temps. Et puis, je voulais terminer avec ce travail pour retourner voir quelqu'un, au plus vite.

   Je sentis la gifle que contenait sa dernière phrase. Ma tête resta baisser sous le poids de la honte. Je l'avais peut-être blessé plus que je ne le pensais. À cet instant, elle devrait pester toutes les insultes contre moi. Je les méritais.

— C'est pas drôle, reprit Sarah en attrapant sa queue de cheval. Mais dis-moi, est-ce que quelqu'un est au courant que tu es ici ?

   L'ambiance de la pièce tomba à zéro. Cette question sonnait comme un couteau à double tranchant. Si toute fois sa réponse était oui, Sarah paniquerait et se mettrait dans un état incontrôlable. Elle la menacerait et finirait peut-être par loger une balle dans sa tête. Non ! Elle se mettrait dans de beau drap, car elle serait la première suspecte. Mais on l'avait bien diagnostiqué avec des " pépins mentaux ". Elle avait une grande chance de s'en tirer avec juste un internement dans un hôpital psychiatrique —. Ou rien du tout. Lorsqu'on a un portefeuille bien rempli, des miracles se créaient. Une réponse négative n'arrangerait rien non plus. Cela donnerait à Sarah le plein pouvoir d'agir sans avoir de compte à rendre.

— J'étais venue pour confirmer si c'était une bonne piste. Alors tu t'imagines bien que je n'ai pas parlé de ça à ton père.

— En voilà une bonne nouvelle. Une très bonne nouvelle. Dit-elle avec le sourire le plus sincère du monde.

— Et maintenant ?

— Et maintenant quoi ?

— Que vas-tu nous faire maintenant que tu sais que personne ne pourrait faire le lien entre nous et toi ?

   Sarah secoua la tête avec acharnement. Tel un bébé ne voulant pas d'une cuillère de purée.

— Non, non. Il n'y a pas de "nous" qui tiens. Ce qui se passe entre Apollo et moi ne te regarde en rien. Je t'avoue que je n'ai pas encore réfléchi sur la question. Mais rien ne presse. On se sent bien ici, pourquoi se précipiter ?

   On se sent bien ici. Dis donc, il y avait des mots qui donnaient la migraine. Néanmoins, cela me rassurait aussi. Même si notre libération n'était pas pour demain, rien de stupide ne dansait dans sa tête. Pour le moment. Tout le monde, y compris Jennifer, retourna dévorer sa pizza. Les secondes défilaient en nous lançant des regards pleins de sous-entendus. On soupirait, écrasait une goutte de sueur qui ruisselait sur notre peau et se léchait parfois les doigts. La scène était à mourir d'ennui, quoiqu'avec un suspens pendu au bout de la corde. J'aurai beau me convaincre de ne pas penser à cette arme qui reposait sur le lit, impossible.

— Oh, vous ne trouvez pas que l'air est lourd ici ? questionna Sarah. Personne n'est mort.

— Pour le moment, toqua Jennifer. Sale folle

— S'il te plaît, arrête avec ça. Je ne suis pas folle.

— Alors, libère-moi. Laisse-moi partir de ce trou à rat et ne nous... Ne me traite pas comme une vulgaire petite souris en cage.

— Tu iras tout raconter à la police. Non, non.

   Elle secoua la tête pour illustrer un non définitif, et Jennifer finit par se le rentrer dans le crâne. Elle roula des yeux à la manière que seules les femmes pouvaient le faire et frappa l'arrière de son crâne sur le lit.

— Si ce n'est trop te demander, tu comptes faire quoi ? Quel est ton plan ?

— Je n'en ai pas. En fait si.

   Je m'intéressai à la réponse. Surtout que Sarah lançait un regard plein d'étincelle vers moi.

— Quand j'aurai terminé de résoudre quelques petits problèmes entre mon petit copain et moi, je pense que tout sera réglé. Tu pourras retourner aux États-Unis et mener ta petite vie merdique. Soyons sérieux deux secondes. Ne me dis pas que tu prends à emmerder les gens ?

— Tant que c'est pour découvrir leur sale petit secret, répondit Jennifer avec d'arrogance.

— Pathétique, mais bon, à chacun ses hobbies.

À tout prixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant